le Mardi 22 avril 2025
le Vendredi 26 mars 1999 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:34 Société

Dame de coeur Portrait

Dame de coeur Portrait
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Avoir le coeur à l’ouvrage, ça vous dit quelque chose? Après une rencontre avec le docteur Suzie Ouellette, cette expression prend tout son sens.

Un petit bout de femme entre d’un pas décidé dans le café. Elle m’aperçoit, s’approche et me tend une ferme poignée de main. Suzie Ouellette est obstétricienne-gynécologue, elle ne peut donc pas consacrer beaucoup de temps à l’indécision et à l’hésitation.

Plutôt loquace, elle entame la discussion le sourire aux lèvres.

«Hé que les gens sont sympathiques à Yellowknife, à chaque fois que je reviens ici, c’est ce qui m’étonne!»

Docteur Ouellette déplace de l’air. Elle gesticule et regarde droit dans les yeux lorsqu’elle converse. Une confiance inouie émane de cette femme déterminée qui a su faire sa place dans un domaine demandant rigueur, assurance et énergie.

À la demande de son ami, Denis Lessard, gynécologue en chef à l’hôpital régional Stanton, elle est venue à Yellowknife à quelques reprises depuis 1981 à titre de conseillère et remplaçante.

«Denis est mon bon ami, on a étudié ensemble alors que nous étions à l’université. Puisque nous venons de la même école, notre façon de travailler se ressemble. C’est donc facile de coopérer.»

C’est avec passion qu’elle parle de sa spécialisation en microchirurgie tubaire qui lui permet de traiter, entre autres, les patientes aux prises avec des problèmes d’infertilité. Son travail d’élite en fait la première femme au Québec à avoir obtenu cette spécialité, en 1981.

«Je dirais qu’environ 10 % des gynécologues, au Canada, ont choisi cette spécialité.»

Au caractère spécial de sa formation, il faut ajouter qu’elle était la seule femme, parmi huit garçons, à terminer en obstétrique à l’Université Laval, en 1980.

«C’est un domaine qui s’est par contre féminisé depuis les dix dernières années. Cette année, par exemple, elles sont quatorze à graduer parmi les dix-huit résidents.»

Faire sa place parmi un milieu d’hommes n’est pas toujours facile, mais pour cette femme de caractère, la contrainte des sexes n’a pas été une barrière trop difficile à franchir.

«Quand j’étudiais, il fallait que je sois trois fois meilleure que les autres pour me faire dire que j’étais bonne. Mais j’aime bien travailler avec les hommes. Ça n’a jamais été un problème pour moi parce que je suis fonceuse et j’ai mauvais caractère. S’ils rouspètent, je rouspète aussi!»

Outre d’entretenir des relations cordiales avec ses pairs, sa profession exige aussi une disponibilité continuelle. Souvent sur appel, les nuits sont donc parfois très courtes.

«Le plus difficile, ce sont les longues heures de travail. Pour ce qui est du métier en tant que tel, je n’ai jamais trouvé ça difficile. J’aime beaucoup travailler à l’urgence. Je trouve que c’est un challenge et que c’est stimulant.»

Se confiant en toute simplicité, ses yeux brillent d’enthousiasme lorsqu’elle raconte les joies que lui procure son travail d’obstétricienne.

«Souvent mes patientes me disent merci. Mais au fond, c’est moi qui les remercie de m’avoir choisie pour les suivre tout au long de leur grossesse. Une naissance, c’est tellement un beau moment dans une vie.»

Soudain, un petit rictus timide anime son visage lorsqu’on lui demande si elle-même a des enfants.

«Non, je n’ai pas d’enfants et je réponds toujours à mes patientes lorsqu’elles me posent la question «je ne voulais pas vous le dire, mais je n’ai pas eu d’enfants parce que ça fait trop mal! Et là, je ris avec elles.»

Le docteur Ouellette est une dure au coeur tendre. Elle est constamment partagée entre l’empathie et la distanciation pour se protéger, en quelque sorte, des douleurs trop profondes que peuvent provoquer la mort d’un patient.

«Il faut être empathique, mais pas trop, sinon c’est très difficile, surtout lorsqu’on perd un patient. Parfois je me dis «mais qu’est-ce que je fais ici?» et j’ai l’impression d’avoir échoué. Alors, je me dis que je ne peux pas ressusciter les gens, mais par contre, je peux essayer de leur donner une meilleure qualité de vie jusqu’à leur mort.»

Entraînée dans un tourbillon d’activités et de responsabilités professionnelles, on se demande si elle trouve un peu de temps pour se reposer et penser à elle.

«Mon truc pour me reposer c’est de lire des romans de science fiction. Ça, ça me sort complètement du monde de la médecine.»

Décidemment, la concentration n’est pas quelque chose qui effraie cette femme de carrière.

Oups! le cellulaire sonne…elle doit retourner à l’hopital.

Aurevoir, docteur Ouellette, vous aurez laissé une bonne impression!