Avec l’élection du vétéran Pita Aatami à la présidence de la société Makivik, le vieux rêve d’une autonomie gouvernementale pour le Grand Nord québécois est relancé.
La maire de Kuujjuarapik, Anthony Ittoshat, est convaincu que l’élection de Pita Aatami à la présidence de la société Makivik favorisera les négociations pour l’autodétermination du Nunavik.
« Le problème avec le plan de Charlie Watt [président sortant de la société Makivik] est qu’il voulait opérer sans le Québec, estime M. Ittoshat. Il avait oublié la Loi de 1912 sur l’annexion de l’Ungava, où les Inuits […] sont passés de la responsabilité fédérale à celle du Québec. […] Québec dira “oui” à un gouvernement autonome aussi dans la mesure où il est impliqué dans le processus. »
« La relation avec le Québec n’était pas si bonne durant la présidence de Charlie », ajoute le maire de la collectivité la plus méridionale du Nunavik.
Le retour d’Aatami
La société Makivik gère les droits et les bénéfices découlant de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois pour les Inuits du Nunavik et les représente auprès des gouvernements canadien et québécois.
Lors des élections du 4 février, Pita Aatami a récolté 66,7 % des votes, plus du double que ses adversaires réunis, Charlie Watt et Noah Cain. Seulement 41 % des 8626 électeurs inscrits se sont prémunis de leur droit de vote. Il s’agit d’un retour pour M. Aatami, qui avait occupé ce poste entre 1998 et 2012.
En 2011, sous son égide, la population du Nunavik avait rejeté à plus de 66 % la création d’un gouvernement régional lors d’un référendum. Ce rejet de l’entente sur l’autonomie s’explique en partie parce que les Nunavimmiuts n’y gagnaient pas le « contrôle total de leur territoire », analyse M. Ittoshat. « C’était trop ouvert à des interprétations, ajoute-t-il. Ça confondait tout le monde. »
Protocole d’entente
Un autre processus a été ultérieurement amorcé, qui a donné lieu, en juin 2019, à la signature d’un protocole d’entente entre le Canada et le Nunavik.
« J’ai été invité à une réunion avec tous les maires », se rappelle le maire de Kuujjuarapik. « J’ai demandé où était le Québec. Ils [Makivik] ont patiné. Ils ont dit que la Loi de 1912 ne s’appliquait pas, que nous étions protégés constitutionnellement. Ça ne faisait pas de sens pour moi. […] D’autres personnes ont demandé la même chose que moi, sans plus de réponse. Nul ne croit que tu peux déclarer la souveraineté juste en négociant avec le fédéral. »
Relancer la discussion avec Québec
Ce ne serait que tout récemment, selon Anthony Ittoshat, que Charlie Watt se serait rendu compte qu’exclure le Québec était une erreur.
Mais depuis la signature du protocole d’entente, le fédéral et la société Makivik ont continué à se réunir, excluant le Québec. Leurs discussions sont confidentielles, en vertu dudit protocole.
Cependant, Pita Aatami a rencontré le ministre responsable des Affaires autochtones du Québec, Ian Lafrenière, le 14 février. « Les deux se sont entendus pour relancer la table de travail, et la rencontre était très positive, commente l’attaché de presse de M. Lafrenière. Les sujets à discuter seront décidés conjointement. »
« Le gouvernement du Québec n’a pas été formellement invité par le gouvernement du Canada à participer aux discussions avec la Société Makivik, convient un porte-parole du Conseil exécutif du gouvernement du Québec, […] mais demeure attentif aux besoins signifiés par la Société Makivik […] et par les organisations du Nunavik, notamment l’autonomie gouvernementale. »
Guérison et infrastructures
Si M. Ittoshat dit que les Inuits ont toujours lutté pour l’autodétermination, il se questionne sur le niveau de préparation de son peuple. « Je ne sais pas si nous sommes prêts, songe-t-il. Nous avons besoin de fondations solides, de durabilité, de la propriété de la terre. […] Nous avons les ressources […], mais il faut planifier soigneusement. » Il considère qu’il faut apprendre des erreurs du Nunavut et mieux planifier le financement de l’autonomie.
En attendant, Anthony Ittoshat fait siennes certaines des priorités de Pita Aatami, comme trouver une solution aux problèmes de dépendance à l’alcool et à la drogue, qui ont notamment pour effet le placement d’enfants en famille d’accueil non inuites.
Le maire partage également la vision du président d’investir dans les infrastructures. « Nous devons nous concentrer sur le développement économique, assure-t-il. Nous manquons beaucoup d’infrastructures ici, des aéroports, des routes. Nous avons besoin d’installations. »
Pita Aatami a été élu pour trois ans. En qualité de président de la société Makivik, il siègera aussi à l’Inuit Tapiriit Kanatami, qui représente les Inuits de l’ensemble du Canada, et au Conseil circumpolaire inuit.