Nelly Guidici
Rencontres entre le pape et les peuples autochtones
Le processus de la réconciliation poursuit son cheminement dans les territoires. Le dialogue entre les peuples autochtones du Canada et l’Église a pris un nouveau tournant cette année. La visite des trois délégations des Premières Nations, des Inuits et des Métis au Vatican en mars 2022, ainsi que la visite papale au Canada en juillet 2022 concrétisent une étape majeure sur la voie de la réconciliation.
Au Vatican, les trois délégations ont eu l’occasion, lors d’audiences privées distinctes, de parler au nom des milliers de survivants des systèmes des pensionnats et des mauvais traitements subis dans ces institutions gérées par les Églises
catholiques et anglicanes. Les traumatismes des survivants et les répercussions sur leurs familles ont également été abordés.
Le pape François a présenté ses excuses aux délégations le 1er avril 2022, et il a renouvelé son message lors de sa visite au Canada, où il a notamment rencontré plusieurs survivants à Iqaluit au Nunavut, lors d’une escale de quelques heures le 29 juillet 2022.
Cependant, les excuses prononcées à plusieurs occasions par le pape au nom de l’Église catholique ont engendré des réactions mitigées. Murray Sinclair, ancien commissaire en chef de la Commission de vérité et réconciliation, estime que ces excuses, somme toute importantes, sont superficielles, car elles omettent de désigner expressément le rôle joué par l’Église dans les institutions des pensionnats canadiens.
« Malgré les excuses historiques, la déclaration du Saint-Père a laissé un gouffre et a échoué à reconnaitre le rôle complet de l’Église dans le système des pensionnats, en blâmant les membres individuels de l’Église », a expliqué M. Sinclair dans une déclaration publiée sur Twitter le 26 juillet 2022.
Pour Piita Irniq, ancien homme politique du Nunavut ayant rencontré le souverain pontife lors de son escale au Nunavut, les excuses formulées ce jour-là devant 1000 personnes étaient sincères et significatives.
Lors de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation le 30 septembre dernier, la Conférence des évêques catholiques du Canada a fait part de sa prise de conscience et du rôle joué par l’Église dans les nombreux traumatismes subis par les enfants dans les pensionnats.
« Nous avons été encouragés par les rencontres de cette année entre le Saint-Père et les survivants et survivantes des pensionnats, les ainés, les gardiens et gardiennes du savoir et les jeunes au Vatican, suivies peu après par la visite pénitentielle du pape François au Canada. Nous sommes particulièrement conscients du rôle que l’Église catholique a joué dans la gestion des pensionnats indiens, ainsi que de la douleur et du traumatisme que ces derniers ont causés à des générations de familles autochtones et qui persistent encore. En particulier, nous nous souvenons des enfants qui ont enduré la douleur et la souffrance dans les pensionnats, conscients que plusieurs ne sont pas rentrés chez eux. »
L’affaire du prêtre Rivoire prend une tournure inattendue
En 1993 alors que quatre plaignants du Nunavut se manifestent et soutiennent qu’entre 1968 et 1970, le père Rivoire les avait sexuellement agressés, alors qu’ils étaient enfants. Le père Rivoire quitte alors précipitamment le Canada pour se réfugier en France. Ayant la double nationalité, il a été hébergé dans divers établissements de la communauté oblat. En mars 2022, une demande d’extradition a été faite au gouvernement français par le service des poursuites pénales, et a contribué à la relance de ce dossier judiciaire, qui était sur la glace depuis 2018. Le 13 septembre 2022, la chancellerie a refusé la demande d’extradition et a motivé sa décision par une tradition constitutionnelle : la France n’extrade pas ses ressortissants.
Aluki Kotierk, présidente de l’organisme Nunavut Tunngavik Incorporated estime que les rencontres avec la conseillère diplomatique du ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti, les Oblats et M. Rivoire sont décevantes. Selon elle, « la vérité inuite doit être entendue et les Inuits méritent justice. » (Crédit photo : NTI-Devin Blair)
Cette décision a été prise et communiquée à la délégation inuite de cinq personnes, formée par la société Nunavut Tunngavik Incorporated, en visite en France dans le cadre de cette affaire. Après avoir rencontré Vincent Gruber, supérieur de la congrégation des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée (OMI) et M. Rivoire, lors de deux rendez-vous séparés, la délégation est repartie déçue de la tournure de ce voyage. Les OMI ont par ailleurs annoncé le 8 septembre 2022 avoir mis en place une procédure canonique de renvoi à l’égard de M. Rivoire.
Lors d’un échange de courriels le 2 janvier 2023 avec l’Aquilon, Ken Thorson, membre des OMI du Canada à Ottawa, a rappelé que « les Oblats de Marie Immaculée prennent les accusations portées contre Johannes Rivoire extrêmement au sérieux et ont fait tous les efforts possibles pour coopérer avec les autorités séculières tout en continuant à se rendre disponibles pour soutenir les peuples inuits qui plaident pour la vérité, la justice, la guérison et la réconciliation ».
Johannes Rivoire doit faire face aux accusations qui ont été portées contre lui selon Ken Thorson, mais, à ce jour, la procédure de renvoi, dont le processus peut prendre plusieurs mois, est toujours en cours. Le Dicastère pour la Doctrine de la Foi, responsable de la décision finale, est une Congrégation qui sert de tribunal et juge les délits contre la foi et les délits les plus graves, commis soit contre les mœurs soit dans la célébration des sacrements.
Les victimes et membres des familles de victimes de Johannes Rivoire ont par ailleurs demandé à l’avocate du barreau de Lyon, Maitre Nadia Debbache, de déposer une plainte auprès du procureur de la République de Lyon à l’encontre des OMI. Cette plainte, qui est en cours de préparation, a pour but de dénoncer l’impunité de l’Église face à la justice selon Maitre Debbache.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie : conséquences sur la diplomatie en Arctique
Le 24 février 2022, la Russie a déclenché une opération militaire d’envergure en Ukraine. En réponse à cette invasion, le Conseil de l’Arctique a décidé de suspendre toutes ses activités et discussions. Dans un communiqué de presse du 3 mars 2022, le gouvernement du Canada ainsi que le Royaume du Danemark, les États-Unis, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède ont condamné l’invasion non provoquée de l’Ukraine par la Russie et ont souligné les graves obstacles à la coopération internationale, y compris dans l’Arctique, que soulèvent les actions de la Russie.
« Nous restons convaincus de la valeur durable du Conseil de l’Arctique pour la coopération circumpolaire et réitérons notre soutien à cette institution et à ses travaux. Nous avons une responsabilité envers les peuples de l’Arctique, y compris les peuples autochtones, qui contribuent aux importants travaux menés au sein du Conseil et en bénéficient. Les principes fondamentaux de souveraineté et d’intégrité territoriale, fondés sur le droit international, sous-tendent depuis longtemps les travaux du Conseil de l’Arctique, un forum que la Russie préside à l’heure actuelle. Compte tenu de la violation flagrante de ces principes par la Russie, nos représentants ne se rendront pas en Russie pour les réunions du Conseil de l’Arctique. »
Le Conseil de l’Arctique, principal outil de la diplomatie entre les huit états arctiques, a suspendu ses activités en mars 2022 pour une durée indéterminée, suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. (Capture d’écran)
Le même jour, le Conseil International Gwich’in a accueilli positivement cette décision et a demandé à ce que la Russie retire immédiatement ses forces armées de l’Ukraine.
« Nous sommes très préoccupés pour le peuple ukrainien, en particulier pour les peuples autochtones, en raison de l’invasion [de l’Ukraine] par la Russie. Nous sommes aux côtés de nos partenaires du monde entier pour demander la paix en Ukraine. »
À ce jour, les réunions du Conseil de l’Arctique sont toujours interrompues et le conflit en Ukraine se poursuit après plus de 320 jours de combats qui ont fait près de 7000 victimes parmi les populations d’Ukraine.
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