le Vendredi 2 mai 2025
le Jeudi 14 Décembre 2017 13:41 | mis à jour le 20 mars 2025 10:40 Francophonie

Vie communautaire Le peintre de la Maison bleue

Vie communautaire Le peintre de la Maison bleue
00:00 00:00

Belkacem Taieb revient à Yellowknife pour enseigner.
 

En 1999, un jeune homme donnait une couche de bleu à la maison Laurent-Leroux, le centre nerveux de la francophonie ténoise, avant d’entreprendre un tour du monde et un doctorat. Près de deux décennies plus tard, Belkacem Taieb est de retour à Yellowknife.

1999 donc, Belkacem Taieb a quitté la France pour le Canada depuis près d’un an et vit différentes expériences d’emploi grâce au programme Jeunesse Canada au Travail. Une amie, Julie, lui confie son désarroi que son amoureux soit parti si loin d’elle, à Yellowknife, où il travaille pour la commission scolaire catholique. Belkacem lui suggère d’aller le rejoindre, ce qu’elle fait… pour ensuite inviter Belkacem lui-même à Yellowknife, où il déniche un emploi en relations publiques à la Fédération franco-ténoise (FFT). Des relations publiques, il en aura surtout avec son pinceau, comme on le verra plus loin.

Et voilà donc Belkacem et son amoureuse de l’époque qui se font la route de Terre-Neuve à Yellowknife, neuf jours de voiture et de camping. « Quand j’ai été me présenter à Daniel Lamoureux [directeur de la FFT de l’époque], se rappelle-t-il, j’avais la face de Quasimodo, j’étais tout boursouflé à cause de ma réaction aux piqûres des insectes. »

Bleu et GRC
L’été n’est pas fatalement la saison idéale pour faire des relations publiques, et c’est encore plus vrai lorsque vous arrivez dans un endroit qui  vous est inconnu et que votre patron est en congé. De fait, avec les vacances, Belkacem Taieb s’est retrouvé seul à la maison Laurent-Leroux, à vendre du sirop d’érable et à louer des cassettes vidéos, à construire avec André Boulanger une terrasse en bois — aujourd’hui disparue, à répondre au téléphone et à mettre des couches de bleu (deux ou trois?).
Elle était quelle couleur avant d’être bleue? Il ne s’en souvient pas.

Il se rappelle par contre d’une anecdote cocasse : « Le patron de la Gendarmerie royale appelle sur la ligne de l’AFCY pour s’excuser que son organisme n’ait pas donné de services en français en une précédente occasion; je lui réponds : “D’accord, mais vous vous excusez en anglais.” Ensuite, le téléphone sonne à la FFT; je lâche le pinceau et je réponds. C’est encore le patron de la GRC, qui répète son truc. Je lui réponds : “Bon d’accord, mais vous excusez toujours en anglais!” »

« À l’époque, se souvient celui qui est aujourd’hui professeur à l’école St-Joseph, ça me faisait quelque chose d’arriver aussi loin dans le Nord et de voir que ça parlait français, pour moi, c’était inimaginable. »
Après quelques légers travaux au Carrefour culturel (le rocher McAvoy dans la vieille ville de Yellowknife), toujours avec André Boulanger, Belkacem Taieb devait se joindre à la tournée du groupe acadien Le Grand Dérangement dans les Territoires.

Autochtonéïté
Belkacem Taieb est né en France de parents d’origine algérienne, plus précisément kabyle. Les Kabyles sont un peuple berbère — et non arabe — dont la langue est le tamazigh. M. Taieb a exploré son autochtonéïté dans sa vie et ses études, notamment en côtoyant les Maoris et les Innus. Il a participé à un grand nombre de rituels sacrés, fréquenté des hommes-médecine, voyagé avec un aîné innu en France et en Inde. M. Taieb a fait état de sa démarche dans sa thèse de doctorat à l’Université Victoria de Wellington (Nouvelle-Zélande), intitulée Decolonising Indigenous Education (Décoloniser l’éducation autochtone), que l’éditeur Palgrave Macmillan présente ainsi : « Utilisant l’auto-ethnographie, Taieb raconte le parcours d’une philosophie éducationnelle par et pour les Kabyles d’Algérie et entreprend d’écrire les fondations sociologiques d’un système d’éducation kabyle ».

C’est un nouvel emploi qui a ramené M. Taieb à Yellowknife.