On parle beaucoup d’immigration francophone de ce temps-ci au Parlement fédéral. À cet égard, on y a cité l’exemple de la Ville de Saint-Quentin au Nouveau-Brunswick. On la crédite d’une belle ouverture aux nouveaux résidants. Rien d’institutionnel, tout simplement un comité d’accueil que des citoyens ont pris en charge.
Le comité des communes sur les langues officielles a terminé ses audiences publiques sur l’immigration francophone en milieu minoritaire. C’est maintenant le temps des huis clos où les députés préparent leurs conclusions.
Rien ne sert de jouer à l’autruche
L’avenir du français dans plusieurs des provinces canadiennes ne peut reposer sur le seul héritage de l’histoire. Les familles de descendants de la France ne sont pas assez nombreuses et comptent souvent un parent d’expression anglaise qui transmet d’abord la langue de Shakespeare à ses enfants.
La planche de salut serait donc l’immigration. La ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, l’a d’ailleurs affirmé en comité sans que personne s’objecte. Les défenseurs du fait français sont de son avis pour la plupart.
Comment prétendre le contraire ? Les recensements le confirment les uns après les autres. Les francophones baissent en proportion dans l’ensemble du pays, et ce qui est le plus inquiétant, en nombre absolu dans certaines provinces comme la Nouvelle-Écosse et l’Ile-du-Prince-Édouard.
La solution ?
Attirer du monde. C’est là-dessus que le comité des communes sur les langues officielles est en train de réfléchir.
Actuellement, guère plus d’un immigrant francophone sur 70 choisit l’extérieur du Québec pour y semer ses rêves d’avenir. Au gouvernement comme dans le monde associatif francophone, on souhaite qu’au moins un sur 20 le fasse.
« Je ne connaissais absolument rien de ce qui se passait à l’extérieur du Québec », me confiait Jean de Dieu Tuyishime, directeur général de la Fédération franco-ténoise. Ce Rwandais d’origine est au Canada depuis 1997. Sa vision était simple : le Québec français d’un côté et le Canada anglais de l’autre. Mais l’expérience s’est inscrite en démenti pour le conduire d’abord chez les Franco-Albertains puis à Yellowknife en 2004.
On voit déjà une des recommandations que le comité des langues officielles pourrait formuler, soit insister sur la présence française dans tout le pays quand on le présente à l’étranger.
Les audiences ont révélé plusieurs champs d’intervention où il faut agir pour attirer immigrants et Néo-Canadiens en quête d’un avenir meilleur. On compte entre autres la santé, la vie communautaire, l’éducation, les loisirs, bref tout ce qui contribue à bâtir le quotidien.
Il est aussi ressorti des audiences que les minorités elles-mêmes peuvent agir sans même que l’État lève le petit doigt. Le moyen ? Appelons-le l’accueil humain. Ce sont la vraie poignée de main ou la bienvenue souhaitée en personne dès la descente d’avion.
« La première chose n’est pas de courir vers le français. Il faut le mettre ailleurs que dans les statistiques. Il faut le mettre près du BBQ », dit Jean de Dieu Tuyishime avec une pointe d’humour dans l’espoir que les Canadiens de souche comprennent.
Une aide précieuse
C’est dans un restaurant de Saint-Quentin que j’écris ces lignes. Je viens de franchir ce que l’on appelle ici le portage, 60 kilomètres de forêt d’épinettes sur une route enneigée. J’ai l’impression d’être sorti du bois. Un peu éprouvant, mais rien à côté du parcours d’un immigrant qui a coupé ses racines pour vivre ailleurs.
L’hôtesse qui m’a accueilli n’a que des éloges à l’égard du comité d’accueil de sa ville. Il lui a rendu d’immenses services, dit-elle, quand elle a décidé d’y faire son chez-soi. Elle est pourtant canadienne. Il est facile d’imaginer à quel point cette aide peut être précieuse pour un pur étranger.
Une famille française s’installe actuellement à Saint-Quentin m’a-t-elle raconté. Elle pourra demander un coup de main à ce comité si elle a besoin d’aide pour « sortir du bois ».
C’est de toute évidence une initiative citoyenne exemplaire qui pourrait servir à toutes les communautés qui veulent s’enrichir d’une nouvelle présence française… et humaine.