« La veille des élections, il t’appelait son fiston, le lendemain comme de raison, il avait oublié ton nom. » Cette boutade que chantait Félix Leclerc serait-elle le sort que réserve le Parti libéral du Canada aux communautés francophones et acadiennes ? Nous nous posons sérieusement la question.
Cette semaine, notre salle de rédaction a reçu un appel du bureau de la ministre des Langues officielles. Ostensiblement en mission commandée de relations publiques, la ministre Mélanie Joly tenait à s’entretenir avec nous et, on le suppose, avec tout le reste de nos collègues des petits médias francophones du Canada. Officiellement, la ministre des Langues voulait faire des précisions sur son projet de réforme de la Loi sur les langues officielles, mais, en sous-texte, on sentait bien qu’il s’agissait d’abord d’une opération de visibilité.
Pourquoi ? La réponse nous est apparue quelques heures plus tard dans une entrevue accordée par le premier ministre Trudeau à une station de radio de Montréal : le gouvernement prépare des élections anticipées. Cela fait un moment qu’on laisse planer le doute d’un scrutin hâtif, mais en insistant au micro de Paul Arcand sur la nécessité d’un « parlement qui fonctionne », le premier ministre montrait assez clairement qu’il a déjà les espadrilles posées sur les blocs de départ.
En entrevue — que nous publierons très prochainement sur le site Web de Radio Taïga —, la ministre Joly a réitéré son intention de déposer un projet de loi sur la réforme des langues officielles dès que possible. Elle n’a pas donné d’échéancier précis, mais elle n’écarte pas la possibilité d’un dépôt à la Chambre des communes dès cet été. Or, voilà, que le dépôt du projet se fasse demain ou à Noël, ce qui est certain, c’est que des élections hâtives auront pour effet de le faire mourir au feuilleton.
Quand la ministre des Langues a proposé son livre blanc sur la réforme des langues officielles, nous nous sommes demandé quelle proposition indécente le Parti libéral avait bien pu faire aux organismes porte-parole des communautés francophones et acadiennes pour qu’elles rentrent avec autant de discipline dans le rang du gouvernement. Après s’être égosillés à réclamer un projet de loi immédiatement, voilà que la Fédération des communautés francophones et acadienne, la Fédération franco-ténoise et consorts se réjouissaient d’une nouvelle salve de promesses qui, du reste, omettait certaines de leurs demandes les plus cruciales. Et lorsqu’on leur faisait remarquer que les principaux partis d’opposition allaient beaucoup plus loin que les libéraux dans leurs propositions pour les communautés francophones, on patinait pour nous trouver des excuses pour réaffirmer « la confiance » qu’on accordait à la ministre Joly. À n’y rien comprendre.
Si les courbettes du Parti libéral s’avéraient n’être qu’une manœuvre pour faire le plein d’appuis avant de se lancer dans une course électorale qui aura pour effet d’encore retarder la nécessaire réforme de la Loi sur les langues officielles, nous espérons que les organismes porte-parole des communautés auront alors suffisamment d’honneur pour dénoncer le cynisme de ceux qui se seront servis d’eux pour leurs jeux politiques.