Rester à la maison et être en sécurité ne font pas toujours bon ménage. Au cours de ses deux derniers mois de mesures restrictives, une augmentation des violences est recensée dans tout le pays.
Fondée en 1974, l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) réunit 13 organisations de femmes autochtones. Son objectif est « d’améliorer, de promouvoir et d’encourager le bienêtre social, économique, culturel et politique des femmes des Premières nations et des nations métisses au sein des Premières nations et de la société canadienne », d’après leur site Internet.
Le 7 mai dernier, lors d’une rencontre virtuelle avec le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne et la ministre du Développement international, Karina Gould, la présidente de l’AFAC, Lorraine Whitman, a stipulé qu’il était urgent d’intervenir.
« Depuis l’éclosion de la COVID-19, les cas de violence ont considérablement augmenté pour les femmes autochtones, a-t-elle déclaré. Récemment, l’AFAC a entrepris une évaluation des besoins d’un point de vue local et une enquête nationale, qui ont mis en évidence une escalade frappante de la violence. »
Pas d’exception aux TNO
« Depuis le début de la pandémie, nous sommes de plus en plus préoccupés par les risques de violences domestiques parce que femmes et enfants sont bloqués chez eux avec leurs agresseurs », explique la directrice générale du Conseil sur la condition de la femme des Territoires du Nord-Ouest, Louise Elder.
D’après les chiffres de la GRC des TNO, le nombre d’appels n’a pas augmenté pendant cette période. « Notre théorie n’est pas que la violence se soit miraculeusement évaporée, mais qu’il est plus difficile pour les victimes de joindre les autorités puisqu’elles ne sont jamais seules », s’inquiète la directrice générale.
Particulièrement préoccupé par la situation, le Centre a créé une page d’informations recensant tous les numéros utiles pour les personnes en détresse durant cette période. « Nous avons vraiment été soulagés lorsque les services de santé du gouvernement territorial ont indiqué que le message de confinement ne s’appliquait pas en cas de violences. »
Perte du travail, ennui, isolement… Les communautés sont au cœur des préoccupations des associations d’aides aux victimes des TNO.
« En ce moment, la consommation de substances augmente, atteste Mme Elder. Les gens sont cloitrés chez eux, ils n’ont pas forcément quelque chose de constructif à faire. Et nous savons que l’abus d’alcool et de drogues est l’un des multiples facteurs à l’origine des violences. »
La question des refuges
Selon la directrice des Relations communautaires au YWCA des TNO, Alayna Ward, le nombre de femmes admises dans les refuges n’a pas augmenté depuis le début de la crise. « Malgré les risques plus élevés de violence conjugale, il y a eu moins de femmes au refuge de Yellowknife en avril dernier qu’en avril 2019 », précise-t-elle.
Un point qui alarme Louise Elder. Selon elle, recenser des statistiques aussi basses est « très inhabituel » : « Nous devons davantage nous inquiéter de cette diminution, parce que nous savons que les personnes ne se sentent pas en sécurité pour partir de chez elles. »
Par ailleurs, malgré le fait que les associations d’aides aux victimes de violences domestiques communiquent largement sur l’ouverture des refuges, l’administratrice craint que « beaucoup ne le sachent pas, ou ne puisse tout bonnement pas y accéder dans ses conditions. »
TNO, 2e taux le plus élevé de violence au Canada
Problématique majeure dans le nord du pays, la violence conjugale ne peut qu’augmenter pendant cette période.
« Si je remonte dans les statistiques les plus anciennes, c’est-à-dire en 2010, les chiffres n’ont pas changé, se désole Louise Elder. Cela fait 10 ans que nous avons le deuxième taux de violence familiale le plus élevé au Canada. »
Au-delà des maltraitances, les féminicides dans les communautés autochtones sont également nombreux aux TNO. D’après les dernières données de l’Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation, le nombre de meurtres de femmes était de 7,85 % entre 2001 et 2015. En comparaison, sur la même période, le taux de féminicide non autochtone est de 0,68 %. « Les jeunes femmes sont les plus touchées et, très tristement, celles issues des Nations premières le sont encore davantage. Rien que la semaine dernière, nous avons appris la mort d’une jeune de 22 ans [Breanna Menacho] dans son appartement », rapporte Louise Elder.