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le Jeudi 26 octobre 2017 17:31 | mis à jour le 20 mars 2025 10:40 Francophonie

Le courrier du lecteur La FFT, porte-parole de qui au juste?

Le courrier du lecteur La FFT, porte-parole de qui au juste?
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Les assemblées générales annuelles de la FFT passent et se ressemblent. Encore une fois cette année, l’exercice met en lumière le déficit démocratique qui caractérise le fonctionnement de « l’organisme porte-parole de la francophonie ténoise » depuis près de quarante ans.

Si vous êtes comme moi un francophone des TNO dont l’implication communautaire se fait autrement qu’en siégeant à des conseils d’administration, vous n’avez, vous non plus, jamais eu l’occasion de choisir vos « porte-paroles ». L’organisme qui a le mandat de vous représenter auprès des différentes instances gouvernementales continuera d’accomplir cette tâche sans jamais vous demander, vous les citoyens franco-ténois, ce que vous en pensez.

La structure de la FFT — on le répète : un organisme qui a la prétention de parler au nom des Franco-Ténois — est éminemment problématique. Les membres de la FFT sont des organismes sans but lucratif. Ceux-ci délèguent un certain nombre de leurs administrateurs pour participer à l’AGA. Il faut être invité pour participer à cette rencontre annuelle, seule instance « publique » (pas vraiment) de l’organisme porte-parole.

Le mythe derrière cette drôle de façon d’envisager la démocratie est que les simples Franco-Ténois sans privilège de CA comme vous et moi peuvent faire entendre leur voix dans les assises de leurs associations membres respectives. Or, cela est bien sûr faux puisque ces associations n’ont pas de mandat politique. Ce sont des organismes dont les administrateurs sont élus pour accomplir des mandats culturels et communautaires. Jamais les membres de ces associations n’ont l’occasion de se prononcer sur les dossiers pris en change par la FFT, qui pourtant les impliquent directement.

Soyons clairs : toutes les orientations prises par la FFT au nom des francophones des TNO sont le fait d’un petit groupe d’individus qui agit sans avoir reçu de mandat populaire en ce sens. Ce sont de ces gens-là que la FFT se pose en porte-parole ; certainement pas de l’ensemble de la francophonie ténoise.

Statuts et règlements

Au menu de l’AGA cette année, il y avait un point en apparences anodin, mais qui vous concerne directement : la révision des statuts et règlements de l’organisme.

Sans que vous en ayez été informés, votre « organisme porte-parole » a passé toute l’année précédente à réviser sa structure de fonctionnement. Une motion sur les nouveaux statuts et règlements a été adoptée la semaine dernière par cette minuscule clique à qui revient le privilège de prendre ce genre de décisions à votre place.
L’ironie veut que les nouveaux statuts adoptés visaient justement à ouvrir la participation citoyenne aux instances de la FFT (pas parce qu’il y avait une réelle volonté de démocratiser ses structures, mais pour continuer de recevoir une subvention au nom des communautés de Fort Smith et d’Inuvik qui n’ont plus d’association culturelle). Avez-vous compris? La FFT a décidé d’étendre [sa membriété] à la population sans même demander aux principaux intéressés ce qu’ils en pensaient.

À partir de l’an prochain, vous aurez donc la possibilité de devenir un membre individuel de la FFT et donc, quatre décennies trop tard, de finalement pouvoir prendre part à l’AGA en tant que citoyen.
Mais pas si vite. Une clause des nouveaux statuts et règlements stipule que votre adhésion individuelle devra d’abord être approuvée par le conseil d’administration. Un peu comme le ministère de l’Éducation qui se permet de trier quel enfant sera admis ou non dans les écoles francophones, la FFT se réserve le droit de refuser les membres qui ne font pas son affaire.

Par ailleurs, les membres institutionnels historiques conservent leurs voix à l’AGA et auront des sièges réservés au conseil d’administration. La FFT se retrouve donc avec une structure hybride bizarre où une partie de ses membres s’exprime au nom d’entités corporatives (toujours sans mandat politique) et une autre partie en tant qu’individus.
La décision a été prise la semaine dernière sans consultation et est exécutoire.

Présidence
Cette année, le poste de présidence de la FFT faisait l’objet d’une élection. Le titulaire a pour prérogative de s’exprimer au nom de la francophonie ténoise et ira parler et serrer des mains en votre nom un peu partout au pays et devant les représentants des gouvernements, durant les deux prochaines années. Comme citoyen franco-ténois vous n’avez évidemment pas eu l’occasion de vous prononcer. C’est encore et toujours le club privé de l’AGA qui choisit votre « porte-parole ».

Selon les interprétations des statuts et règlements actuels, vous aviez cependant peut-être le droit de présenter votre candidature. Je dis bien « peut-être » parce que ce n’est pas garanti. Le processus prévoit que votre candidature doit être entérinée par trois administrateurs d’associations membres. Normalement, le CA de votre asso devrait d’office cosigner vos papiers d’élection, mais, dans la pratique, ces gens peuvent aussi choisir de vous barrer le chemin. Certains d’entre vous se souviendront qu’en 2006 Martin Dubeau, un membre (et ex-président!) de l’AFCY avait tenté en vain de se présenter contre le président sortant Fernand Deneault, mais qu’il n’avait pas pu le faire parce que le CA de son asso avait tout bonnement refusé de parapher sa mise en candidature.

D’autre part, pour que vous ayez pu vous présenter, il aurait d’abord fallu que vous sachiez qu’il y avait une AGA et que le poste de présidence allait y être désigné. Or, vous n’êtes pas l’administrateur d’une société membre, vous n’avez donc pas été convoqué…

Pas facile, donc, de briguer les suffrages de la FFT. Malgré tout, il existe parmi vous des citoyens qui sont assez interpellés par les enjeux de la francophonie ténoise pour prendre la peine de surmonter toutes ces embûches sciemment placées pour décourager votre participation et qui, de peine et de misère, arrivent quand même à déposer leur candidature.

Cette année, à ma connaissance, au moins un tel individu non-administrateur d’association membre a déposé ses papiers de mise en candidature. Cette personne, un résident francophone établi aux TNO depuis plusieurs décennies, travaille sur un site en secteur éloigné, et ne pouvait pas être physiquement présente à l’AGA où, de toute manière, elle n’aurait pas eu le droit de voter.

Or, quand le point des élections est arrivé en AGA, il a été annoncé qu’aucune candidature n’avait été reçue (!?!). On a fini par accepter des candidatures « du plancher », c’est-à-dire parmi la clique qui se fait inviter à l’AGA. C’est finalement Catherine Barlow, une nouvelle venue aux TNO, qui a été « élue par acclamation » comme le veut la formule.
Plus tôt cet automne, et sans le moindre appel de candidatures ni annonce publique en ce sens, le CA de la FFT a renouvelé le mandat de Richard Létourneau en tant que représentant des francophones au Conseil des langues officielles des TNO. Il s’agit d’une structure gouvernementale consultative officielle. Sans douter de la qualité, de l’expérience et de l’engagement de M. Létourneau, il demeure troublant que l’unique personne siégeant au nom de la francophonie à ce conseil ne soit pas choisie par la francophonie.

Personnellement, en tant que résident francophone des TNO depuis 13 ans, je trouve déplorable de ne jamais avoir eu l’occasion de me prononcer sur les personnes qui parlent en mon nom. C’est d’autant plus frustrant que nous nous trouvons à un moment charnière de l’évolution de la place de la francophonie et des langues officielles aux TNO. Encore la semaine dernière, alors que la commissaire aux langues des TNO comparaissait à l’Assemblée législative, des députés ont à maintes reprises évoqué la possibilité que le régime linguistique ténois soit modifié d’ici la fin de la présente législature. Les gens qui seront appelés à défendre les intérêts des Franco-Ténois dans ses tractations ne sont pas mandatés par les citoyens francophones de le faire.

Les décisions seront encore prises sans nous, ceux qui les subissent.