Une chercheuse québécoise développe un outil pour combattre le trouble de stress posttraumatique.
Les catastrophes naturelles sont appelées à se multiplier alors que leurs impacts à long terme sur la santé mentale sont sous-estimés, croit la professeure eGeneviève Belleville. Son équipe est une de celles qui étudient l’impact de l’incendie qui a ravagé Fort McMurray en 2016 pour développer des soins en ligne.
Geneviève Belleville est professeure de psychologie à l’Université Laval (Québec). Le stress posttraumatique, explique-t-elle, ce n’est pas dans l’urgence, c’est plus tard, quand la poussière est retombée. Au moment des catastrophes, les secours sont généralement bien organisés et professionnels, mais les services diminuent avec le temps. « On s’attend à ce que les gens passent à autre chose, explique Mme Belleville, mais c’est dans l’année qui va suivre qu’il faut continuer à être là. Les préoccupations de retrouver un travail, une école et de s’occuper des assurances peuvent s’accumuler et susciter des difficultés. On a besoin d’un [soutien] pour revenir à l’état normal. »
Le retour à la normale est banalisé, croit la chercheuse, et les impacts à long terme — insomnie, dépression, stress posttraumatique, abus d’alcool, anxiété — sous-estimés. À cela s’ajoute parfois ce qu’on appelle la culpabilité du survivant, un concept provenant du domaine militaire et selon lequel des gens qui ont été relativement épargnés par une catastrophe se sentent coupables alors que d’autres ont été touchés davantage. Jusqu’à un certain point, explique le professeur de l’Université Laval, le problème se trouve dans la façon dont on vit un évènement plus que dans l’évènement lui-même.
Pas de plan spécifique
Il n’existe pas aux Territoires du Nord-Ouest de plan spécifique pour un suivi psychologique après les catastrophes, affirme le directeur de la sécurité publique au ministère des Affaires municipales et communautaires, Kevin Brezinski, et il n’y en aura pas non plus dans la nouvelle Loi sur la gestion des urgences, pour laquelle des consultations publiques se tiennent actuellement, et à laquelle seront annexées des Lignes directrices pour l’évacuation. « Néanmoins, les Lignes directrices pour l’évacuation, dit M. Brezinski, contiendront des conseils et des directives pour le retour des évacués et pour qu’on s’assure que l’on s’occupe correctement de la détresse émotionnelle créée par une urgence. »
Ça ne signifie pas pour autant que le gouvernement soit resté inactif par le passé : par exemple il y a eu un suivi lors de la crise de suicides à Fort Simpson en 2017 et de l’évacuation de la population de Kakisa lors des incendies de 2014.
« C’est le rôle du ministère de la Santé et des Services sociaux, explique M. Brezinski, d’évaluer les impacts des désastres naturels, ce qui peut blesser émotionnellement la population, et de répondre à ses besoins. »
Guérison
Sept équipes de recherche, dont celle du docteur Belleville, sont financées par l’Institut de recherche en santé du Canada (IRSC). Son projet a commencé officiellement en mai 2017, mais déjà en 2016, trois mois après les incendies, une partie de son équipe avait commencé à suivre les évacués de Fort McMurray.
Un échantillon de 140 personnes montrant des symptômes de dépression, d’insomnie ou de stress posttraumatique a été divisé en deux groupes. Le premier a déjà reçu un traitement et le second le recevra en novembre prochain.
Ce traitement expérimental se sert d’Internet dans une approche basée sur l’autotraitement. « Il y a des outils d’autoévaluation, explique Mme Belleville, qui leur servent à identifier la sévérité de leur état, et ils sont ensuite dirigés vers d’autres outils, comme des exercices d’exposition, qui leur permettent de réapprivoiser graduellement des situations liées à un traumatisme, comme faire un feu, conduire, etc. ».
Il y a aussi des activités de restructuration cognitive, qui servent à se questionner sur des pensées qui traversent l’esprit, à identifier des discours internes et à les changer. Ce discours à changer peut porter, par exemple, sur l’impuissance à conduire un véhicule, à être en présence de fumée.
Ces parties du traitement sont complétées par des rencontres Internet hebdomadaires, durant trois mois, avec des étudiants de 3e cycle en psychologie.
Mme Belleville souhaite poursuivre sa recherche mais, au moment d’écrire ces lignes, son financement se termine en mai 2019.
Elle offrira son outil, qui n’existe actuellement qu’en anglais, au ministère de la Santé et des Services sociaux de l’Alberta.
Compte tenu des ententes dans le domaine de la santé entre l’Alberta et les Territoires du Nord-Ouest, l’outil du docteur Belleville pourrait un jour être disponible pour la population ténoise.
Particularités
« L’outil a été développé pour Fort McMurray, précise Geneviève Belleville, mais on veut l’adapter pour toutes les victimes. On veut promouvoir la résilience. L’idée c’est de rendre l’outil disponible partout au Canada. »
Selon la chercheuse de l’Université Laval, chaque type de désastre est différent et chaque communauté réagit différemment. « À Fort McMurray, illustre-t-elle, la ville entière, même le médecin et le psychologue, ont été évacués. Certaines personnes sont restées sensibles à la fumée, aux embouteillages. » Mais en fin de compte, toutes les détresses se rejoignent.
Un des projets financés par l’IRSC s’inscrit dans ce qu’on appelle l’offre culturellement sensible, un traitement adapté, donc, aux origines d’une population. L’équipe de l’Université de l’Alberta dirigée par le docteur Stephanie Montesanti, en collaboration avec le Nistawoyou Association Friendship Centre, s’intéresse plus particulièrement à l’impact de l’incendie sur les populations autochtones de la municipalité régionale de Wood Buffalo, qui comprend Fort McMurray.