le Mardi 6 mai 2025
le Jeudi 21 janvier 2021 16:14 | mis à jour le 20 mars 2025 10:41 Éditorial

Chiens de garde

Chiens de garde
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Les offices indépendants des Territoires du Nord-Ouest sont des rouages fondamentaux de l’exercice de notre démocratie. Les bureaux de la protectrice du citoyen, du commissaire à l’accès à l’information et à la protection de la vie privée, de la commissaire aux langues ou de la Commission des droits de la personne sont là pour assurer que nos droits sont protégés et nous offrir des recours lorsque l’État en mène un peu trop large. Ils jouent un rôle nécessaire, celui d’exiger des comptes.

En situation de crise, ces organismes sont encore plus importants que d’ordinaire. Lorsque les ressources de l’État sont mobilisées par un enjeu ou que l’on accorde des pouvoirs spéciaux à des autorités, les risques de dérapages sont d’autant plus grands. Ce n’est pas que le gouvernement ait des intentions malveillantes — loin de là ! —, mais simplement que la concentration des pouvoirs décisionnels couplée à la nécessité d’agir prestement constitue un environnement propice aux fautes lourdes de conséquences. Dans pareil contexte, des mécanismes de surveillance bien huilés et la présence d’arbitres capables d’exercer un jugement sobre et désintéressé ne peuvent que contribuer à affiner notre réponse.

Il n’est pas inutile de rappeler que, si l’administration de la santé publique s’acquitte aussi expertement de sa mission depuis le début de la pandémie, c’est notamment parce qu’elle a su apprendre des erreurs commises lors de la pandémie de H1N1 en 2009, des erreurs qui avaient été longuement exposées dans un rapport spécial d’un tel office indépendant, le bureau du vérificateur général du Canada.

Et des questionnements sur le respect des droits des citoyens, la présente pandémie en a certainement soulevé. Cette semaine, tiens, les résidents de Fort Liard ont déploré que l’information qu’on leur communiquait pour expliquer l’angoissant confinement de leur hameau ne leur était présentée qu’en anglais. On a rapidement pu faire traduire des messages clés en déné zhatié et les diffuser à la radio communautaire locale. L’incident nous rappelle que la Loi sur les langues officielles n’est pas qu’une coquetterie, mais bien une nécessité dans un territoire multilingue.

D’autres incidents troublants nous ont été rapportés depuis mars dernier. Lors du confinement initial, le bureau d’immatriculation des véhicules demandait aux personnes qui souhaitaient faire enregistrer un nouveau véhicule de soumettre une copie de permis de conduire et des informations de carte de crédit par un simple courriel. Dans les centres d’isolement, des personnes se sont fait demander de signer des documents les engageants légalement et qui n’étaient disponibles qu’en anglais. On imagine aisément que d’autres impairs du genre ont pu survenir.

Nous ne pouvons qu’espérer que nos offices indépendants auront l’occasion de mener des enquêtes et de produire des rapports pour évaluer la réponse du gouvernement des TNO à la pandémie et ses effets sur les citoyens et leurs droits, et que les leçons que l’on pourra tirer de ces examens permettront de faire encore mieux la prochaine fois qu’une telle situation d’urgence surviendra. Or, pour que ces bureaux soient à même de mener cet important exercice, encore faut-il qu’ils aient les moyens et les ressources nécessaires. En ce moment, tous ces offices opèrent avec un personnel restreint et de bien modestes budgets. Peut-être que, comme on l’a fait pour de nombreux ministères et secteurs d’activité, il serait louable d’accorder des financements spéciaux à ces petits bureaux qui montent la garde pour le respect des citoyens.