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Articles de l’Arctique, 5 février 2021 Un film inuit primé à Winnipeg

Articles de l’Arctique, 5 février 2021 Un film inuit primé à Winnipeg
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La rivière sans repos de Marie-Hélène Cousineau et Madeline Ivalu pose un regard féminin sur l’histoire récente du Nunavik.

Les cinéastes Marie-Hélène Cousineau et Madeline Ivalu ont reçu le prix de la meilleure réalisation pour le film La rivière sans repos au festival du film autochtone de Winnipeg, le 31 décembre 2020. La directrice du festival, organisé cette année en format virtuel, a annoncé la nouvelle à la réalisatrice par un courriel qui a précédé une rencontre virtuelle avec les organisateurs. Mme Cousineau était émue de cette reconnaissance du travail accompli en collaboration avec Madeline Ivalu qui est âgée aujourd’hui de 75 ans et qui ne parle ni anglais ni français : « Je trouvais ça touchant que Madeline soit reconnue, car je ne suis pas certaine qu’elle va en faire d’autres [des films]. »

Tourné en 2018 dans la communauté de Kuujjuaq, au Nunavik, ce film retrace l’histoire d’Elsa, une jeune fille Inuk, entre 1945 et 1975. Adapté d’une nouvelle écrite par Gabrielle Roy, Mme Cousineau explore le lien d’Elsa à la rivière Koksoak où se trouve le village. « La rivière est une métaphore pour les états d’âme d’Elsa qui passe par toute sorte d’émotion dans sa vie et se retrouve à la rivière pour se ressourcer, se calmer ou essayer de comprendre ce qui se passe », détaille la réalisatrice.

Les forces armées américaines se sont déployées à l’emplacement actuel de Kuujjuaq, appelé alors Fort Chimo, de 1942 jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Victime d’un viol par l’un des soldats, Elsa décide de faire ses propres choix pour le bien de son fils né du viol. Attirée d’abord par le mode de vie occidental, Elsa trouve cependant dans le mode de vie traditionnel inuit une façon d’élever Jimmy qui correspond à ses aspirations et à ses croyances.

« Elle prend ses décisions, mais pas nécessairement avec les conséquences dont elle rêve. Elle est à la fois forte et douce », précise Mme Cousineau.

Ce personnage indépendant et doué d’une certaine force de caractère est joué par Malaya Qaurniq Chapman. L’actrice originaire d’Iqaluit a su, selon Mme Cousineau, donner une nouvelle dimension au personnage. « Pour Malaya c’était important que le personnage d’Elsa soit moins victime que dans la nouvelle, commente Marie-Hélène Cousineau. On a discuté de ça et on était d’accord pour lui donner un côté plus fort, car elle se prend en main, elle fait ses choix et elle les assume même si ce n’est pas facile. »

 

Un point de vue féminin de l’histoire

Le film a reçu un excellent accueil à Kuujjuaq lors de la projection en octobre 2019 et a fait salle comble avec 300 personnes réunies. C’est une partie de l’histoire de leur communauté que les spectateurs ont vue et certaines femmes ont revécu leur propre passé sur grand écran.

« C’est une version de l’histoire de Kuujjuaq et le personnage d’Elsa qui est un personnage de fiction est aussi un personnage réel, car cette histoire liée à un viol et à la naissance d’un enfant métis est arrivée à des femmes de Kuujjuaq », indique la réalisatrice.

Lors de sa sortie, le film se faisait l’écho des voix des femmes inuites du Canada alors que l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées publiait un rapport final le 3 juin 2019 soit trois ans après la nomination de commissaires par le gouvernement du Canada. Dans ce contexte, il était important, pour la réalisatrice, de « montrer une femme qui décide pour elle-même et qui est toujours digne. »

Cette histoire semble plus que jamais d’actualité pour Lucy Tulugarjuk, coproductrice du film. Elle indique se reconnaitre dans le personnage principal : « Elsa, c’est moi, car j’aimerais retourner vivre au Nunavut chez moi, mais j’ai fait le choix de déménager au Sud pour que mes enfants aient accès au même système scolaire que les autres enfants canadiens. »

Accessible en visionnement payant sur la plateforme Vimeo, La rivière sans repos pose des questions qui sont encore aujourd’hui pertinentes et interroge sur la présence des voix des femmes inuites, mais aussi autochtones dans la société contemporaine canadienne.