Une liste d’épicerie pour le nouveau gouvernement ? (suite)
Ce n’est pas une surprise pour ceux qui ont lu ma chronique de la semaine passée, ma liste d’épicerie ne fait que s’allonger. Je me suis attardée sur le revenu de base universel, mais je n’ai pas mentionné que même aux États-Unis, un candidat à l’investiture démocrate en a fait son cheval de bataille. Il s’agit d’Andrew Yang. Un candidat improbable, mais qui continue à se qualifier pour les débats politiques même si au début, on ne le prenait pas vraiment au sérieux. Sa plateforme politique qui prône la justice sociale a donc des adeptes dans un pays pourtant réputé pour son capitalisme à outrance.
Pour que chaque voix compte, la réforme du mode de scrutin
Après sa victoire en 2015, le gouvernement libéral avait fait volteface et avait renoncé à modifier le mode de scrutin majoritaire à un tour.
Le premier ministre Trudeau avait déclaré qu’il ne pouvait organiser un référendum à ce sujet sans qu’il y ait un consensus « clair » qu’une réforme du scrutin soit souhaitée par les électeurs. Comment jauger un consensus sans expliquer les différents modèles de scrutin et ensuite les soumettre au vote dans un référendum ?
Un système qui avantage visiblement les deux partis qui se relaient au pouvoir ne sera pas changé sans une forte mobilisation des électeurs pour l’obtenir.
Le vote des résidents permanents
Pourquoi n’accorde-t-on pas le droit de vote aux résidents permanents ? J’en connais des résidents permanents de longue date, bien impliqués dans leurs communautés, mais qui n’ont pas le droit de vote, car ils n’ont pas (encore) acquis la citoyenneté canadienne.
Pour ceux qui ne le savent pas, un résident permanent qui a passé suffisamment de temps au Canada, en règle générale trois ans pendant les cinq années précédant sa demande de citoyenneté, peut présenter sa demande pour obtenir la citoyenneté canadienne. Des efforts ont été faits pour raccourcir les délais d’examen des demandes, mais il n’en demeure pas moins que des retards surviennent et que les frais encourus sont élevés. Une fois que la demande est jugée recevable, le candidat à la citoyenneté doit se préparer à passer le test de citoyenneté. Ensuite, il faut attendre qu’Immigration Canada dépêche une délégation dans la localité pour la prestation du serment de citoyenneté. Les candidats prêtent allégeance à la reine Elizabeth, deviennent « enfin » sujets de Sa Majesté et sont alors jugés dignes de voter. Toute cette procédure peut durer plusieurs mois, voire des années où les résidents permanents travaillent et produisent leurs déclarations d’impôts, envoient leurs enfants à l’école, mais ne peuvent pas participer aux élections locales ou fédérales.
En plus des embuches citées plus haut, certains pays n’acceptent pas la double nationalité. Il faut alors aller passer par le processus de renonciation à la citoyenneté d’origine. Vous imaginez que cela peut être une course à obstacles. Nous venons parfois de pays où une telle démarche est considérée comme une trahison. Et parfois, en renonçant à notre citoyenneté, nous ne pourrons plus y retourner à moins de demander des visas d’entrée. Nous risquons de perdre des avoirs laissés au pays d’origine, biens qui ne peuvent pas appartenir aux étrangers que nous devenons de facto. Sans parler du déchirement psychologique de cet exil qui renie les racines.
Pour toutes sortes de raisons, un bon nombre de personnes préfèrent s’en tenir au statut de résident permanent sans chercher à obtenir la citoyenneté canadienne.
C’est tout un pan de la société canadienne qui ne peut pas pleinement participer au processus démocratique. C’est aussi une façon de décourager l’engagement de personnes qui auraient pu contribuer de façon remarquable à consolider nos institutions. Je vous citerais l’exemple d’une famille qui n’a pas le droit de participer ni aux élections municipales pour la désignation du maire ou de la mairesse, du choix des conseillers municipaux, ni pour les commissaires scolaires alors qu’ils envoient leurs enfants à l’école du quartier depuis une dizaine d’années. Mais le propriétaire de la maison que loue cette famille a le droit de voter, même s’il vit en Floride.
Le vote des jeunes à partir de 16 ans.
Autumn Peltier ne peut pas voter. À 15 ans, cette gardienne de l’eau est une activiste qui mène son combat tambour battant depuis son plus jeune âge.
Pour la deuxième fois cet automne, elle a harangué les dirigeants du monde aux Nations Unies en leur lançant avec candeur : « on ne peut pas manger de l’argent, on ne peut pas boire du pétrole ».
Nos jeunes de 16 ans ont l’âge légal pour conduire, pour se marier (avec le consentement des parents s’ils ont moins de 18 ans), pour consentir à une relation sexuelle, pour s’engager dans la première réserve des Forces armées canadiennes. Mais ils seraient trop immatures pour voter.
Beaucoup d’autres jeunes engagés pour la cause du climat ou d’autres causes ne peuvent pas se faire entendre autrement qu’en manifestant, mais puisqu’ils ne peuvent pas voter, les politiciens les regardent avec condescendance sans plus.
Il va falloir attendre qu’ils aient 18 ans, qu’ils quittent le giron familial pour continuer leurs études en atterrissant parfois dans des localités qui ne leur sont pas familières. Et cela peut être compliqué d’exercer son droit de vote quand on réside temporairement dans un endroit, sur un campus ou non. Et on perd ainsi l’occasion de faire participer un autre pan important de notre société.
Il a été prouvé qu’en commençant à voter plus tôt, on forme des citoyens engagés dès leur jeune âge. Il a aussi été démontré que lorsqu’on ne participe pas à « sa » première élection, on risque de continuer à ne pas voter.
Le vote étudiant organisé par CIVIX en collaboration avec Élections Canada a donné des résultats comparables à ceux du vote officiel du 21 octobre 2019, soit un gouvernement libéral minoritaire.
Cependant la composition du parlement issu du vote étudiant serait différente puisque les libéraux auraient 110 sièges, 99 pour le NPD, 94 pour les conservateurs, 28 pour les verts et 9 pour le Bloc Québécois.
Le vote stratégique n’existe pas pour les étudiants. Ils font leurs devoirs, examinent les plateformes, et suivant la hiérarchie des enjeux qui les interpellent, ils choisissent les candidats qui répondent à leurs aspirations.
Ce vote étudiant donne l’heure juste sur les priorités des jeunes et peut être une bonne indication des préoccupations des générations futures. Pourquoi ne pas les engager et écouter leurs voix plus tôt ?
La semaine prochaine, je nous pose une question et son corolaire tout aussi lancinant : pensez-vous qu’on peut acheter les élections au Canada ?