le Samedi 19 avril 2025
le Vendredi 12 mars 1999 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:34 Économie

Rêves de fortune L’industrie minière au Nunavut
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Rêves de fortune L’industrie minière au Nunavut
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«Montre-moi la vie dans le désert, dit l’Alchimiste. Seul celui qui peut y trouver la vie peut aussi y découvrir des trésors.» Paulo Coehlo.

Avec un territoire couvrant près de 2 millions de kilomètres carrés, la superficie du Nunavut représentera approximativement un cinquième de la surface du territoire canadien. De plus en plus souvent, des organismes comme la Corporation Tunngavik du Nunavut ou les associations qui gèrent le processus de mise en oeuvre de l’accord sur les revendications territoriales au niveau des trois grandes régions du Nunavut invitent les compagnies de prospection et d’exploitation minière a entreprendre des projets au sein du nouveau Territoire. Sa superficie, son potentiel, deviennent de véritables slogans: Le Nunavut «est ouvert aux affaires».

Une enquête menée auprès d’un échantillon d’intervenants du secteur minier par Laura Jones, directrice des études environnementales de l’Institut Fraser, a été récemment publiée dans le journal Canadian Miner. Selon cette enquête, les territoires du Nord-Ouest constituent la région perçue comme possédant le meilleur potentiel minéral sur l’ensemble du territoire canadien.

Comme nous l’avons vu dans notre précédent article, des projets majeurs de développement sont déjà en cours dans la région du Keewatin.

Dans la région du Kitikmeot, des projets d’exploitation aurifère comme ceux de la Baie de Hope, de Boston, ou encore celui du lac George s’avèrent également prometteurs. On y retrouve des dépôts d’or qui s’apparentent à celui de la mine Lupin qui a produit environ 100 tonnes d’or depuis son ouverture en 1983.

Mais de nos jours, ce n’est pas tout d’avoir des roches dans le sous-sol, encore faut-il qu’il soit rentable de les extraire. L’an dernier, la mine Lupin a été fermée en raison de sa trop faible rentabilité. Sa fermeture a d’ailleurs provoqué des craintes quant a la viabilité des nouveaux projets d’exploitation minière au Nunavut.

Au Nunavut comme aux TNO ce ne sont pourtant pas les taxes qui effraient les investisseurs : selon l’Institut Fraser, aucune des personnes consultées n’a retenu ce point comme constituant un facteur négatif pour l’exploitation minière aux TNO. Les principaux facteurs tendant à décourager les intervenants seraient pour l’ensemble des TNO l’incertitude quant aux revendications territoriales, aux zones protégées, ainsi que le manque d’infrastructures.

Cependant, depuis, les institutions gouvernementales et para-gouvernementales se sont attelées à développer des incitatifs afin de promouvoir les activités du secteur minier: développement de bases de données mises à la disposition des entreprises, sensibilisation de la population, et même réalisation de méga-projets destinés a l’établissement d’infrastructures bâties sur mesure en partenariat avec des groupements d’entreprises.

La mine Lupin devrait reprendre ses activités une fois que le plan de développement destiné à supporter le développement minier dans la région du Kitikmeot sera plus avancé. Échelonné sur plusieurs années, compte tenu de son ampleur, ce plan bénéficiera également aux autres projets de la région.

La construction d’une nouvelle route reliant les sites de Lupin, d’Izok, du Lac George, de Fry Inlet, de BHP et de Diavik devrait permettre de réduire considérablement le coût d’exploitation des mines. La construction d’un port dans la communauté voisine de Bathurst Inlet devrait venir compléter le tableau.

L’ensemble de ces travaux aura d’importantes répercussions sur la région. On parle notamment de la création de près de 1000 emplois temporaires. On estime d’ores et déjà que quelque 400 000 tonnes de concentré de minerai seront chargées chaque année sur les navires qui entreront au port.

Évidemment, ceux-ci n’arriveront pas à Bathurst Inlet les cales vides. Ils permettront en même temps de ravitailler les mines avec les aliments dont elles sont le plus friandes : du carburant, et du nitrate d’ammonium. Au total, on estime voir rentrer de 130 à 200 millions de litres de carburant par an, ainsi que 15 à 25 mille tonnes de nitrate d’ammonium. De plus, un port permettra d’assurer aux communautés un ravitaillement par bateau, moins onéreux que l’avion, ce qui devrait faire baisser le coût de la vie.

Dans les semaines qui viennent se tiendra à Iqaluit le Symposium minier du Nunavut qui réunira compagnies de prospection, d’exploitation, et intervenants des milieux gouvernementaux. Ce symposium permettra de poursuivre l’établissement des liens entre les secteurs privé et public. La politique à l’égard du développement minier du Nunavut devrait se dessiner lors de cette rencontre.

Pendant ce temps, le public ne semble pas particulièrement préoccupé par les questions environnementales. Dans les communautés, ce ne sont pas des groupes de protection de l’environnement qui voient le jour, mais des associations de prospecteurs indépendants.

À l’heure où, aussi farfelu que cela puisse paraître, on parle au sud d’exploiter les ressources minérales de la lune, le gouvernement du Nunavut devra, pour sa part, éviter de tomber dans un modèle de développement économique à court terme et à tout prix.