le Mardi 6 mai 2025
le Jeudi 18 février 2021 15:37 | mis à jour le 20 mars 2025 10:41 Éditorial

Pas une crise

Pas une crise
00:00 00:00

La semaine dernière une prise de bec entre la députée de Great Slave et la ministre de la Santé et des Services sociaux a attiré l’attention sur les travaux de l’Assemblée législative. Alors que ce genre d’invective est monnaie courante dans les assemblées provinciales ou à la Chambre des communes, aux Territoires du Nord-Ouest, nos parlementaires sont généralement plus courtois.

Or, l’émoi suscité par le ton des échanges aura malheureusement pris le dessus sur les enjeux qui étaient soulevés. Et c’est bien malheureux. C’était de santé mentale dont il était question lors de cette querelle. S’il y a bien une conversation nécessaire dont on ne saurait faire l’économie, c’est celle-là.

Le différend entre Mmes Nokleby et Green tournait autour de sémantique. La députée affirmait qu’il y a aux TNO « une crise » de la santé mentale, ce que réfutait la ministre. Mais voilà, cette question est bien accessoire. Que ce soit une crise ou non, le fait est que les enjeux de santé mentale affectent un très grand nombre de Ténois et que l’accès aux soins demeure difficile, que ce soit en raison d’un manque de ressources, de la difficulté de retenir des professionnels de la santé ici ou encore à cause des tabous et de la stigmatisation qui persistent autour de ces questions.

Aux TNO, où plus du tiers de la population vit le traumatisme intergénérationnel des pensionnats indiens, où les taux de crimes violents, d’abus sexuels et de violence conjugale sont invariablement parmi les plus élevés au pays, où une large portion de la population est issue de la migration et où il est normal de vivre loin de ses proches, on ne devrait pas s’étonner de la prévalence des problèmes de santé mentale. Mais on peut certainement s’interroger sur la difficulté d’obtenir de l’aide.

S’il y a une offre appréciable en pratique privée, le régime public continue d’être très limité. L’attente pour obtenir un service de counseling demeure beaucoup trop longue et il n’y a toujours pas de psychiatre résident aux TNO. Ceux qui pratiquent ici sont des locums, c’est-à-dire des temporaires qui ne restent que quelques mois à la fois. Un patient qui a besoin de suivi psychiatrique est contraint de changer de docteur pratiquement entre chaque rendez-vous. Il est grand temps qu’on fasse comme dans le film La grande séduction et qu’on déroule le tapis rouge aux psys.

Par ailleurs, il est navrant que, après toutes ces années à le réclamer, après tous ces politiciens qui se sont fait élire en en faisant la promesse, il n’y ait toujours pas de centre de désintoxication aux TNO. L’abus d’alcool et de drogues est au cœur de notre problématique de santé mentale et on continue d’envoyer ceux qui veulent s’en sortir en Alberta. Ça ne marche pas.

Il faut des services ici, adaptés à la culture nordique. Il est inconcevable qu’il faille encore une fois réitérer cette demande en 2021. Combien de fois l’avons-nous plaidé ? C’est assez ! Ce n’est peut-être « pas une crise », mais c’est une urgence.