le Lundi 21 avril 2025
le Jeudi 21 novembre 2019 18:26 | mis à jour le 20 mars 2025 10:40 Politique

Accès à l’information RAPPORT DU COMMISSAIRE AUX LANGUES DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST

Accès à l’information RAPPORT DU COMMISSAIRE AUX LANGUES DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST
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RAPPORT DU COMMISSAIRE AUX LANGUES DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST SUR L’EXAMEN DES SERVICES LINGUISTIQUES À L’ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST

PROBLÈME À L’ÉTUDE

Les services linguistiques offerts à l’Assemblée législative et leur conformité à l’esprit et à l’intention de la Loi sur les langues officielles .

CONTEXTE

En 2015, un journaliste de News/North a communiqué avec des représentants de l’Assemblée législative et du Commissariat aux langues pour discuter des services linguistiques à l’Assemblée législative. Il a ensuite rédigé un article, reproduit à l’annexe 1 du présent rapport.

Malgré un manque de clarté et de détails, cet article soulevait des questions au sujet des services de traduction et d’interprétation. Une enquête a donc été ouverte, conformément au paragraphe 20(2) de la Loi sur les langues officielles.

Le président de l’Assemblée législative a été invité à répondre à des questions portant précisément sur les services de traduction et d’interprétation à l’Assemblée législative. Ses réponses sont retranscrites à l’annexe 2 du présent rapport. En voici les traits saillants :

– Le Bureau du greffier de l’Assemblée législative consulte les députés pour « évaluer leurs compétences linguistiques et le niveau de traduction et d’interprétation dont ils ont besoin ».

– Un « préavis raisonnable est exigé » pour vérifier que les services de traduction et d’interprétation peuvent être organisés lorsqu’un membre en fait la demande.

– Les députés peuvent demander des services de traduction et d’interprétation en communiquant avec le Bureau du greffier.

– L’accès à des « services d’interprétation de qualité », particulièrement pour certaines langues, représente un défi pour l’Assemblée législative. Vu la difficulté d’accès à des services d’interprétation de qualité, l’Assemblée législative a adopté une politique « fondée sur les besoins » et dans laquelle le statut des langues est dit « essentiel » « provisoire » ou « non essentiel ». La disponibilité des services d’interprétation a évolué au fil du temps en fonction des besoins des députés et de la composition de chaque Assemblée.

– À cause des limites de la technologie, il a été impossible d’enregistrer et de diffuser la majorité des interventions ayant bénéficié d’une interprétation auprès des collectivités ténoises, car « le diffuseur actuellement chargé de capter les débats de l’Assemblée législative pouvait diffuser uniquement la langue employée en chambre et l’anglais ».

– Lorsque des consultations se tiennent à l’Assemblée législative ou dans les collectivités, la disponibilité des services de traduction dépend également des « besoins du public ». La pratique est « d’inviter le public à demander des services d’interprétation lorsque des rencontres de ce type sont annoncées ». Pour ce qui est des consultations communautaires, les besoins en interprétation sont également déterminés après discussion avec le député représentant la collectivité concernée.

– L’Assemblée législative ne compile pas de statistiques sur le nombre de demandes de services de traduction et d’interprétation.

ANALYSE

PRINCIPES DIRECTEURS

Lorsqu’il est question des droits linguistiques et de leur exercice au Parlement et dans les législatures canadiennes, certains principes sont inaliénables et se dégagent clairement de l’examen de la législation, de la jurisprudence et de la théorie normative.

Lois et jurisprudence

Valeur quasi constitutionnelle de la Loi sur les langues officielles

La Loi sur les langues officielles est entrée en vigueur en 1984. S’inspirant de la Loi sur les langues officielles du Canada, elle garantit l’égalité de droits aux francophones et aux anglophones qui profitent des programmes et services du gouvernement, et reconnaît officiellement l’usage des langues autochtones aux TNO. En 1990, l’Assemblée législative a largement modifié la Loi pour élever le statut des langues autochtones des TNO. La reconnaissance du statut officiel des langues autochtones avait pour but de promouvoir et de préserver les cultures autochtones en protégeant leurs langues.

La juge Moreau a décrit la Loi comme le « résultat d’un délicat compromis politique ». La Cour a noté que l’adoption de la Loi visait, en partie, à résoudre l’incertitude entourant le statut des langues officielles aux Territoires du Nord-Ouest, notamment en ce qui a trait au bilinguisme officiel. La Cour a constaté que, vu son enchâssement, ses dispositions étaient mises à l’abri d’une tentative de révocation unilatérale par une majorité de l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest.

Moreau a confirmé la nature quasi constitutionnelle de la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest et affirmé qu’elle devait être interprétée de manière à reconnaître :

a. les principes sous-jacents de la Constitution, en particulier le fédéralisme et la protection des minorités; les principes sous-entendus de la Constitution, en particulier le fédéralisme et la protection des minorités;
b. son objet réparateur, à la lumière du contexte historique d’unilinguisme institutionnel qui a persisté pendant plus de soixante-dix ans aux TNO et à la lumière du programme fédéral de bilinguisme à l’échelle nationale reflété dans les dispositions linguistiques de la Charte;
c. les prescriptions du paragraphe 25 de l’arrêt Beaulac voulant que les droits linguistiques soient interprétés « dans tous les cas en fonction de leur objet, de façon compatible avec le maintien et l’épanouissement des collectivités de langue officielle du Canada » et à la lumière de l’importance des droits linguistiques « comme un outil essentiel au maintien et à la protection des collectivités de langue officielle là où ils s’appliquent ».

Dans l’arrêt Beaulac, auquel fait référence la juge Moreau dans sa décision, la Cour suprême du Canada a renversé une tendance bien ancrée et, ce faisant, clarifié sa position sur la protection des droits linguistiques.

« L’objectif de protéger les minorités de langue officielle […] est atteint par le fait que tous les membres de la minorité peuvent exercer des droits indépendants et individuels qui sont justifiés par l’existence de la collectivité. Les droits linguistiques ne sont pas des droits négatifs, ni des droits passifs; ils ne peuvent être exercés que si les moyens en sont fournis . »

En effet, dans l’arrêt Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), la Cour suprême du Canada confirme que la Loi sur les langues officielles du Canada n’est pas une loi ordinaire :

« L’importance de ces objectifs de même que les valeurs constitutionnelles incarnées par la Loi sur les langues officielles confèrent à celle-ci un statut privilégié dans l’ordre juridique canadien. Son statut quasi constitutionnel est reconnu par les tribunaux canadiens […] Les racines constitutionnelles de cette loi de même que son rôle primordial en matière de bilinguisme justifient une telle interprétation . »

Les principes énoncés dans les arrêts Lavigne et Beaulac s’appliqueraient à la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest.

Ces différentes citations montrent bien qu’il faut faire de la Loi sur les langues officielles une lecture large et intentionnelle en gardant à l’esprit les droits linguistiques des minorités et l’importance de préserver et de protéger les communautés parlant les différentes langues officielles. Dans cette optique, il faut également rappeler les dispositions du préambule de la Loi sur les langues officielles pertinentes pour le présent examen :

« Reconnaissant que l’existence d’Autochtones, concentrés dans les Territoires du Nord-Ouest depuis des temps immémoriaux, mais également présents ailleurs au Canada, constitue une caractéristique fondamentale du Canada;

reconnaissant que l’existence d’Autochtones parlant des langues autochtones fait des Territoires du Nord-Ouest une société distincte au sein du Canada;

reconnaissant que plusieurs langues sont parlées et utilisées par les habitants des Territoires du Nord-Ouest;

s’étant engagé à préserver, à développer et à accroître l’usage des langues autochtones;

désirant prévoir en droit, notamment pour tout ce qui relève officiellement des Territoires du Nord-Ouest, l’usage de ces langues dans ces derniers au moment et de la façon appropriés;

exprimant le désir que ces langues soient reconnues par la Constitution du Canada comme langues officielles des Territoires du Nord-Ouest;

désirant établir le français et l’anglais comme langues officielles des Territoires du Nord-Ouest, et les doter d’un statut, de droits et de privilèges égaux;

croyant que la protection légale des langues en tant que mode d’expression favorisera le maintien de la culture des habitants des Territoires du Nord-Ouest;

convaincu que le maintien de l’usage des langues officielles et leur valorisation relèvent de la responsabilité commune des communautés linguistiques, de l’Assemblée législative et du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest; »

Rappelons également les dispositions précises de la Loi qui s’appliquent au sujet de la plainte. Selon l’article 6 :

« Chacun a le droit d’employer l’une quelconque des langues officielles dans les débats et travaux de l’Assemblée législative. »

Le préambule et l’article 6 montrent que l’Assemblée législative et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ont pris des engagements bien précis en ce qui concerne les langues officielles. Ils énoncent aussi très clairement l’obligation certaine, pour le gouvernement, de protéger, de promouvoir et de préserver les langues officielles, entre autres objectifs de la Loi. L’article 6 prévoit expressément le droit de faire usage d’une langue officielle à l’Assemblée législative.

Bien qu’il soit de nature plus générale, l’article 11 de la Loi doit être souligné, car il concerne la communication avec le public :

« (1) Le public a, aux Territoires du Nord-Ouest, le droit d’employer le français ou l’anglais pour communiquer avec le siège ou l’administration centrale des institutions gouvernementales ou pour en recevoir les services. Il a le même droit à l’égard de tout autre bureau de ces institutions là où, selon le cas :
a) l’emploi du français ou de l’anglais fait l’objet d’une demande importante;
b) l’emploi du français et de l’anglais se justifie par la vocation du bureau.

(2) Le public a, aux Territoires du Nord-Ouest, le droit d’employer toute autre langue officielle que le français ou l’anglais pour communiquer avec le bureau régional, local ou communautaire des institutions gouvernementales ou pour en recevoir les services là où, selon le cas :
a) l’emploi de cette langue fait l’objet d’une demande importante;
b) l’emploi de cette langue se justifie par la vocation du bureau.

(3) Aux fins de l’interprétation du paragraphe (2), il doit être tenu compte des droits collectifs des Autochtones en matière de langues autochtones qui sont exercés sur leurs terres ancestrales et de façon compatible avec les accords relatifs aux terres, aux ressources ou à l’autonomie gouvernementale, notamment les accords portant sur les revendications territoriales et sur les droits fonciers issus de traités, et avec les autres sources ou manifestations de ces droits collectifs. »

À cet égard, l’arrêt Quigley c. Canada (Chambre des communes) est des plus importants. La Cour fédérale classe la diffusion dans la catégorie des « services » et a, par ailleurs, conclu que la Chambre des communes « doit, si elle utilise un intermédiaire pour fournir des services qu’elle est tenue d’offrir dans les deux langues officielles, veiller à ce que cet intermédiaire se conforme à cette obligation. » Le présent rapport fera la démonstration que la diffusion des débats de l’Assemblée dans toutes les langues officielles est raisonnable, voire obligatoire.

Déclarations et positions des parlementaires au sujet des langues officielles

Il importe également d’examiner le regard des parlementaires canadiens sur les langues officielles; il est pertinent et d’un grand intérêt.

Le 22 mars 2017, dans le budget de 2017, le gouvernement fédéral a pris des engagements à l’égard des langues officielles en contexte parlementaire :

« Les Canadiens ont le droit de communiquer avec le Parlement, et d’être servis par ce dernier, dans la langue officielle de leur choix. Ainsi, tous les citoyens sont en mesure de participer pleinement au processus parlementaire. Pour améliorer les services de traduction parlementaire, le budget de 2017 propose d’investir 7,5 millions de dollars par année en permanence, à compter de 2017-2018. Cet investissement permettra de veiller à ce que les parlementaires, ainsi que tous les Canadiens, continuent d’être servis dans la langue officielle de leur choix . »

Doucet vient étayer la notion selon laquelle les dispositions constitutionnelles et législatives sur les langues officielles sont conçues pour garantir à la fois les droits des parlementaires et du public :

« Le droit de prendre part à l’activité législative est une des conditions minimums d’une langue qui se veut efficace non seulement dans le domaine privé, mais aussi dans le domaine public. C’est cela qui permet à un groupe linguistique minoritaire de participer, dans sa propre langue, à la vie publique . »

À noter aussi que les travaux et débats des parlementaires au sujet des langues ne se limitent pas au français et à l’anglais. En 2006-2007, au cours de la 1re session de la 39e législature, le sénateur Eymard Corbin a déposé la motion suivante visant à reconnaître le droit d’utiliser des langues ancestrales autochtones dans les travaux du Sénat :

« Que le Sénat reconnaisse le droit inaliénable des premiers habitants du territoire aujourd’hui appelé Canada d’utiliser et de communiquer à toutes fins utiles dans leur langue ancestrale;

Que, pour faciliter l’expression de ce droit, le Sénat prenne les mesures administratives et mette en place les moyens techniques qui s’imposent pour permettre, dans l’immédiat, l’utilisation de leur langue ancestrale au Sénat par les sénateurs qui le désirent . »

Cette motion a été débattue et finalement renvoyée au Comité permanent du règlement. À son tour, le Comité a interrogé des témoins et est allé en mission d’information à Iqaluit pour ensuite réaliser une analyse coûts-avantages, préparer les rapports nécessaires et formuler ses recommandations. Parmi ces recommandations, certaines concernent l’utilisation des langues autochtones au Sénat et dans deux comités. Le rapport du Comité a été déposé en avril 2008. Malgré quelques débats ayant eu lieu en inuktitut, l’usage de la langue au Parlement n’a pas fait l’objet d’un examen depuis 2008.

C’est peut-être le premier ministre Diefenbaker qui a exprimé les sentiments les plus éloquents quant aux droits linguistiques :

« […], ce droit fondamental a été assuré et sera respecté comme partie intégrante de notre liberté constitutionnelle et il sera jugé immuable et inchangé […] Pour cette raison, nous devrions tout faire et tout mettre en œuvre pour assurer le maintien de ces droits constitutionnels fondamentaux, ainsi que l’égalité de ces droits linguistiques . »

Théorie normative

Dans son article « Reflections on the Evaluation of Language Rights », Tierney affirme qu’il est possible que certains droits ne soient associés à aucun détenteur d’obligations en particulier. Il qualifie ce type de droits de « négatifs »; dans ces cas, la seule obligation de l’État ou des autres acteurs est de ne pas interférer avec ces droits, que Tierney oppose aux « droits positifs », qui eux appellent une action concrète de l’État ou des autres détenteurs d’obligations. Selon lui, les droits linguistiques appartiennent à cette seconde catégorie. Voici ce qu’il en dit :

« […] Il est maintenant largement convenu que le modèle d’interprétation négative des droits linguistiques est incohérent parce qu’il ne tient pas compte de la nature fondamentalement publique de l’activité linguistique et du fait que, dans la réalité sociale, les langues minoritaires ne peuvent demeurer des systèmes de communication viables et permettre à la communauté linguistique d’être totalement fonctionnelle si elles ne bénéficient pas de mesures de protection positives. Autrement dit, l’idée que l’État puisse rester neutre sur la question de la langue, comme il le fait envers la religion, est chimérique puisqu’il ne peut éviter de prendre position sur toute la série d’enjeux touchant les politiques linguistiques […] Pour que les droits linguistiques servent leur objectif, ils doivent souvent être encadrés par des obligations positives […] » [Traduction]

Ce point de vue est partagé par Réaume :

« […] la caractéristique la plus distinctive du régime canadien des droits linguistiques est l’intégration de certaines obligations positives pour faciliter l’utilisation de la langue maternelle […] Si nous voulons justifier le régime de droits linguistiques positifs, nous devons cesser de simplement considérer la langue comme l’un des nombreux choix que fait l’individu pour construire sa conception du bien […] » [Traduction]

Réaume affirme également que :

« […] c’est l’importance de la langue qui justifie l’imposition de responsabilités pour en assurer la protection . » [Traduction]

Tierney aborde également la question des groupes qui peuvent se réclamer de droits linguistiques et propose que ces droits ne soient pas vus comme des droits individuels, mais plutôt comme des droits collectifs. Il affirme :

« […] La catégorisation des droits linguistiques dans la sphère des droits individuels, où alors le fait même de considérer la langue comme une question de vie privée, semble écarter la nature fondamentalement collective de l’activité qu’on cherche à protéger. En théorie libérale, la littérature abonde sur la compatibilité entre les droits collectifs et le libéralisme, notamment. Mais il est possible d’éviter la plupart des écueils épistémologiques et méthodologiques si l’on accepte que, dans la pratique, les groupes puissent exprimer leurs désirs. Ainsi, même l’individualiste le plus convaincu pourra admettre que, si le groupe ne possède pas de droits en soi, il peut tout de même exprimer ses désirs à titre de représentant d’une agrégation de désirs individuels […] » [Traduction]

Cette approche trouve écho chez Réaume :

« Pour asseoir les droits linguistiques sur une base constitutionnelle solide, nous devons soustraire les politiques linguistiques à la logique instrumentale et cumulative enchâssée dans la pensée territorialiste et envisager plutôt l’intérêt envers la langue dans une approche qui ne soit pas uniquement axée sur le locuteur individuel, mais aussi sur l’engagement quotidien d’une communauté de locuteurs envers le maintien de son fonctionnement collectif dans cette langue particulière. Nous pourrons alors bâtir un ensemble cohérent de protections constitutionnelles pour la langue […] » [Traduction]

Réaume ajoute :

« Cette prise en compte de la valeur de la langue rompt avec une compréhension exclusivement individualisée et révèle un intérêt collectif apte à justifier l’imposition d’obligations. Dans cette approche, la pérennité d’une communauté linguistique est vue comme une pratique collective complexe. Les individus sont, bien sûr, des participants à cette pratique et c’est partiellement à travers les choix qu’ils font que la pratique est soit conservée, soit abandonnée. Mais il faut aussi voir la “forêt” et pas uniquement les “arbres”. Les choix ont de la valeur en partie parce qu’ils participent collectivement à un projet de groupe plus large. C’est dans les interactions sociales que la langue se crée et se maintient, que la culture se passe, et que la valeur se révèle. Cette entreprise plus large doit être le point focal de l’analyse . » [Traduction]

Tierney évoque aussi la question du détenteur des droits auprès duquel les groupes linguistiques peuvent exprimer leurs désirs. Il affirme ceci :

« […] si nous acceptons que les droits linguistiques puissent être à la fois quantifiables et faire l’objet de mesures positives, la question demeure : auprès de qui les groupes linguistiques peuvent-ils se réclamer de ces droits? […] Généralement, lorsque des minorités réclament des droits à l’État hôte, il s’agit d’une revendication fondée sur une certaine notion “d’État d’union” – en d’autres termes, d’un État constitué d’une pluralité de communautés nationales, chacune disposant d’une valeur morale et chacune ayant droit à des mesures de protection et d’accommodation équivalentes pour leur langue et leur culture. Leurs revendications découlent donc des engagements constitutionnels ou politiques particuliers conclus entre les organes nationaux de l’État […] Comme il en a été question précédemment, nombre de ces revendications imposent des responsabilités positives au détenteur d’obligations et il s’agit souvent de revendications de droits collectifs […] » [Traduction]

Packer discute des effets de l’action ou de l’inaction étatique relativement aux droits linguistiques en ces mots :

« Assurément, les choix des États en matière d’utilisation de la langue – particulièrement dans la sphère publique de gouvernance – ont une incidence sur l’accès à des bénéfices importants, et constituent soit un moyen d’intégration sociale, soit un obstacle à cette même intégration. Les problèmes surviennent lorsque des personnes ou des groupes se sentent exclus de certaines possibilités ou de certains processus de la sphère publique, notamment pour ce qui touche le partage équitable des ressources publiques, à cause d’un manque de connaissance de la ou des langues de l’État. Pour bien faire, il faudrait éliminer autant que possible ces situations et créer d’autres solutions d’accessibilité lorsque ces effets ne peuvent être évités. » [Traduction]

Dans le cadre de leur analyse de l’interaction entre la langue, la gouvernance et les effets sur le public, Tierney et Packer abordent tous deux la question de la diffusion et la possibilité, pour les groupes minoritaires, d’accéder aux médias . La recherche s’est également penchée sur la question spécifique de la diffusion dans le contexte des droits linguistiques. Selon Packer :

« Le domaine de la radio et de la télédiffusion constitue un bon exemple de l’importance d’une bonne gouvernance pour répondre aux besoins variés des minorités linguistiques et concrétiser l’application de leurs droits. L’accès aux médias dans sa langue maternelle est essentiel à la fois pour le maintien de l’identité culturelle et l’exercice de la liberté d’expression, notamment le droit d’impartir et de recevoir de l’information […] par le médium choisi – tant dans sa forme que dans la langue de transmission ou de réception privilégiées – sont protégés, étant donné que “toute restriction imposée sur ces moyens limite nécessairement le droit de recevoir et de transmettre de l’information”. Dans nos sociétés complexes et pluralistes, les médias de diffusion constituent une source importante de transmission de l’information, mais aussi de transmission de la culture; ils peuvent être de puissants instruments pour informer les membres de minorités et garder les langues minoritaires vivantes et actives dans un large éventail d’intérêts […] ». [Traduction]

Il est également important d’examiner le concept de droits linguistiques dans le contexte de la bonne gouvernance. Packer en dit ceci :

« […] certaines communautés feront, légitimement et pacifiquement, des demandes qui excéderont la réponse possible dans ce contexte. Elles en veulent tout simplement plus […], et pourquoi ne serait-ce pas le cas? C’est ici que la notion de bonne gouvernance s’avère utile. Surtout parce qu’elle nous permet justement de répondre à la question “pourquoi pas?” et, ce faisant, de favoriser l’équité des politiques et la confection des lois de manière à optimiser les bénéfices pour toute la population. En effet, le gouvernement a l’obligation de répondre aux demandes légitimes, qui peuvent varier d’un groupe à l’autre et entrer en concurrence pour l’attribution des ressources publiques. En principe, l’État devrait agir au maximum de ses capacités tout en tenant compte des besoins et des intérêts variés, de même que du bien-être général. » [Traduction]

Il poursuit en affirmant :

« Il est important de noter que le discours sur la “bonne gouvernance” est totalement différent du discours sur les droits. Il impose aux autorités un ensemble de considérations complètement différentes et mène à des réponses et à des résultats distincts. À la base, il ne s’agit pas d’une question sur les droits individuels, mais plutôt des mesures à prendre au bénéfice de tout un chacun dans la portée maximale des ressources et des capacités publiques […] Bien que les ressources soient toujours limitées, l’un des aspects importants d’une bonne gouvernance est d’utiliser les ressources disponibles de manière équitable et optimale, c’est-à-dire au bénéfice du plus grand nombre de personnes et de groupes. En outre, le principe d’équité sous-tend que le soutien accordé aux groupes désavantagés pourrait proportionnellement dépasser leur nombre relatif; en effet, les petits groupes pourraient nécessiter une attention et un soutien particuliers. Il va sans dire que la rentabilité et la transparence sont des éléments incontournables pour faire accepter à la majorité les politiques destinées aux langues minoritaires. »

APPLICATION DES PRINCIPES DIRECTEURS

La réponse de l’Assemblée législative n’est pas avare de détails, ce qui est apprécié. Toutefois, elle soulève de sérieuses inquiétudes à savoir si la politique en matière de services linguistiques de l’Assemblée législative passe outre les principes directeurs susmentionnés.

Statut de loi quasi constitutionnelle

Il est indéniable que la Loi sur les langues officielles possède un statut quasi constitutionnel. Ce statut a été confirmé par les tribunaux et appuyé par des spécialistes et des parlementaires.

La Loi sur les langues officielles ne doit pas uniquement détenir un statut quasi constitutionnel; elle doit recevoir le traitement qui correspond à ce statut. Cela signifie que les idées sur la reconnaissance, la préservation et la protection des langues présentées dans le préambule ne peuvent pas être uniquement des « paroles en l’air ». Les droits exprimés aux articles 6 et 11 de la Loi ne peuvent être minimisés et la Loi doit être interprétée dans un sens large et intentionnel de manière à protéger les minorités, à affirmer son utilité en tant qu’outil de protection des droits linguistiques et à souligner sa nature réparatrice.

Ces principes confortent la nature « positive » et collective des droits linguistiques et confèrent au gouvernement des obligations générales dans le cadre de ses pratiques de bonne gouvernance.

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« Se fonder sur les droits » plutôt que « sur les besoins »

Les mots de Tierney et des autres personnes citées sont importants pour le cas à l’étude. Les droits linguistiques imposent à l’Assemblée législative l’obligation de veiller au respect de ces droits dans le cadre de ses pratiques de bonne gouvernance. En outre, les droits linguistiques n’appartiennent pas uniquement aux députés de l’Assemblée législative; il s’agit de droits collectifs détenus par les groupes linguistiques des Territoires du Nord-Ouest que représentent les députés. Malgré cela, la politique linguistique de l’Assemblée législative semble adopter une approche des services linguistique « fondée sur les besoins » plutôt que sur les droits. En effet, la politique emploie les termes « besoin », « essentiel », « provisoire » et « non essentiel ». Voici la définition de ces termes dans le dictionnaire en ligne Dictionary.com :

« besoin : chose nécessaire

essentiel : absolument nécessaire

provisoire : mis en place ou créé dans les conditions présentes

non essentiel : non absolument nécessaire, dont on peut se passer »

Qu’un député ait « besoin » ou non de services de traduction ou d’interprétation, il peut vouloir exercer ses droits linguistiques pour tout un nombre de raisons, notamment :

– pour se sentir plus en confiance en s’exprimant à l’Assemblée législative dans sa langue maternelle;
– pour manifester sa fierté envers sa culture et son héritage;
– pour honorer les Aînés;
– pour être plus à l’écoute et respectueux de ses électeurs;
– pour recueillir du soutien politique auprès des membres de la communauté.

En d’autres termes, la question n’est pas de savoir si les services d’interprétation sont « essentiels » ou « non essentiel », mais plutôt si le député désire ou non exercer son droit. En outre, la raison précise pour laquelle un député choisit d’exercer son droit ne devrait pas faire pencher la balance; une approche fondée sur les droits permet l’exercice du droit pour différentes raisons et motivations. L’Assemblée législative doit changer son approche relativement à sa politique linguistique en se fondant non pas sur les « besoins » des députés, mais sur des concepts comme les « désirs », les « avantages », les « prérogatives » et les « préférences » des députés. Rappelons-nous les mots de Solis, qui déclarait qu’une « approche fondée sur les besoins humains en appelle à la charité, tandis qu’une approche fondée sur les “droits” humains donne au besoin sa part de dignité ». [Traduction]

 

Interprétation large

Comme il en a été question précédemment, il est important d’interpréter les droits linguistiques dans un sens large. Pour respecter l’esprit et l’intention de la Loi sur les langues officielles, et particulièrement de l’article 6, l’Assemblée législative doit sérieusement envisager l’offre continue de services de traduction et d’interprétation dans toutes les langues officielles à tous les députés de l’Assemblée législative, et ce, pour toutes les séances et consultations auxquelles participent les députés.

De tels services entraînent évidemment des coûts importants et il va sans dire qu’une analyse de rentabilité pourrait s’avérer nécessaire. Cette analyse devra toutefois tenir compte des éléments suivants :

– Le coût associé aux services de traduction et d’interprétation par des tiers est non négligeable, et il faudra réfléchir à des alternatives. Il pourrait s’agir, par exemple, d’employer à temps plein des interprètes et des traducteurs qui pourraient offrir leurs services à d’autres organisations gouvernementales lorsqu’ils ne sont pas en service à l’Assemblée législative, ce qui pourrait aussi avoir pour effet d’améliorer les services linguistiques gouvernementaux dans leur ensemble.

– L’Assemblée législative est l’assemblée du peuple. L’offre d’un tel service véhicule un symbolisme fort : il manifeste l’importance qu’accorde le gouvernement à la langue et à la culture et qu’il manifeste son engagement envers la population qu’il sert. Ce message est important.

– Les mesures de soutien des langues au Parlement et à l’Assemblée législative peuvent facilement « tomber aux oubliettes ». Pensons à la motion Corbin. Bien que le Sénat ait adopté une motion qualifiant « d’inaliénable » le droit d’utiliser une langue autochtone au Sénat, les mesures visant à concrétiser ce droit n’ont jamais pris leur envol. Malgré une mission d’information, l’analyse des coûts, divers rapports et les recommandations du Comité permanent sur le règlement, peu de progrès ont été accomplis. Aux Territoires du Nord-Ouest, notre Loi sur les langues officielles autorise l’utilisation des langues autochtones à l’Assemblée législative. Toutefois, pour consolider les droits linguistiques, il ne faut pas se contenter de faire des lois; il faut aussi prendre des mesures pour concrétiser des droits au-delà des missions d’information, des analyses de coûts, des rapports et des recommandations. L’Assemblée législative a l’obligation de mettre en œuvre des mesures pour soutenir les droits linguistiques.

Si, pour des raisons impérieuses, il s’avère impossible d’offrir des services de traduction et d’interprétation à l’Assemblée législative, tout ne s’arrête pas là. Il est évident que le système actuel n’est pas adéquat, ce qui nuit à la régularité et à la fréquence des services. Cette situation contrevient à l’esprit de la Loi sur les langues officielles. Les services de traduction et d’interprétation doivent être systématiquement bonifiés afin de s’étendre à toutes les langues officielles avec régularité et uniformité sans qu’un député ait à en faire la demande.

L’enrichissement et l’expansion des services de traduction et d’interprétation devraient faire l’objet de discussions sérieuses entre les députés de l’Assemblée législative et l’administration de l’assemblée, et ce, dans le but d’élaborer un cadre prévoyant un mécanisme qui permettra de mettre à la disposition d’un député des services d’interprétation dans un court délai. Sans cela, les droits des députés ne sont pas réellement respectés. Il faut aussi établir un dialogue avec les membres des communautés, notamment les Aînés et les représentants des gouvernements locaux, pour comprendre les attentes des communautés quant à la diffusion des séances de l’Assemblée législative et des consultations dans les collectivités. Il ne faut pas seulement se fier à l’opinion d’un député sur les besoins et les attentes des communautés. Loin de rabaisser le travail des membres de l’Assemblée, ce commentaire se veut plutôt une affirmation de la nature collective des droits linguistiques, rappelant que c’est par la communauté que ces droits s’expriment.

 

Ces recommandations peuvent être perçues comme trop drastiques ou idylliques. Toutefois, considérons par exemple la situation au Kosovo. Pendant plusieurs années, aucun Serbe n’a siégé à l’Assemblée et la traduction en serbe, n’étant pas jugée essentielle, est disparue . Or, contrairement au Kosovo, l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest peut jouer le rôle de pilier et défenseur le plus proactif des droits linguistiques qu’elle a elle-même créés.

QUESTIONS SECONDAIRES SOULEVÉES LORS DE L’ENQUÊTE

Problèmes techniques dans la diffusion

La réponse de l’Assemblée législative fait référence à des « contraintes techniques » qui empêchent l’enregistrement et la diffusion dans les collectivités ténoises de la majorité des débats ayant bénéficié d’une interprétation. Bien que l’Assemblée législative n’ait pas donné de détails quant à ces contraintes, il faut reconnaître que cela peut être une source de problèmes.

 

Comme l’affirme l’arrêt Quigley , la diffusion est un service. De plus, étant donné l’importance pour les collectivités de participer à l’activité législative, la nature même de l’Assemblée législative justifie que ce service soit offert dans toutes les langues officielles et toutes les collectivités, conformément aux paragraphes 11(1) et 11(2) de la Loi. Le paragraphe 11(3) traite également de la nécessité d’interpréter largement le droit d’obtenir des services dans les langues officielles autochtones, conformément aux « sources ou manifestations de ces droits collectifs ». Nous avons déjà établi ici que les droits linguistiques étaient des droits collectifs. Par ailleurs, comme on l’a dit plus haut, les droits conférés aux députés de l’Assemblée législative par l’article 6 de la Loi le sont également aux collectivités représentées à l’Assemblée. Pour toutes ces raisons, il est impératif de régler les problèmes techniques empêchant l’enregistrement et la diffusion des débats de l’Assemblée législative, peu importe la nature de ces problèmes. Ainsi, les membres du public pourront participer à l’activité législative de façon plus riche et plus significative.

 

Disponibilité d’interprètes et de traducteurs qualifiés

Dans sa réponse, l’Assemblée législative admet que le nombre d’interprètes et de traducteurs disponibles est limité, particulièrement pour certaines langues autochtones. Cela ne fait aucun doute; chacun de mes prédécesseurs a d’ailleurs souligné le manque d’interprètes et de traducteurs adéquatement formés. Cette question a notamment fait l’objet, en 1996, d’un rapport spécial sur la privatisation du Bureau des langues et ses répercussions sur les services d’interprétation et de traduction. À peu près à la même époque, la fermeture du programme de formation en interprétation et en traduction du Collège Aurora a aussi suscité des inquiétudes. Il n’existe plus aujourd’hui aucun programme officiel de formation en interprétation ou en traduction aux Territoires du Nord Ouest.

Il semble que le manque d’interprètes et de traducteurs soit un problème récurrent. Le ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Formation propose comme seule ressource, sur son site Web, une liste d’interprètes et de traducteurs en langues autochtones, sans donner plus de précisions sur leur formation ou leur expertise.

 

Bien qu’il soit difficile de trouver des interprètes et des traducteurs adéquatement formés, il revient à l’Assemblée législative de relever ce défi afin de se conformer à la Loi sur les langues officielles et de garantir les droits qui y sont établis en offrant à la population les meilleurs services possible.

L’Assemblée législative, en concertation avec le ministre responsable des langues officielles, doit veiller à ce que les députés et les ministères du GTNO aient accès en tout temps à des interprètes et traducteurs adéquatement formés. Elle doit prévoir un programme de formation exhaustif, menant à une profession valorisée. Ce programme doit être conçu de façon méthodique, comprendre une formation de base et des possibilités de spécialisation, et mener à l’obtention d’un titre reconnu.

 

Statistiques

Dans sa réponse, l’Assemblée législative explique qu’elle ne compile pas de statistiques sur le nombre de demandes de services de traduction et d’interprétation.

La compilation de statistiques est nécessaire à l’évolution de la culture entourant les services linguistiques offerts à l’Assemblée législative. Ces statistiques permettent en effet l’analyse des tendances et des enjeux, et donc la mise en place des meilleurs projets, processus et procédures pour promouvoir les services linguistiques à l’Assemblée législative.

 

SOMMAIRE DES CONCLUSIONS

1. La Loi sur les langues officielles bénéficie d’un statut quasi constitutionnel.

2. Les droits linguistiques sont des droits positifs de nature collective qui imposent des obligations générales au gouvernement dans le cadre de ses pratiques de bonne gouvernance.

3. À l’heure actuelle, l’Assemblée législative a choisi une approche fondée sur les besoins pour l’offre des services d’interprétation et de traduction à l’Assemblée législative.

4. L’Assemblée législative fait état de contraintes techniques qui empêchent l’enregistrement et la diffusion de ses débats.

5. La réponse de l’Assemblée législative confirme les inquiétudes quant au manque d’interprètes et de traducteurs adéquatement formés aux Territoires du Nord-Ouest, notamment pour certaines langues autochtones, et à l’absence de programme officiel de formation en interprétation ou en traduction aux Territoires du Nord Ouest.

6. L’Assemblée législative ne compile pas de statistiques sur le nombre ou la nature des demandes de services de traduction et d’interprétation faites par les députés.

SOMMAIRE DES RECOMMANDATIONS

1. Que soit reconnue et prise en compte la nature quasi constitutionnelle de la Loi sur les langues officielles, notamment l’article 6, dans l’interprétation de cette loi.

2. Que la politique linguistique de l’Assemblée législative ne se fonde pas sur les prémisses d’un modèle de « besoins », mais plutôt sur un modèle de droits qui tient compte de concepts tels que :

– le désir des députés de parler différentes langues officielles pendant les débats de l’Assemblée législative, sans égard aux besoins;

– la nécessité pour les députés de comprendre rapidement les propos tenus à l’Assemblée législative, quelle que soit la langue officielle employée;

– la possibilité pour le public de participer efficacement à l’activité législative grâce à des services linguistiques qui permettent aux collectivités d’entendre les débats de l’Assemblée dans les différentes langues officielles.

3. Que lors de l’élaboration d’une politique linguistique, l’Assemblée évite d’utiliser des termes comme « besoin » pour privilégier plutôt des termes qui traduisent une approche basée sur les droits, comme « désir », « avantage », « prérogative » et « préférence ».

4. Que les membres de l’Assemblée législative s’assurent que les services linguistiques de l’Assemblée législative respectent l’esprit et l’intention de la Loi sur les langues officielles en veillant à ce que les dispositions de la Loi soient interprétées dans un sens large et conformément aux principes énoncés par les tribunaux canadiens. Par conséquent :

– Les députés de l’Assemblée législative doivent envisager sérieusement l’offre de services d’interprétation simultanée dans les onze (11) langues officielles pour tous les débats de l’Assemblée législative. Pour ce faire, il faudra procéder à une analyse de rentabilité exhaustive, en accordant une importance particulière aux avantages inhérents de tels services pour les députés et la population.

– S’il s’avère impossible, pour des raisons impérieuses, d’offrir des services d’interprétation simultanée dans les onze (11) langues officielles pour tous les débats de l’Assemblée législative, alors les députés, de concert avec l’administration de l’Assemblée, doivent élaborer une politique linguistique qui enrichira et étendra de manière systématique les services d’interprétation des travaux de l’Assemblée. Au moment d’élaborer cette politique, les éléments suivants devront être pris en compte :

* Les services d’interprétation ne doivent pas se fonder sur les besoins des députés ou la constitution de l’Assemblée à un moment donné.
* Il faut augmenter le nombre d’heures d’interprétation dans chaque langue officielle.
* Les services d’interprétation doivent être offerts de façon uniforme et fréquente, de façon que les députés sachent dans quelle situation ces services sont disponibles et qu’ils n’aient pas besoin d’en faire la demande.
* Un député doit pouvoir obtenir les services à tout moment, rapidement, s’il souhaite exercer ses droits linguistiques.
* Il faudrait consulter les représentants des collectivités, notamment les Aînés et les représentants des administrations communautaires, pour évaluer les attentes des communautés à l’égard de la diffusion des débats de l’Assemblée législative et des rencontres communautaires auxquelles participent des représentants et des députés de l’Assemblée législative.

5. Que l’Assemblée législative rende prioritaire la résolution des problèmes techniques qui empêchent l’enregistrement et la diffusion de ses débats, étant donné que les droits linguistiques des députés de l’Assemblée législative s’appliquent également aux collectivités représentées.

6. Que l’Assemblée législative, en concertation avec le ministre responsable des langues officielles, mette en place un programme de formation d’interprètes et de traducteurs compétents pour répondre aux besoins de l’Assemblée législative et du GTNO en tout temps. Le programme de formation doit être exhaustif et mener à une profession valorisée. Il doit être conçu de façon méthodique, comprendre une formation de base et des possibilités de spécialisation, et mener à l’obtention d’un titre reconnu.

7. Que l’Assemblée législative commence à compiler des statistiques sur le nombre de demandes de services de traduction et d’interprétation dans le cadre d’un projet global de changement de la culture entourant les services linguistiques offerts.

 

Le tout respectueusement soumis en ce 25e jour de mai 2018.

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Shannon R. W. Gullberg
Commissaire aux langues des Territoires du Nord-Ouest