Le marché fermier de Yellowknife a entamé sa 10e saison estivale mardi 7 juin, de 17 h 15 à 19 h 15, au parc Somba K’e, l’occasion pour les habitants d’acheter des fruits et légumes produits localement, mais aussi de vendre les surplus de leurs potagers, s’ils en ont. Cette démarche vise à diminuer l’insécurité alimentaire dans le Nord.
L’évènement, créé en 2013 avec une dizaine de kiosques, en comptera cette année près de quarante. Initialement, « l’idée du marché était d’assurer la sécurité alimentaire pour la ville de Yellowknife », expliquait la vice-présidente du marché, Lise Picard, dans une entrevue accordée à Médias ténois l’année dernière.
Malgré la croissance de la fréquentation et du nombre de kiosques, le nombre de producteurs de fruits et légumes locaux, lui, est encore restreint.
France Benoit, cofondatrice du marché fermier et membre du conseil d’administration de l’association, explique que, sur la quarantaine de kiosques et de producteurs qui vont se relayer pendant les quinze semaines que dure le marché cette année, seuls « trois ou quatre » sont des maraichers et vendeurs de produits alimentaires frais.
Un problème de sécurité alimentaire
Pourtant, dit-elle, la sécurité alimentaire devrait être au centre de nos préoccupations.
En termes de production locale d’abord, pour se prémunir collectivement en cas de fermeture des voies d’accès, comme cela a pu être le cas par le passé. « Il y a dix ans, évoque Mme Benoit, si le marché fermier s’est lancé, c’est parce qu’on a observé ce qu’il s’est passé à Whitehorse. Après l’inondation d’une route, les tablettes des supermarchés se sont trouvées vides faute d’approvisionnement. »
Pour cette raison, la maraichère souligne l’importance des maraichers locaux, qui font face à de nombreux défis. Mais « se lancer en agriculture demande des fonds importants » : les marges de profit sont minuscules, dit-elle, et le modèle n’aide pas les consommateurs à réaliser le bénéfice des produits cultivés, récoltés, et parfois transformés localement par rapport à ce qu’ils trouvent en épicerie.
« Évidemment, les prix ne sont pas les mêmes que ceux des épiceries, poursuit-elle. Mais la qualité non plus. Alors évidemment on ne pourra pas vendre un zucchini pour trois dollars, mais il faut tout de même repenser le modèle de l’agriculture locale », et la relation des gens avec la nourriture.
Lutter contre le gaspillage
La maraichère évoque son second cheval de bataille : le gaspillage. « De la nourriture, il y en a partout, dit-elle. Mais il y a énormément de gaspillage, et beaucoup de gens qui ne mangent pas à leur faim. »
Pour tenter d’améliorer cet état de fait, et depuis maintenant cinq éditions, le marché fermier tente d’attirer les particuliers à vendre leurs productions sur un étal spécifiquement créé pour ça. Une table dite « des producteurs » a été mise en place, où tout un chacun peut vendre les fruits et légumes issus de son jardin.
Le choix de la manière incombe à chacun : les produits peuvent être vendus par la personne qui les a fournis, auquel cas cette dernière conserve 90 % du prix de vente. Ils peuvent aussi être vendus par un coordinateur de l’association, et dans ce cas, 25 % des gains sont conservés par le marché fermier et le jardinier en récupère 75 %. Une dernière option permet tout simplement aux bénévoles de faire don de leurs productions au profit de l’association du marché fermier.
L’initiative fonctionne et a justifié l’embauche, cette année, de personnes dédiées à l’accompagnement des jardiniers de Yellowknife intéressés à prendre part au programme. Comme l’expliquait France Benoit à Médias ténois en début d’année : « On veut éliminer le maximum de défis », pour permettre aux gens d’intégrer cette initiative.
France Benoit participe depuis de nombreuses années à la valorisation des pratiques maraichères locales dans les communautés ténoises. (Crédit photo : Lambert Baraut-Guinet)
Un modèle agricole pérenne pour le Nord
Après un printemps marqué par les inondations importantes le long de la rivière au Foin, qui a gravement endommagé les infrastructures et les cultures, notamment à Paradise Gardens, la question du modèle agricole local se pose, d’après France Benoit.
« Il y a énormément de potentiel », explique-t-elle. En cultivant des légumes racines, qui « poussent bien, vite, et qui résistent mieux au climat », il est possible, d’après la maraichère, d’exploiter de la bonne manière « les deux jours de soleil qu’on a dans une journée » pour produire.
« Pas besoin de grosses infrastructures, dit-elle. Pas de grande serre chauffée ou de haute technologie. Ce n’est pas ça qui va nous sauver. Ça consomme beaucoup trop de ressources. »
Au contraire, d’après elle, ce sont des solutions basse-technologie, ou low-tech, dont il faut s’inspirer. Produire en fonction du climat, « en utilisant ce que les gens du Nord savent faire, plutôt que vouloir adapter ce qui se fait au Sud ».
« Ce qui va nous faire vivre, conclut-elle, ce ne sont pas les tomates et les concombres cultivés sous serre chauffée, mais les betteraves, les poireaux, ou les choux, » qui se cultivent visiblement assez bien pendant les quelques mois que dure l’été ici, dans le Nord.