Les 5 et 6 avril, 250 experts se sont rassemblés à Ottawa pour le 2e Sommet canadien sur la santé cardiaque des femmes.
Entre recherches récentes, nouvelles percées et témoignages de survivantes chargés d’émotions, la cause avance, mais le constat reste le même, toujours aussi alarmant : une Canadienne meurt d’une maladie cardiaque toutes les 20 secondes.
La maladie du cœur est la principale cause de mortalité chez les Canadiennes. En fait, elles sont cinq fois plus susceptibles d’en mourir que du cancer du sein. Malgré les avancées en la matière, les femmes sont insuffisamment informées et manquent de soutien dans la prévention, le traitement et le rétablissement. « On a encore beaucoup de chemin à parcourir », atteste Michèle de Margerie, médecin et docteure à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa.
L’objectif du Sommet bisannuel : combler le vide en matière de santé cardiaque féminine.
Le cœur des femmes encore mal compris
D’après une étude publiée dans la revue Circulation, les signes précurseurs d’une crise cardiaque passent inaperçus chez 78 % des femmes. En outre, deux tiers des études cliniques sur les maladies cardiaques se concentrent exclusivement sur les hommes. Un constat qui traduit une mécompréhension du cœur féminin dans le système de santé. « Le cœur des femmes présente plusieurs spécificités encore méconnues. Plus on en cherche, plus on en trouve ! », observe Marie-Annick Clavel, professeure-chercheure en maladies valvulaires à l’Université Laval. Elle cite par exemple la maladie coronarienne ou l’infarctus du myocarde, « qui ne se manifestent pas de la même manière chez les femmes que chez les hommes ».
Les symptômes connus chez l’homme ne sont pas forcément les mêmes chez la femme. « Pour les hommes, le symptôme classique est la douleur dans la poitrine qui irradie dans le bras gauche. Il existe chez certaines femmes, mais pas toutes, indique l’experte. On peut avoir un développement plus insidieux avec de la fatigue, de l’essoufflement, des douleurs thoraciques ».
Même chose au niveau des traitements : ils ne sont pas adaptés aux femmes. « Les médicaments qu’on donne aux femmes ont été testés dans de grandes études internationales avec une large majorité d’hommes et où les résultats ont été rapportés à toute la population. Donc on ne connaît ni l’efficacité ni les effets secondaires de ces médicaments sur les femmes », relève Marie-Annick Clavel.
Pour la docteure Michèle de Margerie, il faut aussi considérer le « trajet hormonal » des femmes tout au long de leur vie. « J’ai appris par exemple que les femmes qui ont fait état d’une haute pression lors de leur grossesse sont plus à risque, ou encore les femmes qui accouchent avant 37 semaines de gestation et les femmes avec une ménopause précoce, c’est-à-dire avant 40 ans. On découvre toutes sortes de choses à plusieurs niveaux qui informent nos futures lignes directrices », explique-t-elle.
Sensibiliser pour sauver
D’après un sondage réalisé en 2017 par Cœur + AVC, seulement 20 % des Canadiennes parleraient régulièrement à leur médecin de santé cardiaque. Pour Marie-Annick Clavel, il est pourtant essentiel de sensibiliser « les médecins, les chercheurs, le public et les organismes gouvernementaux ». Elle regrette d’ailleurs que 90 % des personnes présentes lors du Sommet — chercheurs, cardiologues et autres experts — soient des femmes. « J’aimerais que les hommes s’intéressent plus à la santé des femmes », déclare-t-elle.
Le 6 avril, le panel Le fardeau de la maladie du cœur : les voix des femmes, a donné la parole à trois survivantes. Caroline Lavallée, diagnostiquée en 2006 d’une tachycardie supraventriculaire et porte-parole pour Cœur + AVC, tenait à animer ce témoignage poignant. « C’est un moment chargé d’émotions. Le panel permet de constater la souffrance physique et psychologique chez ces femmes. C’est bien de voir qu’on n’est pas seules », note-t-elle.
Car la sensibilisation est un combat pour la Québécoise : « J’ai la ferme conviction que c’est à force d’en parler, de sensibiliser les gens qui nous entourent et la communauté médicale sur la réalité des patientes qu’on peut contribuer à faire avancer les choses. La maladie cardiaque n’est pas une maladie d’homme », souligne-t-elle. Elle encourage autant que possible à « poser des questions » et milite pour la création de groupes de soutien au sein de la communauté de survivants. « Il faut être proactif dans un système qui malheureusement n’est pas capable de subvenir à tous les besoins », ponctue la femme engagée.
Pour Michèle de Margerie, médecin à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, le Sommet est un moment rassembleur nécessaire. « Il faut éduquer et effectuer un travail conjoint entre chercheurs, médecins, infirmières praticiennes, cardiologues, et programmes de prévention ». Reste à voir quels progrès en découleront.
Le prochain Sommet canadien sur la santé cardiaque des femmes aura lieu à Ottawa en 2020.