Havre de paix, la petite communauté de Kimmirut n’est située qu’à quelques battements d’ailes de la future capitale du Nunavut. On s’y rend depuis Iqaluit en moins d’une heure dans un petit bimoteur jaune, mais on peut également faire le trajet en motoneige, en ski ou à pied.
Si l’on est un adepte du canot, on peut même, en été bien sûr, se faire déposer en avion à mi- chemin du trajet avec son matériel. Une « piste d’atterrissage » improvisée par dame nature permet en effet d’atterrir a proximité de la rivière Soper, qui, si l’on sait lui parler, peut nous porter sur son dos jusque Kimmirut. Au détour d’une incursion dans les terres bordant la rivière, le promeneur aura peut-être la chance d’observer des minéraux comme des lapis qui effleurent la surface du sol, des formations de mica aux formes étonnantes, et encore bien d’autres variétés de roches aux coloris spectaculaires. Au creux d’une vallée, on trouve même, phénomène unique dans la région, des arbres qui ont su trouver une niche pour croître tranquillement.
Selon Robert Jaffray, agent de développement économique à Kimmirut, et responsable du parc, l’idée de faire de cette zone privilégiée un parc territorial a fait son chemin depuis le début des années 1980, lorsqu’un groupe impliqué dans le développement touristique au Nunavut a été séduit par la région. Des consultations s’en sont suivies au niveau du gouvernement territorial et des habitants de Kimmirut pour qui cette zone représente un véritable patrimoine historique. La rivière Soper et sa vallée constituent en effet, en plus d’une zone de chasse au caribou, une route fort ancienne que les Inuit ont emprunté depuis des générations pour se rendre dans les environs du lac Amadjuak situé au nord-ouest de Kimmirut. Le même chemin était emprunté pour se rendre dans la baie d’Iqaluit, ou même jusqu’à Pangnirtung.
En 1992, le parc prend son envol. Dans les deux années qui suivent, des installations sont construites, et en 1997, un centre d’interprétation situé à Kimmirut vient compléter les installations nécessaires à la mise sur pied du parc.
À ses débuts, l’option du parc avait séduit les habitants qui entrevoyaient la possibilité d’un développement économique lié au potentiel touristique.
En même temps, c’était un moyen d’assurer la préservation de ce territoire ancestral sans pour autant en perdre le droit d’usage.
Mais c’était compter sans la visite à Kimmirut d’équipes de l’Étude Géologique du Canada (EGC) qui, entre 1995 et 1997, ont effectué une étude complète de la région sud de Baffin. Selon Robert Jaffray, « cela a crée beaucoup d’intérêt, en particulier avec les dépôts de nickel qui ont été découverts dans le Nord québécois, puisque les gens de l’EGC pensent que la géomorphologie d’ici est similaire. Beaucoup d’activités d’exploration ont été menées dans la région par des compagnies d’exploitation. Tout cela a changé la perception des gens à Kimmirut. Maintenant il ne s’agit plus seulement d’une jolie vallée mais d’une jolie vallée avec beaucoup de potentiel sur le plan minier. »
Au moment où l’établissement du parc a commencé à s’actualiser, en 1992, une nouvelle clause a été ajoutée à l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Celle ci stipule que si le parc Kattannilik n’est pas établi au moment de la ratification de l’Accord, les Inuit ont un droit de resélectionner le terrain, de le reprendre. Or, six mois plus tard, l’Accord était ratifié, délai bien trop court pour que le parc possède la moindre chance d’être ratifié par l’assemblée.
Négligence ou imbroglio administratif, toujours est-il qu’aujourd’hui, l’Association Inuit Qikiqtani (QIA) envisage d’utiliser cette faille qui permet aux Inuit, s’ils le souhaitent, d’exclure du parc jusqu’à la moitié des terres qui le composent.
«Actuellement nous ne connaissons pas la position de QIA; nous savons qu’ils supportent des projets, mais la partie de cartes se joue très serrée. Nous ne savons même pas s’ils veulent le tout ou une partie du parc, ni s’il en veulent un morceau,et si oui, lequel.», nous à déclaré en entrevue à Kimmirut R. Jaffray.
Pour David Kunnuk, du département des terres et des ressources à Q.I.A, il s’agit de respecter la volonté des habitants de Kimmirut et de les informer pleinement. Dans les semaines qui viennent, celui-ci se rendra à Kimmirut accompagné de deux géologues afin d’expliquer aux habitants quelles sont les réelles ressources et potentiels géologiques de la réserve Katannilik, ce qui leur permettra de prendre une décision en toute connaissance de cause. D’ici là, QIA ne souhaite pas divulguer d’information sur ce qu’il y a dans la réserve.