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le Jeudi 14 mars 2019 13:32 | mis à jour le 20 mars 2025 10:40 Politique

Si les immigrants s’en mêlaient : Idle No More

Si les immigrants s’en mêlaient : Idle No More
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Il y a un peu plus de six ans que le mouvement Idle No More est présent dans la conscience populaire canadienne.

En décembre 2012, il est lancé en Saskatchewan par quatre femmes : Nina Wilson, Sylvia McAdam, Jessica Gordon et Sheelah McLean. Le mouvement prend rapidement de l’ampleur dans les médias sociaux, en particulier avec le mot-clic #IdleNoMore. Ces femmes qui ont lancé le mouvement ne voulaient pas rester apathiques face à loi C-45, aussi appelée loi « mammouth », et face aux autres menaces de la souveraineté des peuples autochtones. Ce projet de loi omnibus C-45 comportait entre autres des clauses inacceptables pour la protection des eaux navigables et les redevances sur l’exploitation des ressources naturelles. Les instigatrices du Idle No More ont dénoncé l’impact de cette loi non seulement sur les Autochtones, mais également sur le territoire, sur l’eau et sur tous les citoyens canadiens. Elles ont revendiqué le droit à une eau propre, à un territoire propre et à de l’air non contaminé. D’autres lois antérieures adoptées par le gouvernement conservateur avaient aussi suscité la colère, comme la loi C-38, qui permettait d’exclure les Autochtones des discussions lors de l’évaluation environnementale, et la Loi sur l’Office national de l’énergie, qui balisait les contestations des décisions prises par le cabinet fédéral. Cette fois-ci, les instigatrices du Idle No More ont dit « stop » à l’inertie et l’inaction. Les images d’Autochtones battant le tambour, se tenant les mains et exécutant des pas de danse en cercle se sont alors imposées quotidiennement dans les esprits des Canadiens qui avaient oublié ou ignoré jusqu’alors l’existence des nombreux problèmes des peuples autochtones.

Assez, c’est assez
La cheffe crie Theresa Spence de la réserve d’Attawapiscat s’est jointe au mouvement. Elle a commencé une grève de la faim pour protester et pour interpeler le gouvernement sur les problèmes des peuples autochtones. Les images de son tipi installé sur l’ile Victoria ont fait le tour du monde.

Pendant 24 jours, le premier ministre Stephen Harper a refusé de la rencontrer. Les appuis à la gréviste se sont multipliés à travers tout le pays et la mobilisation ne s’est pas essoufflée; au contraire, elle s’est internationalisée. Le premier ministre a finalement accepté de rencontrer une délégation de cheffes des Autochtones et, à quelques jours de cette rencontre, le gouvernement a choisi de produire un rapport de vérification des finances de la réserve d’Attawapiscat, rapport que le gouvernement détenait déjà depuis quelques mois, mais qu’il a décidé de dévoiler juste avant cette rencontre. La cheffe Spence a refusé d’assister à la rencontre avec le premier ministre si le gouverneur général n’était pas présent.

Selon la cheffe Spence, dès lors que la discussion portait sur les droits inhérents et les traités, la présence du représentant de la reine était essentielle. Selon la Loi sur les Indiens, les Autochtones sont des « pupilles » de la Couronne canado-britannique. En tant que représentant de la reine, le gouverneur général est le tuteur des peuples autochtones et devait alors être présent comme témoin à la rencontre.

Cette charge menée par les femmes autochtones a galvanisé des milliers de militants et pris de court le gouvernement, qui a dû faire face à de nouvelles requêtes de révision des lois omnibus C-45 et C-38 venant de l’opposition parlementaire et d’autres parties civiles.


L’héritage du mouvement Idle No More

Le Canada n’a plus été le même depuis l’époque du Idle No More. Le gouvernement fait plus attention quand il prend des décisions, il doit prendre en considération les traités, la souveraineté autochtone, les relations de nation à nation, les recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Mais des problèmes liés aux droits territoriaux subsistent et la modernisation des traités est un processus long et difficile. Si le Canada se positionne honorablement lorsqu’il s’agit de s’engager pour la réconciliation, tout cela ne rime à rien si les promesses et les termes des traités ne sont pas respectés.

Le mouvement Idle No More n’est pas mort : les dernières péripéties du projet d’agrandissement de l’oléoduc Trans Mountain de la société Kinder Morgan entre les champs pétrolifères de l’Alberta et les côtes de la Colombie-Britannique le démontrent. Et le mouvement fait encore des petits. Des groupes de jeunes tels que Dene Nahjo se sont formés et se sont inspirés d’Idle No More pour traduire en actions ses revendications.

Les pionnières du mouvement Idle No More avaient une vision; une vision de peuples autochtones se reconstruisant et revitalisant les traités existants, restaurant les langues et les cultures autochtones et rapatriant les droits territoriaux. Elles répètent aux jeunes que le narratif colonial selon lequel les terres ont été cédées est absolument faux. Le mouvement Idle No More continue d’inspirer le partage et la solidarité, et des gens trouvent différentes façons de l’utiliser pour se donner les moyens et pour en donner aux autres afin de défendre les causes qui leur tiennent à cœur.