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le Jeudi 27 octobre 2022 20:32 | mis à jour le 20 mars 2025 10:41 Politique

Fouille d’un camp autochtone : la Cour suprême annule le mandat de perquisition

Fouille d’un camp autochtone : la Cour suprême annule le mandat de perquisition
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Le ministre Thompson s’est engagé à rencontrer les leadeurs de la Première Nation Lutselk’e dans leur collectivité, afin d’élaborer de meilleures stratégies pour contrer le braconnage dans la région tout en respectant les droits des résidents.

Thomas Ethier – IJL
Réseau.Presse – L’Aquilon

La Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest a tranché le 24 octobre en faveur de la Première nation Lutselk’e, et annulé le mandat de perquisition ayant mené cet automne à la fouille complète d’un camp culturel autochtone par des agents de la faune. Le ministre de l’Environnement et des Ressources naturelles, Shane Thompson, s’est engagé à rencontrer les leadeurs de la première nation.

« Je reconnais que des relations devront être restaurées à la suite de cet incident », a déclaré le ministre à l’Assemblée législative, le 25 octobre. Ce dernier dit avoir contacté le chef James Marlowe pour organiser une rencontre afin de « poursuivre les efforts et travailler ensemble pour appuyer la restauration des hardes de caribou Bathurst ».

 

Des relations à restaurer

Le 13 septembre 2022, deux agents de la faune sont arrivés par hélicoptère sur le site, à environ 150 km de la collectivité de Lutsel K’e. Munis d’un mandat de perquisition, ces derniers enquêtaient sur des cas allégués de braconnage dans la zone de protection mobile du caribou Bathurst. Toutes les cabanes, tentes et tipis du camp, incluant celles des enfants, ainsi que les effets personnels des occupants, auraient été fouillées.

« Ces évènements démontrent un manque flagrant de respect et de reconnaissance des droits inhérents des Dénés, issus des traités, et constituent un sérieux recul dans nos efforts continus d’engagement vers une réconciliation significative », avait déclaré le chef de la nation dénée, Gérald Antoine, après l’évènement.

En période de questions, le député de Tu Nedhé-Wiilideh, Richard Edjericon a insisté auprès du ministre pour qu’il présente des excuses officielles aux membres de la Première nation Lutselk’e. Selon ce que rapporte le député, le GTNO aurait reconnu devant le tribunal que le mandat de perquisition obtenu par les agents de la faune a été lancé « sans autorité légale ».

Au moment d’écrire ces lignes, il n’a pas été possible de consulter le jugement de la Cour suprême des TNO.

« En langage clair, ceci signifie que les agents du ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles ont enfreint la Charte et les droits issus de traités des peuples autochtones, protégés par la Constitution, a affirmé M. Edjericon. Il s’agissait d’un retour à l’époque coloniale et aux méthodes coloniales. Tout ceci a été fait sans autorité légale. Aujourd’hui le monde entier nous observe, qu’allons-nous faire ? ».

La Première nation Lutselk’e et la Nation dénée exigent aujourd’hui des excuses officielles du ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles. Le chef Marlowee exige également compensation pour toutes les personnes « dont les droits protégés par la Charte ont été enfreints », ainsi qu’une cérémonie de guérison pour aider à rétablir la relation entre le GTNO et la communauté.

La Première Nation a également proposé au GTNO la mise en place d’un protocole de communication avec le conseil de bande « pour assurer des communications appropriées à propos des actions à entreprendre pour faire appliquer la loi, afin que cette situation ne se reproduise jamais »

« Je suis plus que disposé à rencontrer le chef Marlowe et la Première nation dans la collectivité de Lutselk’e, pour avoir cette conversation en face à face et établir la manière de rétablir de bonnes relations », a déclaré le ministre Thompson en chambre. Ce dernier dit s’être engagé auprès du chef Marlowe à poursuivre l’élaboration d’un accord mutuel sur les procédures et pratiques entourant la manière de faire respecter les règles antibraconnage dans la région.

 

Cas allégués de braconnage

Ce mandat de perquisition a été lancé après qu’une dizaine de caribous aient été chassés illégalement dans la zone protégée, selon le ministère. De la viande gaspillée aurait aussi été retrouvée sur place. Le ministre Thompson a souligné à grands traits à l’Assemblée législative que l’opération visait à protéger la harde de caribous Bathurst, dont la population a dramatiquement chuté au cours des dernières décennies.

Le ministre Thompson a partagé à l’Assemblée législative le témoignage des agents de la faune impliquée, tel que livré au tribunal. Selon cette version des faits, après être arrivés par hélicoptère, les deux agents auraient attendu environ 1 heure 20 minutes pour rencontrer le responsable du camp.

Ce dernier aurait d’abord parlé à un conseiller juridique. Les agents auraient demandé qu’on leur indique où se trouvait la viande de caribou récemment préparée, pour prélever des échantillons. Cette demande leur aurait été refusée, ce qui aurait mené à une fouille exhaustive des lieux.

L’enquête entourant les allégations de braconnage de caribou et de gaspillage de viande ayant mené à cette perquisition serait toujours en cours. Une zone de protection mobile a été mise en place pour protéger la population de caribous Bathurst, qui aurait subi un déclin de 99 % en 35 ans. On comptait 470 000 spécimens en 1986 aux Territoires du Nord-Ouest. Selon les chiffres émis par le ministère en 2021, il n’en resterait aujourd’hui que 6200.

La chasse aux caribous demeure une activité traditionnelle de subsistance dans plusieurs régions du territoire. Le gouvernement déploie notamment le Programme d’aide aux exploitants – une aide financière offerte aux chasseurs et trappeurs du territoire –, une initiative, selon le ministre, visant à « encourager une pratique traditionnelle qui aide à protéger la faune et à appuyer la restauration de la harde de caribous Bathurst. »