Une recherche pour optimiser les savoirs sur le petit thé du Labrador associe Inuit, Cris et universitaires.
M. Voyer souligne que l’anthropologue Caroline Hervé a apporté une contribution majeure au mode de collaboration avec les communautés jumelles de Kuujjuarapik et de Whapmagoostui, au Nunavik, fondé sur leur écoute.
Le projet de recherche consiste à identifier les meilleurs temps de l’année et les meilleurs sites géographiques pour maximiser les vertus médicinales du petit thé du Labrador, la meilleure façon également de le préparer. Autre objectif : identifier d’éventuelles interactions avec des médicaments

Le chimiste et directeur du Centre d’études nordiques, Normand Voyer, au Nunavik. (Courtoisie)
Distinctions
En Amérique Nord, on retrouve le petit thé du Labrador (Rhododendron subarcticum) au nord du 55e parallèle, de l’Alaska au Labrador, en passant par le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut. Il est beaucoup plus petit que le thé du Labrador (rhododendron groenlandicus) et que le Rhododendron tomentosum, qui, une fois l’an, sécrète des substances toxiques comme le lédol et le palustrol.
« On a identifié 53 substances dans l’huile essentielle de la plante […], mais la plus importante [60 %], c’est l’ascaridole », souligne Normand Voyer. […] L’ascaridole […] a une fonction chimique identique à ce qu’on retrouve dans l’artémisinine.
En ce moment, le meilleur médicament pour traiter la malaria. L’huile essentielle de petit thé du Labrador a « une activité antimalaria absolument incroyable », relève le chimiste.
De manière plus globale, le petit thé du Labrador a de grandes propriétés antiparasitaires. « C’est démontré scientifiquement », assure M. Voyer. Il déplore cependant l’absence de laboratoire au Canada qui soit équipé pour faire les tests nécessaires à examiner plus avant cette dimension.
Optimiser l’usage
Les vertus médicinales de la plante en partie prouvées, il reste à déterminer comment les porter à leur maximum. Les Cris, qui consomment jusqu’à deux litres de petit thé du Labrador par jour, divergent d’opinion sur le meilleur moment de l’année pour la cueillette, les parties de la plante à utiliser, et la préparation, infusion ou décoction.

Le petit thé du Labrador ne doit pas être confondu avec les variétés groenlandicus et tomentosum, qui sont de plus grande taille. (Photo : Normand Voyer)
Pour le projet, les Cris de Whapmagoostui ont cueilli durant différents mois des échantillons de Rhododendron subarcticum dont les variations de composition chimique seront étudiées pour établir le meilleur moment pour la récolte, pour identifier d’éventuels moments où il émet des composés nocifs pour se protéger des prédateurs, comme son cousin tomentosum. Les répercussions des changements climatiques sont aussi abordées.
Trois sites de récolte ont été choisis pour analyser les impacts de de l’environnement sur la composition chimique au niveau médicinal, par exemple, l’exposition au soleil, au vent.
Contribuer à la protection des plantes
Le projet de trois ans est censé se clore au printemps 2026. On vise à intégrer les jeunes des communautés, dont le désintérêt face aux médecines traditionnelles inquiète leurs ainés.

Normand Voyer (à gauche) et le doctorant Mehdi-Benjamin Quittelier. (Courtoisie)
L’an prochain, l’équipe travaillera davantage avec les Inuits. Outre M. Voyer et Caroline Hervé, en font partie le botaniste Stéphane Boudreau, spécialiste des plantes nordiques, et Jean Legault, du Centre de recherche sur la Boréalie (Québec), qui étudie les propriétés médicinales des végétaux.
« On n’a aucun intérêt financier, on a donné nos droits aux communautés », souligne Normand Voyer, qui souhaite par ailleurs sensibiliser les industries et les gouvernements à l’importance de protéger des sites de végétaux contre les projets d’infrastructures.
Actuellement, selon le directeur du Centre d’études nordiques, cet aspect est très peu pris en considération.