le Samedi 19 avril 2025
le Jeudi 17 avril 2025 13:06 Économie

Un train pour Hay River

Ancienne société d’État, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada a été privatisée en 1995. — Courtoisie
Ancienne société d’État, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada a été privatisée en 1995.
Courtoisie
L’Association des collectivités des Territoires du Nord-Ouest appuie le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest dans sa démarche de règlement de différend face au CN à l’Office des Transports du Canada.
Un train pour Hay River
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« Ils devraient être obligés de la réparer, affirme la directrice générale de l’Association des collectivités des Territoires du Nord-Ouest (ACTNO) , Sara Brown, qui remarque que l’entreprise ferroviaire essaie d’abandonner des trajets les moins profitables.

Le CN   a affirmé que reconstruire la voie ferrée reliant la collectivité d’Enterprise à Hay River n’était pas dans ses priorités d’investissement, qu’une partie de sa clientèle s’est adaptée au nouveau trajet,  et qu’il a été incapable de trouver un partenaire pour partager les couts de reconstruction des 35 000 traverses et plus de 16 kilomètres de rail d’acier, détruits lors des feux de forêt de 2023.

« Ils veulent que ce soit le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest qui paye », avance Sara Brown.

Ni le GTNO ni le CN n’ont révélé à Médias ténois la somme nécessaire pour rétablir ce lien vital pour le transit de carburant et marchandises au port de Hay River, d’où il était acheminé par barges dans les communautés. En 2023, le CN a reconstruit un segment d’une même longueur au sud d’Enterprise.

 

Demandes multiples

L’Association des Transports a fait parvenir à l’Office des transports du Canada (OTC) le 14 avril une lettre appuyant la demande de règlement de différend du GTNO. 

« Les collectivités des Territoires du Nord-Ouest ont récemment expérimenté de première main la colère des changements climatiques et les effets des désastres naturels sur la sécurité de leur population, écrit Sara Brown. En 2023, 70 % de la population des TNO a été évacuée à travers un système routier congestionné. Avec la suppression du lien avec Hay River, le CN contribue directement à augmenter les émissions [de carbone] liées au transport et accentue la dégradation des infrastructures routières. En tant que fournisseur critique pour le Nord et entité nationale corporative qui se targue de sa préoccupation pour l’environnement, la sécurité et les communautés, nous vous recommandons vivement de restaurer le service de voie ferrée à Hay River aussi tôt que possible. »

Le chef du gouvernement de Deline, Danny Gaudet, les maires de Hay River et Norman Wells, Kandis Jameson et Frank Pope, ont aussi appuyé le GTNO dans des lettres à l’OTC. « Je soutiens pleinement le GTNO [dans ce dossier]. J’enverrai une lettre qui exprime cette position », précise le chef de la Nation métisse des Territoires du Nord-Ouest, Garry Bailey.

La demande du GTNO se base sur les sections 113 et 115 de la Loi sur les transports au Canada. L’OTC est un tribunal quasi judiciaire indépendant et un organisme de règlementation économique; dans sa décision exécutoire, qui devrait être rendue vers juillet, il doit décider si la compagnie des chemins de fer doit compenser les parties prenantes ou reprendre le service, ou s’il est exempt de toute responsabilité. 

Le GTNO demande au CN de reconnaitre les répercussions néfastes de son immobilisme sur le Nord et de prendre des mesures dans les plus brefs délais pour rétablir cette infrastructure essentielle.

— Vince McKay, ministre de l’Infrastructures des TNO

Un immobilisme vertement dénoncé

Le ministre de l’Infrastructure des TNO, Vince McKay a fait une déclaration sans détours le 7 avril dernier lorsqu’il a annoncé porter la cause au tribunal des transports. 

 « […] Le CN est une société multimilliardaire disposant de ressources financières considérables, a fait savoir le ministre par voie de communiqué. Le cout estimé des réparations à la section endommagée de la voie ferrée en question est négligeable comparé aux revenus du CN. Il est particulièrement inquiétant qu’une société de cette taille, dont les ressources sont conséquentes, ait choisi d’esquiver ses responsabilités. […] Le GTNO demande au CN de reconnaitre les répercussions néfastes de son immobilisme sur le Nord et de prendre des mesures dans les plus brefs délais pour rétablir cette infrastructure essentielle. »

 « Soyons clairs : cette affaire ne se résume pas à une simple voie ferrée endommagée; il s’agit de protéger les moyens de subsistance de la population ténoise. L’abandon de cette infrastructure essentielle par le CN constitue un manquement aux responsabilités de la société et vient contredire les principes mêmes de la réconciliation et du respect envers lesquels elle s’est engagée publiquement dans sa Politique guidant ses relations avec les Autochtones. »

L’ancienne société d’État rendait public fin 2024 son Plan d’action du CN pour la réconciliation avec les peuples autochtones 2025-2027. Un des cinq piliers identifiés est la réconciliation économique.

Appelé à commenter la situation, le CN a déclaré avoir communiqué sa décision d’entamer le processus de cessation de sa ligne entre Enterprise et Hay River à toutes les parties prenantes le 23 mai 2024, et que l’entreprise ne fera aucun autre commentaire pour le moment étant donné que ce dossier est devant l’Office des transports du Canada.

 

Plus rapide, sécuritaire et économique

Dans un affidavit faisant partie du dossier devant l’OTC, le directeur des Services de transport maritime au GTNO, Terry Camsell, fait valoir que la voie ferrée est essentielle pour un transport de carburant réussi, fiable et économique aux communautés. Il ajoute qu’il est moins dispendieux que le transport routier et que son empreinte carbone est plus modeste et offre une redondance sécuritaire en cas de problème routier. 

Le directeur des services du carburant au ministère de l’Infrastructure, Lorne Browne, rappelle que la majeure partie des 22 à 24 millions de litres de carburant livrés annuellement dans 10 collectivités des TNO étaient auparavant  transbordés de la voie ferrée à une barge à Hay River.

Le transport par camion d’Enterprise au port de Hay River, explique M. Browne, est plus long et augmente les risques d’accidents routiers et environnementaux.