le Mardi 22 avril 2025
le Jeudi 12 mai 2022 18:02 | mis à jour le 20 mars 2025 10:41 Arctique

Les Cris, les Inuits et les Naskapis s’unissent pour se faire entendre

Les Cris, les Inuits et les Naskapis s’unissent pour se faire entendre
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Trois nations du Nord québécois ont récemment signé une entente qui leur permettra d’unir leurs voix. Bien qu’une telle coopération existait déjà dans le passé, cette union officielle fera en sorte que leurs revendications reçoivent davantage d’attention.

Karine Lavoie – Le Nunavoix

Le 22 avril dernier, les Cris d’Eeyou Istchee, les Inuits du Nunavik et les Naskapis de Nuchimiyuschiiy se sont unis par la signature d’un accord dans l’objectif de parler d’une seule voix face aux différents ordres de gouvernement.

Alors que les défis collectifs de ces nations se distinguent par les langues, les politiques, les coutumes et les territoires respectifs, il existe des similitudes entre elles. Ce forum permanent permettra de discuter des priorités jugées importantes et pertinentes par chaque nation pour le bienêtre de leurs communautés et de leurs peuples ainsi que pour la durabilité de leurs territoires ancestraux.

La question entourant la gestion et la protection du caribou représente l’un des enjeux majeurs pour lesquels ces trois nations désirent être entendues et soutenues.

 

Une voix plus forte

Plusieurs personnes issues des trois nations s’étaient déplacées à Gatineau, au Québec, afin de participer à l’évènement entourant la signature de cette entente. Parmi celles-ci, Pita Aatami, représentant les Inuits, était entouré de Mandy Gull-Matsy, grande cheffe de la nation crie, ainsi que de Theresa Chemaganish, cheffe naskapie de Kawawachikamach.

« Je suis très fier de ce que les Inuits ont accompli au fil des ans sur le territoire du Nunavik. Avec notre Forum autochtone sur le Nord québécois et nos efforts collectifs avec les Cris et les Naskapis, notre voix sera encore plus forte », a déclaré par voie de communiqué de presse Pita Aatami, président de la Société Makivik.

Carson Tagoona, directeur des communications à la Société Makivik, relève qu’avec une population plus petite, les problèmes exprimés par les Inuits ne sont souvent pas pris au sérieux et ne reçoivent ni l’attention ni les solutions qu’ils méritent. « En créant ce forum, nous visons à faire savoir aux gouvernements et aux autres institutions que, non seulement les problèmes auxquels nous sommes confrontés, mais également les solutions que nous proposons, sont souvent partagées par nos compatriotes autochtones », affirme-t-il.?

L’un des éléments que la Société Makivik souhaite porter à l’attention des gouvernements est un plus grand désir de représentativité. « Le besoin d’une circonscription électorale propre à nos groupes est très clair pour nous. Notre mode de vie est distinct et nous méritons le droit de voter et d’élire un député qui comprend nos réalités », soutient Carson Tagoona. ?

La gestion du caribou est aussi un enjeu pour lequel les trois nations souhaitent unir leur voix et, ainsi, avoir une influence sur les décisions gouvernementales concernant la préservation de l’espèce.

À ce sujet, la Société pour la nature et les parcs du Canada, section Québec (SNAP Québec) travaille en concertation avec les représentants des Inuits et des premières nations innues, naskapies et cries pour la création et la mise en valeur de nouvelles aires protégées.

Alain Branchaud, biologiste et directeur général de la SNAP Québec, accueille favorablement cette annonce : « Quand les gens se réunissent et prennent en charge la gestion du territoire et des espèces, c’est toujours une bonne nouvelle pour assurer que les communautés et l’ensemble des membres des Premières Nations et des Inuits au Québec adhèrent à la vision commune que les gens essaient de développer », déclare-t-il.?

S’inscrivant dans une démarche plus grande de protection du territoire, la SNAP Québec a lancé le Plan Nous, qui a donné lieu à son premier projet l’an dernier. Ayant comme objectif de tisser des liens entre le nord et le sud du Québec, une ambassadrice de Boucherville a pu partir à la découverte du Nunavik. Lors de son séjour, elle a visité le Parc national de Tursujuq afin d’avoir une meilleure compréhension des défis de conservation de la diversité bioculturelle dans ce territoire nordique.

« On fait le pari qu’en faisant des corridors humains comme ça, on va développer une série d’ambassadeurs au nord qui vont être sensibles aux enjeux du Sud, mais aussi des gens au sud qui vont être sensibles aux enjeux du Nord », explique Alain Branchaud. ?

La question entourant la gestion et la protection du caribou représente l’un des enjeux majeurs pour lesquels les Cris, les Inuits et les Naskapis du Québec désirent être entendus et soutenus. (Crédit photo : Jean-Christophe Lemay)
 

 

L’urgence d’agir

Alain Branchaud souligne que la majorité des populations de caribou au Canada sont en déclin et qu’il existe une certaine incompréhension autour des causes sous-jacentes à ce phénomène. « D’une façon générale, la dégradation et la perturbation des habitats, notamment dues aux changements climatiques, semblent être des facteurs déterminants », affirme-t-il en précisant que l’urgence d’agir se situe sur le plan de la protection du territoire.

« Cela implique donc de délimiter des territoires qu’on va reconnaitre collectivement avec un mode de gouvernance particulier, qui va faire en sorte que ce mode de gouvernance de ces territoires-là et les activités qui [y] sont autorisées vont être compatibles avec la survie et le rétablissement des populations de caribous », résume Alain Branchaud, précisant que cela implique d’exclure des activités industrielles.

« Au Québec, en tout cas, avec les partenariats qui ont été faits entre le gouvernement du Québec et la nation crie, les Inuits, les Naskapis et aussi les Innus, on a vraiment un progrès assez intéressant au niveau de la protection du territoire, poursuit le biologiste. Le Québec a été la seule province qui a franchi la cible du 17 % de protection du territoire et ça, ça a été fait grâce à des partenariats avec des nations autochtones. »

Bien qu’Alain Branchaud estime qu’il reste beaucoup de travail à faire, il croit qu’une nouvelle vision permettant que les aires protégées d’initiatives autochtones puissent être reconnues au cours des prochaines années, au même titre que des aires protégées qu’il qualifie de « classiques », s’annonce prometteuse.