Le 1er avril 1999, la création du Nunavut sera officialisée; dès lors, le grand territoire du nord-ouest canadien tournera une page de son histoire: de nouvelles pages blanches seront à remplir, un avenir sera à définir.
À compter du 1er avril 1999, le Nunavut volera de ses propres ailes. Devant le fait accompli, la configuration du système politique du nouveau territoire de l’ouest entrera en période de mutation. Ce à quoi ressemblera l’ouest des Territoires d’ici 10 à 15 ans laisse encore perplexe et soulève bien des questions. Chose certaine, d’ici les élections d’octobre prochain, la structure politique actuelle restera au beau fixe.
Contrairement au Nunavut, la grande majorité de la population est d’origine inuit, la démographie de l’ouest des Territoires est beaucoup moins homogène. Dans le territoire de l’ouest, 50 % de la population est d’origine non-autochtone, alors que l’autre moitié est composée de huit différentes nations autochtones: les Chipewyan, les Dogrib, les Inuvialuit, les Gwich’in, les Dénés du Dehcho et du Sahtu, les Cris et les Métis.
Cette disparité démographique est problématique puisqu’elle éloigne toute possibilité d’unité et d’identité commune entre les différentes nations qui tiennent toutes à leur culture propre.
«Cette réalité a fait en sorte que toutes les tentatives d’union ou d’association dans l’ouest ont échoué», explique un membre du Groupe d’études inuit et circompolaires (GÉTIC), André Légaré.
En juin 1991, la Commission Bourque a eu le mandat de déterminer quel type de structure gouvernementale serait adéquate pour agencer les morceaux du casse-tête géopolitique de l’ouest.
«Le type de gouvernement qui a été proposé ressemblerait à une fédération à l’intérieur d’une fédération. C’est-à-dire que le véritable pouvoir politique serait remis aux municipalités et aux communautés. Ce sont elles qui géreraient la justice, la santé, l’éducation et les services sociaux comme bon leur semble», indique M. Légaré. Le gouvernement territorial n’aurait alors qu’un rôle superficiel, celui de définir des normes.
«Évidemment, ce type de gouvernement ne prendra pas place du jour au lendemain, et ce n’est que d’ici 15 à 20 ans que nous verrons peut-être l’aboutissement des négociations présentement en cours», ajoute M. Légaré.
Avant d’en arriver là!
Avant d’en arriver là, deux choses sont à considérer. Chaque nation autochtone doit d’abord régler ses revendications territoriales pour ensuite pouvoir négocier son autonomie gouvernementale.
Le but d’une revendication territoriale est de clarifier la propriété du terrain pour ensuite définir les normes de gestion des ressources non renouvelables. À ce niveau, les discussions se font entre les nations autochtones et le gouvernement fédéral puisque ce sont les terres appartenant à la Couronne qui sont en jeu. Dans la majorité des cas, la découverte de ressources non renouvelables pousse les nations autochtones à revendiquer leur droit sur les terres puisqu’un intérêt économique se trouve en bout de ligne.
À l’heure actuelle, seuls les Inuvialuit, les Gwich’in et les Dénés et Métis du Sahtu, ont signé une entente de revendication territoriale. Ils en sont donc à la phase deux, soit à la négociation de leur autonomie gouvernementale qui leur permettra de contrôler les différents programmes politiques. Si les négociations vont bon train, ce sont les Inuvialuit et les Gwich’in ou les Dogrib qui devraient incarner, d’ici un ou deux ans, le premier exemple de gouvernement autochtone pleinement autonome, à l’ouest des Territoires. Puis les Inuvialuit et les Gwich’in devraient suivre en mars 2001.
Évidemment, l’établissement d’une telle structure gouvernementale cause des remous à l’intérieur des gouvernements. D’une part, le fédéral entrevoit les coûts substantiels reliés à une telle décentralisation du pouvoir politique et, d’autre part, le gouvernement territorial n’est peut-être pas prêt à s’en tenir à un rôle plus modeste.