Les trois sculpteurs Bill Nasogualuak, capitaine, Annemieke Mulders et Yan St-Onge ont participé au Carnaval de Québec dans le cadre de l’International de sculptures sur neige, volet canadien, une rencontre d’artistes qui a regroupé au total 50 sculpteurs. Le trio des TNO s’est mis à l’¦uvre dès 9 h, le vendredi 29 janvier, pour s’attaquer à un des blocs de neige de 8’x 8’x10′ réservé à chacune des équipes.
Dès le départ, l’esquisse préalable a dû être modifiée en raison de la texture granuleuse de la neige qui laissait présager des contraintes techniques. Le temps doux des derniers jours suivi d’un refroidissement soudain a laissé une neige contenant de petits morceaux de glace qui risquaient de se détacher lors du travail d’équarissage et d’emporter des parties plus fragiles de la sculpture non munies de soutien.
Selon le dessin original, l’¦uvre à sculpter était formée d’une énorme main d’environ 9 pieds de hauteur surmontée d’un moustique non moins imposant; une cigarette entre l’index et le majeur venait consolider la masse de neige en grande partie fragilisée parce qu’évidée pour façonner les doigts dont l’un, l’annulaire, portait une alliance. L’idée de combiner ces trois éléments sur la main était à la fois technique et humoristique. Elle illustrait un savoir-faire pour l’équilibre des formes qui haussait l’indice de difficulté et augmentait les chances d’obtenir une première place. Côté humoristique, elle livrait un clin d’¦il aux juges et aux visiteurs: la cigarette, le maringouin et l’alliance, se faisaient une vive concurrence de sorte que la pièce s’intitulait : Lequel vous fera mourir le premier? . On n’ose imaginer, après coup, la valse-hésitation qui se serait mise en place auprès des juges et des visiteurs pour solutionner ce dilemme!
Devant l’évidence de contraintes techniques dues à ce que nos ingénieurs nomment «la mécanique des neiges », nos trois sculpteurs n’ont pas perdu leur sens de l’humour. Une cannette d’aérosol est venue faire contrepoids à la main, soulagée cette fois de son alliance, mais toujours attaquée par un moustique au nom bien connu; un des doigts venait s’appuyer – avec ferveur- sur le gicleur. Ainsi est née, au tout dernier moment, la nouvelle sculpture représentant les Territoires du Nord-Ouest et intitulée Môdits maringouins.
Outre le fait, que l’histoire a quelque chose d’amusant, une telle aventure – voire mésaventure – montre l’importance de la matière à travailler, de l’équilibre entre les masses et des conditions climatiques; autant d’expertises qui s’ajoutent à l’esprit créateur et au talent des artistes. Quand on dit que la sculpture sur neige est un art, c’est de cette capacité de maîtriser tous ces savoirs et savoir-faire dont on parle.
Au plan du déroulement de l’activité, les sculpteurs avaient 48 heures pour exécuter leur pièce, ce qui incluait un sprint de nuit malicieusement appelé par les organisateurs du Carnaval « La nuit des longs couteaux ».
Vers 1 h 30 du matin, l’aire de travail de l’équipe des TNO était déserte, chacun des membres étant reparti faire le plein d’énergie. À peine deux heures plus tard, la place était redevenue un vrai chantier. L’énorme main était dégrossie, la cannette presque terminée; seule la bestiole en était encore à l’état embryonnaire. À neuf heures du matin, à l’arrivée des juges, un des Môdits maringouins trônait sur une main élégamment sculptée, aérosol en appui. Vers 10 heures, après le passage des juges, un Franco-ténois qui n’était nul autre que Pierre Lepage accueillait le public devant l’oeuvre terminée au petit matin. Retenu à Vancouver, il s’était présenté peu après l’ouverture du concours et s’était vu interdire tout travail sur la pièce; une grande frustration pour un gars qui participe à cette activité carnavalesque depuis 5 ans. Pour la circonstance, il a donc troqué son talent de sculpteur pour celui de conseiller en gestion du temps, parce que là réside l’ultime contrainte : le concours de sculpture sur neige est aussi une véritable course contre la montre.
Le choix des juges divulgué en après-midi s’est finalement porté, côté volet canadien, sur l’oeuvre The Guardians exécutée par l’équipe de la Nouvelle-Écosse. La mention du public est par ailleurs allée à l’équipe du Nouveau-Brunswick pour la sculpture intitulée Carnaval de Québec, mon soleil d’hiver.
Cependant, l’¦uvre des sculpteurs des TNO demeure une de celles qui a retenu l’attention du plus grand nombre de visiteurs qui se reconnaissaient tous dans ce geste familier. C’était un véritable plaisir de voir jeunes et adultes défiler devant l’énorme main et de réaffirmer les uns après les autres Ah! les môôôdits maringouins.
Comme quoi le succès ne tient pas toujours à un premier prix! L’important, soulignait à ce propos Yan St-Onge, un des sculpteurs, est de participer à cette vaste rencontre d’artistes-sculpteurs. Pour Pierre Lepage, l’essentiel, comme il le disait lui-même, est d’assurer la présence «de la région la plus enneigée du pays».
De mon côté l’important, après avoir fait ce compte-rendu de l’excellent travail de l’équipe des TNO, est de tenter de comprendre pourquoi diable, par un froid pareil qui nous givrait sur place, les participants des TNO n’ont cessé de louanger notre température de printemps!