Quelle est votre stratégie concrète et immédiate pour bien loger la population ténoise ?
Un aspect fondamental de toute politique de financement fédéral doit inclure la formation d’une main-d’œuvre locale dans les métiers spécialisés : électriciens, charpentiers, plombiers, techniciens en chauffage, etc. Quand des annonces de financement sont faites pour le logement, il faut aussi investir dans les compétences locales. Tout le monde n’a pas envie de quitter sa communauté pour suivre une formation – parfois à cause du choc culturel ou pour des raisons familiales. Ce serait pertinent de cibler les régions et d’adapter l’offre aux jeunes, disons de 19 à 25 ans. Il y a une vraie opportunité de les certifier. Trop souvent, les annonces fédérales se traduisent par la livraison de maisons modulaires, mais sans réel impact sur la croissance socioéconomique ni sur la pénurie de logements.
Quelles actions concrètes comptez-vous prendre pour faire respecter les droits linguistiques des Franco-Ténois, tant dans les services fédéraux que dans l’appui aux organismes communautaires?
Il faut reconnaitre qu’il y a 11 langues officielles aux TNO, et le français en fait partie. Chaque groupe linguistique doit pouvoir avoir accès au financement fédéral et déterminer comment le déployer selon ses propres besoins. Ce sont les communautés elles-mêmes qui savent quels programmes offrir, en particulier pour les enfants. Le Canada est un pays bilingue et c’est essentiel que cette représentation soit visible ici, aux TNO. C’est un territoire unique, diversifié, où vivent 42 000 personnes – moitié Autochtones, moitié non-Autochtones. Nous croyons au partenariat, au partage des ressources et à la collaboration. Il n’y a aucune raison pour que tout le monde ne puisse pas prospérer ensemble ici, et les financements devraient refléter cette diversité.
Comment votre propre expérience – personnelle, professionnelle ou communautaire – vous a-t-elle préparé à comprendre et défendre les intérêts d’un territoire aussi vaste, diversifié et unique que les Territoires du Nord-Ouest?
J’ai grandi à Behchokǫ̀, dans la région tłı̨chǫ, dans une culture très ancrée. Dans les années 1990 et 2000, il y avait encore beaucoup d’ainés, et on nous transmettait très tôt l’importance de la langue et de la culture. Je crois profondément qu’il faut être « fort comme deux personnes » : fort dans son identité et sa culture, mais aussi dans les systèmes occidentaux. J’ai 14 ans d’expérience au gouvernement des TNO, dont 10 ans comme agent de recherche sur les ressources renouvelables, un an et demi en petite enfance, un an et demi au secrétariat du conseil de gestion, et encore une autre année dans l’environnement et les changements climatiques. J’ai aussi suivi quatre années d’études postsecondaires. Je connais les 33 collectivités du territoire, leurs langues officielles, les revendications territoriales. Chaque collectivité a ses besoins propres, mais nous partageons des enjeux communs : infrastructures, santé, logement, bienêtre social, et la souveraineté. Toutes ces voix doivent être connectées.
Quelles sont les intentions concrètes de votre parti pour le Nord canadien, et plus particulièrement pour les Territoires du Nord-Ouest?
Je plaide pour une « plateforme nordique » concrète. Il faut des investissements structurants dans chaque collectivité : traitement des eaux, routes, ponts, écoles. Ce sont des leviers économiques essentiels. Il faut aussi plus de professionnels de la santé. Actuellement, beaucoup de patients sont envoyés en Alberta, faute de services sur place. Ce n’est pas la faute du gouvernement territorial : il faut revoir les politiques fédérales et les transferts financiers. Un autre aspect crucial, c’est le bienêtre social et la guérison. De nombreuses communautés veulent combiner approches culturelles et occidentales dans leurs centres de guérison en milieu naturel. Mais après le traitement, beaucoup de gens retournent dans des conditions précaires – sans logement, à la rue ou en surpeuplement – ce qui les pousse à rechuter. Le logement est donc intimement lié à la dépendance et au bienêtre. Il faut agir sur ces causes profondes et cesser de considérer l’itinérance comme un problème isolé.