le Jeudi 1 mai 2025
le Jeudi 9 février 2023 13:51 | mis à jour le 20 mars 2025 10:41 Éditorial

Diversité divertissante

Diversité divertissante
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Ou « Quand l’Histoire n’est pas assez divertissante ». Peu s’en est fallu que le titre soit moins engageant.

En ce Mois de l’histoire des Noirs, les prises de paroles sur se multiplient, mettant de l’avant l’excellence noire. Il a été proposé précédemment, dans cette même section, que la notion de présence remplace celle, compétitive, de l’excellence.

Ici, il s’agit plutôt de faire état d’un triste constat : la diversité mise au service du divertissement.

En ce Mois de l’histoire des Noirs, nombreux sont ceux et celles qui cherchent, dans ce quasi-oxymore appelé « l’industrie culturelle », une œuvre thématique à découvrir, à absorber… à consommer.

C’est là que se situe le problème. Tant qu’il y aura des gens pour consommer, il y aura des gens pour en produire. La loi de l’offre et de la demande.

« Qu’est-ce qui est revendiqué ici exactement ? » demanderait-on. Tout simplement, de la décence et de l’information. De la décence venant d’en haut et de mieux s’informer en bas.

Illustrons le problème. Le film The Woman King, de Gina Prince-Bythewood, en est un exemple récent. Alors que le métrage, qui se veut historique, met en scène les Agodjiés, « amazones » du royaume Dahomey ; il occulte volontairement la traite négrière à laquelle le royaume participait. C’était même une des sources principales de leurs richesses.

La production se permet même un discours révisionniste qui prête des propos antiesclavagistes aux guerrières protagonistes.

L’Histoire est-elle Histoire quand elle est erronée ? Le résultat en est The Woman King : de la fiction, pas ou peu différente d’un Black Panther ou d’un autre film de fantaisie aucunement historique.

« Lorsque des producteurs d’Hollywood, comme Davis, décident que les faits relatifs à l’esclavage sont dispensables, ils risquent de perdre leur crédibilité », peut-on lire dans l’article d’Al Jazeera.

Si cette réflexion sonne juste, elle omet cependant une variable importante : l’industrie du divertissement – puisqu’il faut l’appeler ainsi – n’a que faire de la notion de crédibilité. La société du spectacle, comme l’appelait Guy Debord, ne s’intéresse qu’à son profit. Il s’avère simplement que ledit profit passe, depuis quelques années à présent, par étaler superficiellement une certaine responsabilité : écologique, économique, sociale, etc.

Le fétichisme de la marchandise est toujours en place, fût-ce cette marchandise un modèle d’espadrille ou un film au budget faramineux, faussement vendu comme une entreprise de décolonisation vulgarisée.