Partout au Canada, les francophones sous-utilisent les services de santé en français qui leur sont offerts.
De comités consultatifs citoyens rencontrant sur une base formelle des représentants du ministère de la Santé et des Services sociau existent déjà au Manitoba, en Ontario, en Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard et rencontrent un grand succès, souligne le directeur général de Société Santé en français, Michel Tremblay. Le Réseau TNO Santé pourrait proser cette démarche au GTNO.
Société Santé en français offre des services techniques et professionnels à ses membres, favorise leur coopération et appuie leurs revendications. La visite de son directeur à Yellowknife permet d’avoir un panorama des solutions pratiquées ou envisagées dans les provinces et territoires pour que les francophones soient soignés dans leur langue.
À l’Ile-du-Prince-Édouard, par exemple, la langue de communication d’un individu est inscrite dans sa carte d’assurance maladie depuis 2016, ce qui permet de mieux planifier les services à lui donner. « Il faudra cinq ans avant que les citoyens de l’Ile soient tous enregistrés, note Michel Tremblay. Mais on commence déjà à être capable de faire des analyses, de constater si les gens demandent et/ou reçoivent des services en français. »
En Ontario
L’inscription de la variable linguistique sur la carte s’en vient en Ontario. La mesure elle avait été annoncée dans le budget de mars et conservée par le gouvernement Ford. « Dans un monde idéal, croit Michel Tremblay, ce serait dans toutes les provinces et tous les territoires. »
La démarche serait discutée dans d’autres provinces où elle est freinée par ses couts de mise en place et par la nécessité de convaincre deux niveaux de protagonistes. « En Ontario, le politique était en faveur de la démarche, de dire Michel Tremblay, mais les fonctionnaires étaient contre. Et les informaticiens vont toujours trouver des raisons pour ne pas faire les choses. »
La coordonnatrice de Réseau TNO Santé, Audrey Fournier, milite pour qu’une telle mesure soit instaurée aux TNO, sinon sur la carte, dans le dossier du patient. Elle est consciente de la complexité de la démarche : « Il ne faut pas juste intégrer la variable, il faut analyser les données », dit-elle.
Elle souligne qu’une telle mise en place génère des attentes qu’un gouvernement n’est pas toujours prêt à combler.
Une carte d’assurance-maladie contenant des informations sur la langue d’usage du patient aiderait aussi à résoudre l’absence d’un profil de santé des francophones hors Québec, ce qui permettrait ultimement de mieux répondre aux besoins de la population.
En français
Autre chantier de Société Santé en français et de certains de ses membres : la mise en place d’institutions de santé où la clientèle est assurée de recevoir des services en français, à tout le moins à certaines heures.
Le Résosanté Colombie-Britannique recevait le 11 octobre une subvention de 84 000 $ pour une étude de faisabilité sur la création d’un centre de santé communautaire bilingue. « C’était la première fois que ce gouvernement donnait une subvention pour des francophones », souligne Michel Tremblay.
Chaque province, chaque cas est unique, spécifie le directeur général de Société Santé en français, mais de manière générale, construire sur le bilinguisme est plus pragmatique que d’opter pour un service unilingue.
La tentative de créer un centre de santé communautaire francophone à Calgary s’est soldée par un échec 18 mois plus tard, avec seulement 1500 patients. « Il aurait fallu que ça soit ouvert aux deux langues officielles, analyse M. Tremblay, mais en accordant une priorité aux francophones et en gardant une gouvernance francophone. »
D’autres centres de santé francophones ont vu leur identité changer au fil des ans. À Edmonton, le Manoir Saint-Thomas s’est fortement anglicisé, alors qu’il avait été créé par la communauté francophone, qui avait recueilli les fonds. Même phénomène au centre Omer Deslauriers de Toronto, où les places sont désormais offertes prioritairement aux francophones. La clientèle du fameux hôpital Montfort est aujourd’hui anglophone à 60 %.
« Les acquis sont fragiles, de dire M. Tremblay. Il faut en prendre soin, les promouvoir auprès des communautés francophones. Il y a beaucoup de progrès à faire. »
Des normes
Même lorsque le français est présent dans un centre de santé, les partis en présence analysent parfois différemment leur valeur. Or, depuis septembre dernier, la norme Communication en situation de langue minoritaire entend niveler ces écarts. Ces normes ont été élaborées par Société Santé en français avec l’organisme d’évaluation de la qualité des services en santé Agrément Canada au terme de plus de trois ans de travail.
Il s’agit d’un type de certification, comme ISO par exemple. Pour le recevoir, qu’on parle de français ou d’anglais, une institution doit souscrire à des critères de normes d’accès aux soins de santé et de services sociaux dans les langues officielles et être prête à recevoir des visites d’inspecteurs.
Bémols : alors qu’il n’y a pas d’incitatif, la démarche est dispendieuse. Cependant, une clinique ou un hôpital peut recevoir de l’aide financière pour se conformer à un aspect de la norme, la signalisation par exemple.
« Ça donne des lignes directrices, mais ce n’est pas obligatoire », explique Audrey Fournier, soulignant qu’il est possible de bénéficier d’une reconnaissance officielle sans appliquer la norme à 100 %.
Contrer l’assimilation
Il faut fatalement du personnel francophone pour donner des soins en français. Or, il y a une pénurie de ressources bilingues au Canada, s’alarme Michel Tremblay.
« C’est un enjeu majeur, considère-t-il. Dans plusieurs endroits, on ne trouve pas de personnel pour combler les postes désignés bilingues.
« Les seuls instituts de médecine francophones hors Québec sont à Ottawa et Moncton, poursuit-il, et la plupart des francophones étudient la médecine dans des établissements anglophones alors qu’ils travailleront vraisemblablement dans cette langue ultérieurement. Le risque d’assimilation est élevé. »
Pour contrer la tendance, la Société Santé en français a développé différents projets. Franco Doc a été développé avec le Consortium national de formation en santé et Médecins francophones du Canada pour maintenir les liens avec la communauté francophone. Franco Doc offre, par exemple, des outils linguistiques favorisant la conservation et l’acquisition du français. Société Santé en français veut développer la démarche dans d’autres secteurs de la santé, comme le travail social et la psychologie, et créer des stages en français.
« Aux TNO, dit Audrey Fournier, le Collège nordique francophone donne des ateliers de discussion aux professionnels de la santé, qui leur permettent de réviser la terminologie médicale en français, d’avoir des mises en situation et de prendre confiance dans leurs capacités linguistiques.»
S’affirmer
Les progrès en matière de santé et de langue sont mis en péril par l’incapacité de la population à utiliser les outils en place.
C’est un gros problème partout au Canada, dit Michel Tremblay.
Dans une clinique de Nouvelle-Écosse, donne-t-il en exemple, on avait mis en place des bornes avec lesquelles les gens pouvaient s’enregistrer en anglais ou en français. Or, moins de 1 % des gens utilisaient le français.
Le comportement est généralisé au pays, parce que les gens ont pris l’habitude de ne pas avoir de services en français ou que ça soit beaucoup plus long.
« Il faut faire la promotion des services existants, clame Michel Tremblay, faire des campagnes pour que les gens les demandent. » Autrement, non seulement on nuit à la mise en place de ressources proportionnées, on désintéresse aussi les décideurs de la question.»
Le directeur générale de Société santé en français était de passage à Yellowknife pour rencontrer la coordonnatrice du Réseau TNO Santé, Audrey Fournier et mieux saisir la réalité des TNO. Il a fait connaissance avec la directrice générale de la Fédération franco-ténoise, Linda Bussey.
Il s’agit d’une seconde visite à Yellowknife pour Michel Tremblay.