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le Jeudi 22 juillet 2021 16:56 | mis à jour le 20 mars 2025 10:41 Économie

Entreprises touchées par les inondations à Fort Simpson « Combien de temps devrons-nous encore attendre ? »

Entreprises touchées par les inondations à Fort Simpson « Combien de temps devrons-nous encore attendre ? »
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La semaine dernière, Médias ténois a offert la parole à des résidents sinistrés des inondations. Cette semaine, c’est au tour d’entreprises touchées, dont les dommages grimpent dans les six ou sept chiffres.

La montagne de débris est plus haute que le propriétaire de South Nahanni Airways et de Wolverine Air, Jacques Harvey, alors qu’il se tient près d’elle, l’air soucieux et les pieds englués dans le limon laissé derrière par le fleuve Mackenzie qui a débordé début mai. « Un évaluateur du gouvernement nous a dit qu’on avait près de 2 millions de dommages. C’est modeste, je crois », dit-il.

Ses entreprises ont été durement frappées par les inondations : un total de 11 bâtiments – un entrepôt, une maison, un garage et des remises – ont été détruits, dont plusieurs sont carrément partis à la dérive, déracinés par l’eau et la glace. La majorité du contenu, incluant du mobilier, des pièces de rechange et de l’équipement pour les avions, des matériaux de construction ainsi que des camions, est perte totale. Seulement deux édifices, qui servent de bureaux, ont tenu le coup : l’un est réparé, l’autre attend que le couperet tombe, tandis que la moisissure prolifère dans ses murs. La piste d’atterrissage, qui appartient à une autre de ses compagnies, Airport North, a aussi été endommagée.

Démolir le reste des bâtiments chancelants et nettoyer leur site « va facilement couter autour de 150 000 $ », évalue Jacques Harvey, âgé de 70 ans. « Ça ne parait peut-être pas, mais on a déjà fait beaucoup de nettoyage ». Il fait référence, entre autres, aux débris ramassés qui forment désormais une montagne.

L’entrepôt et les deux bureaux étaient assurés. Lui et sa conjointe, Laverna Martel-Harvey, présidente des entreprises, croyaient que les autres bâtiments l’étaient également. « Il y a eu de la confusion dans la police de 30 pages, dit-il, on n’a pas d’assurance pour tout. »

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a promis d’aider les petites entreprises. Il offre de payer « 80 % de toutes les dépenses admissibles engagées en raison de l’inondation qui ne sont couvertes par aucune autre forme d’assurance jusqu’à concurrence de 100 000 $. » Comme Jacques Harvey et sa conjointe chapeautent trois entreprises dépendantes l’une de l’autre, ils espèrent obtenir 300 000 $. Ses compagnies offrent, entre autres, des vols pour se rendre dans la réserve de parc national de Nahanni.

« Une compagnie a droit au même montant d’aide que les maisons privées, soit 100 000 $, dit Jacques Harvey. On espère que le gouvernement va ajuster le tir et offrir une aide basée sur l’ampleur des dommages et la grandeur de la compagnie. »

« C’était notre retraite », se désole sa conjointe Laverna, âgée de 64 ans, rencontrée plus tard à leur domicile et dépassée par toute la paperasse à remplir.

Le gouvernement n’a pas prévu de bonifier son offre, a confirmé au téléphone le conseiller en communications aux Affaires municipales et communautaires du gouvernement, Jay Boast.

En attendant, les propriétaires ne veulent pas rebâtir sur leur site qui risque d’autres crues printanières. Ils songent à mettre ce qu’ils peuvent dans des camions ou des conteneurs qui seront déplacés l’été sur le site et stationnés ailleurs le reste de l’année. « On veut réaménager le terrain avec du gazon et des tables en piquenique », dit-il. « Des tables en ciment », ajoute-t-il. Afin qu’elles partent moins facilement à la dérive.

Ils se considèrent néanmoins chanceux : leurs avions étaient en sécurité, loin du site inondable.

 

Simpson Air

Les avions d’une autre compagnie d’aviation installée sur l’ile, Simpson Air, ont aussi été épargnés. Mais pas ses bâtiments : Ted Grant, le propriétaire de Simpson Air, évalue les dommages à quelque 700 000 $. « Tout ce qui était dans le hangar et dans nos roulottes a été détruit. Quatre de nos bâtiments, la clôture et la chaussée ont été endommagés. Il y avait de 2 à 5 cm de limon partout. On n’a pas fini de nettoyer », dit-il, installé dans son bureau, seul édifice épargné, car construit sur une petite butte.

Près de trois mètres d’eau ont inondé le hangar, dont les murs n’ont pas encore été ouverts. Celui-ci était assuré. « On n’avait pas d’assurance pour les autres bâtiments, dit-il, car ils ne valaient pas tant que ça. Mais il faudra quand même remplacer ce qu’on a perdu ».

Son hangar, installé dans une zone plus basse de l’île, a déjà été inondé en 1989. Plus d’un mètre d’eau s’y était engouffré. Il explique qu’il a déplacé avec ses employés des articles sur la butte, près du bureau, et surélevé le reste dans le hangar au-delà de la marque de 1989. « Mais ce n’était pas assez, dit-il, on a eu plus de trois mètres d’eau ! »

Un évaluateur du gouvernement est venu peu après l’inondation pour photographier ce qui a été endommagé, à l’exception du hangar assuré. Ils ont fourni une liste de tout ce qui a été perdu. Pas de nouvelles depuis.

« On ne sait pas si on va recevoir de l’argent de la part du gouvernement. Si on a 100 000 $ et que c’est tout ce qu’on peut avoir, alors ce sera tout. Si j’avais 21 ans, je serai surement tendu, mais à mon âge, ça n’a plus d’importance », dit celui qui, âgé de 72 ans, envisage de bientôt prendre sa retraite.

 

Nahanni Inn

Darlene Sibbeston, ex-mairesse de Fort Simpson, ne songe pas encore à la retraite. Au contraire, elle a réalisé un rêve d’enfance en achetant le motel Maroda ainsi que l’hôtel Nahanni Inn, qui a un restaurant, en décembre dernier. Mais le site du Nahanni Inn, plus près du fleuve Mackenzie, a été touché.

« Ça coutera au moins 50 000 $ pour réparer la nouvelle chaudière à granulés. La chaudière à l’huile, le réservoir à eau chaude et des panneaux électriques qui étaient au sous-sol d’un bâtiment pour les employés sont foutus, énumère-t-elle. J’ai perdu 23 000 $ en nourriture que je venais de commander. Le vide sanitaire de l’hôtel a été touché. Le garage a été inondé, on a dû ouvrir les murs et jeter le contenu, dont un tracteur à gazon. »

Ils ont aussi perdu un mois entier de revenu.

Elle avait fait les démarches pour assurer ses bâtiments, mais aucune compagnie ne voulait la couvrir pour des dommages liés à l’eau.

« Les 100 000 $ du gouvernement ne seront pas suffisants pour couvrir les pertes, dit-elle. Je voudrais que le gouvernement offre davantage, mais, surtout qu’il nous aide maintenant. On est très limité dans nos liquidités. »

« C’est très difficile, continue-t-elle. Je suis stressée. J’ai besoin d’aide. On a déjà attendu deux mois après le gouvernement. Combien de temps devrons-nous encore attendre ? »

Selon elle, une poignée d’entreprises ont subi des dommages à Fort Simpson et il pourrait être « facile » pour le gouvernement de communiquer avec chacune et d’intervenir rapidement.

 

Unity Store

Muaz Hassan, propriétaire du dépanneur Unity Store et de deux autres édifices, aimerait lui aussi voir la couleur de l’argent. « Le gouvernement dit qu’il va nous aider, mais je ne vois pas de lumière au bout du tunnel. Je ne vois rien », dit-il.

L’eau n’a pas endommagé son dépanneur, mais elle a inondé ses deux autres bâtiments, de l’autre côté de la rue. L’un servait de quincaillerie et un employé y logeait. L’autre servait à héberger les sans-abris et il y entreposait au sous-sol des ordinateurs, outils, caisses enregistreuses, etc.

« Les 100 000 $ du gouvernement ne couvriront pas tous les dommages, dit Muaz Hassan. Si j’avais l’argent, je pourrais faire des travaux avant l’hiver et j’apprécierais ce soutien. Mais où est l’argent ? Il est coincé dans la bureaucratie et dans la paperasse. Les évaluateurs sont venus. Ils savent que les dommages dépassent leur maximum. Pourquoi ne pas donner l’argent à ceux dont c’est le cas et qui n’ont pas d’assurance ? »

L’hiver s’en vient, s’inquiète-t-il.

 

Deh Cho Suites

Une autre entreprise touchée, c’est Deh Cho Suites, qui offre 10 chambres ou suites à louer. Deux d’entre elles, dans l’un de leurs trois édifices, ont été endommagées ainsi qu’un pavillon à l’extérieur. Au moment de notre visite, les rénovations avançaient bon train.

« On a tout payé de notre poche », dit le propriétaire Kirby Goat. Ils n’avaient pas d’assurance pour la crue des eaux.

« On estime avoir perdu jusqu’à 120 000 $. On a rempli tous les formulaires du gouvernement et on attend. » Ils ont aussi perdu près d’un mois de location pour l’ensemble des chambres.

« Je suis confiant que le gouvernement va nous aider et je serais content d’avoir 100 000 $ », dit-il. Un tel montant couvrirait une bonne partie de leur perte et, ajoute-t-il, les soulagerait.