La santé sur le bout de la langue. Alexander Affleck, 27 ans, est étudiant en médecine à l’Université de l’Alberta à Edmonton. Alors que sa troisième année touche à sa fin, l’anglophone originaire de Yellowknife a remporté une bourse réservée aux futurs professionnels de la santé parlant français, décernée par le Réseau TNO Santé (voir encadré).
« J’étais vraiment content d’obtenir ce prix. C’est une cause qui me parle beaucoup », confie le jeune homme dans un français coloré.
D’un père montréalais, Zander, comme il se fait le plus souvent appeler, a jonglé toute sa vie entre les deux langues. À l’instar de son parcours linguistique, sa scolarité est elle aussi un long échange entre différents établissements.
Il débute sa scolarité à l’école J. H. Sissons et obtient son diplôme après avoir étudié en classe d’immersion française à l’école Sir John Franklin.
Ensuite, il part en Ontario, à l’Université Queen’s de Kingston, où la biologie devient sa majeure durant quatre ans.
Vocation soignant
En 2016, il s’envole pour une année en Écosse, à l’Université de Glasgow, où il s’oriente davantage vers son domaine actuel de prédilection. « J’y ai étudié la médecine du sport et c’est ici que je me suis décidé que je voulais me lancer dans cette carrière », se souvient-il.
Médecin, une vocation loin d’être anodine : son père est médecin de famille dans la capitale des Territoires du Nord-Ouest.
« Mon père m’a forcément un peu influencé, sourit-il. J’ai toujours baigné dedans, ça a toujours été une option pour moi. »
Aujourd’hui, en troisième année de formation en Alberta. C’est en 2022 qu’il sera officiellement reconnu comme médecin. Cependant, il ne pourra enfin s’installer qu’après quelques années.
« Même si je ne suis pas encore certain, je pense devenir médecin de famille, donc je vais devoir faire au minimum deux ans de résidence pour me spécialiser. »
Idéalement, dans les années à venir, il aimerait revenir sur ses terres natales : « J’aime les TNO, c’était vraiment génial de grandir à Yellowknife, j’ai toujours dans un coin de ma tête l’idée de revenir vivre ici. »
Exprimer la douleur
Après avoir suivi des cours en ligne à cause de la pandémie, ce n’est qu’à partir d’octobre prochain qu’il pourra de nouveau fouler les couloirs de l’hôpital où il pratique, et surtout, rencontrer des patients « en vrai ».
Pour lui, être médecin implique une relation privilégiée avec son patient. Et ce lien doit nécessairement passer par un dialogue compris de tous.
« C’est très important de comprendre de quoi souffre une personne et de pouvoir la soigner correctement. » D’après lui, certains problèmes viennent du fait qu’il est difficile d’« exprimer ses maux » lorsqu’on ne s’exprime pas dans sa langue maternelle.
Et de soutenir d’une voix assurée, « je veux que mes futurs patients puissent venir me voir en confiance et parler la langue de leur choix ».
Qu’est-ce que la bourse Réseau TNO Santé ?
Pour la première année, le Réseau TNO Santé a proposé aux étudiants dans le domaine de la santé (toutes spécialités confondues) de postuler au programme Franco-Doc.
Lancée par l’Association des facultés de médecine du Canada, cette bourse de 2500 $ est offerte à un candidat qui doit répondre à des critères simples : avoir étudié au cours de sa scolarité aux TNO et parler français. La sélection du gagnant se fait ensuite au tirage au sort.
Selon la coordonnatrice du Réseau TNO Santé, Audrey Fournier, l’objectif est d’« identifier » les futurs soignants afin de les sensibiliser à l’importance de proposer des services en français. « C’est aussi le moyen de leur donner des outils pour qu’ils soient prêts dans leurs stages », détaille-t-elle.
Au total, une quinzaine d’étudiants ont répondu à l’offre, venus d’Ontario, de Colombie-Britannique, mais également un du Collège Aurora. Pour Audrey Fournier, « idéalement, ils reviendraient s’installer aux TNO, mais savoir qu’ils peuvent aider d’autres résidents francophones au Canada est déjà un grand pas. »
Au recensement de 2016, les TNO comptaient 1165 résidents francophones. Connaitre le nombre de soignants qui peuvent répondre à des demandes en français s’avère délicat.
Entre l’hôpital et les différentes cliniques, le roulement des équipes est très fréquent comme l’explique Audrey Fournier.
« Il y a quand même des services d’interprétation si ton médecin est anglophone, mais c’est certain qu’avoir un docteur francophone n’est pas toujours assuré, déplore-t-elle. C’est quelque chose qui est sous-estimé parce qu’on a toujours tendance à se dire que l’on comprend assez bien, parfois le message n’est pas complet et il ne faut pas négliger la santé. »