Le commissaire aux langues officielles du Canada, Graham Fraser, vient de servir un varlopage en règle au transporteur aérien Air Canada, mettant en doute sa bonne foi à se conformer à ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles.
Visiblement excédé par une délinquance « qui dure maintenant depuis 45 ans », M. Fraser signale qu’Air Canada a été en tête de liste pour le nombre d’infractions à la Loi citées dans ses rapports annuels et ceux de ses cinq prédécesseurs à au moins une vingtaine de reprises, se maintenant dans le peloton de tête lors de toutes les autres années.
Ces plaintes émanent tant de passagers qui se disent lésés au sol ou en vol que d’employés de l’entreprise déplorant une pénurie d’outils de formation ou de perfectionnement en français et des infractions quant à la langue de travail.
Ayant, dit-il, épuisé sans grand succès tous les recours dont il dispose, le commissaire Fraser se tourne donc vers le Parlement (la Chambre des communes et le Sénat, auxquels il est redevable), lui demandant d’intervenir par voie législative.
Il aborde notamment la possibilité d’ « ententes exécutoires » avec possibilité de recours systématiques en Cour fédérale, l’imposition de « dommages-intérêts légaux », l’imposition d’amendes et de « sanctions administratives pécuniaires» à l’endroit d’Air Canada.
Le commissaire verrait aussi d’un bon œil d’ « uniformiser l’application de la Loi à l’ensemble des transporteurs aériens du Canada », ce qui enlèverait à Air Canada l’argument voulant qu’elle soit pénalisée par rapport à ses concurrentes.
Le gouvernement
Graham Fraser envoie donc la balle directement dans le camp du gouvernement et les réactions initiale indiquent qu’il pourrait la saisir au bond bien qu’il ne s’engage à rien de concret pour le moment.
« Il va de soi qu’Air Canada doit absolument se conformer à ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles, » a déclaré a semaine dernière en Chambre la ministre de Patrimoine canadien, Mélanie Joly, responsable du dossier des langues officielles.
« Il est inacceptable que des lacunes qui perdurent depuis des années ne soient toujours pas corrigées et compromettent le service auquel les Canadiens ont droit. J›aurai l›occasion de travailler à ce dossier avec mon collègue le ministre des Transports (Marc Garneau), et nous tâcherons de tenir compte de toutes les recommandations dans ce dossier. »
Geste rare
Ce type de « rapport spécial » au Parlement , au-delà des rapports annuels, comme celui-ci qui s’intitule En route vers une conformité accrue d’Air Canada grâce à un régime d’exécution efficace, est très « rarissimes », précise le Commissariat.
Il veut signaler une situation qualifiée d’urgente par le commissaire, à laquelle le Parlement devrait apporter une attention aussi immédiate que particulière.
Un seul autre de ces rapports spéciaux a été produit auparavant, soit en 1990 par le commissaire D’Iberville Fortier au sujet de l’urgence de « clarifier les obligations linguistiques des organismes fédéraux et de préciser les circonstances dans lesquelles les Canadiens peuvent s’attendre à être servis dans la langue de leur choix ».
Réplique d’Air Canada
Air Canada défend par ailleurs bec et ongle sa performance par rapport à la Loi, faisant valoir que le nombre de plaintes est demeuré stable alors que le nombre de passagers transporté a augmenté de 25 % au cours des 10 dernières années.
Dans une lettre signée par le chef de son contentieux, David Shapiro, elle souligne les résultats d’un sondage mené en avril 2016 par Ipsos-Reid, concluant que 94 % de ses clients sont satisfaits ou très satisfaits du niveau de bilinguisme d’Air Canada.
On y insiste aussi sur le fait que la société soit de loin le plus bilingue de tous les transporteurs aériens au pays.