L’hiver n’est pas très turbulent à Iqaluit en ce moment, les blizzards sont rares et l’activité politique n’est pas des plus dynamiques : tout semble calme, le calme froid, celui qui annonce les plus vigoureuses tempêtes je crois. S’il n’y a pas d’agitation majeure, tous les candidats désirant intégrer le futur gouvernement travaillent pourtant laborieusement; ils sont discrets mais présents. On les croise dans les endroits publics, distribuant sourires et poignées de mains stratégiques.
Quelques affiches accolées, quelques macarons que l’on surprend à circuler, mais pas de manifestations trop musclées comme celles du Sud auxquelles nous sommes habitués. Il faut dire que c’est une première et que la discrétion, celle qui permet, au moment opportun, le puissant effet de surprise, est une arme que plusieurs doivent considérer…
Afin de provoquer les candidats à se dévoiler, à s’engager un brin, voilà que je me suis mis à les pister, à leur poser quelques questions et je les ai invité à discourir avec les francophones d’Iqaluit afin que nous puissions nous bâtir une opinion un peu plus précise de leur personne et de leurs intentions politiques. Au cours des semaines qu’il reste avant la date du 15 février, je vous présenterai quelques portraits de ces candidats qui auront bien voulus se prêter au jeu de l’interview. Au total, on compte neufs aspirants : (Iqaluit Centre) Lynda Gunn, Johnny Nowdlac, Bill Strickland et Hunter Akat Tootoo ; (Iqaluit Est) Natsiq Kango et Edward Picco ; (Iqaluit Ouest) Ben S. Ell, Paul Okalik et Matthew Spence.
Matthew Spence : pas de critique sans participation
Né à Québec, Matthew Spence arrive dans le Nord très jeune, suivant la famille à Yellowknife. En 1988, il emménage à Iqaluit où il devient reporter au Nanatsiaq News, journal dont il deviendra l’éditeur trois ans plus tard. Il pratiqua le journalisme jusqu’en 1996 alors qu’il constate que les choses ne semblent pas bouger dans la municipalité.
Ses éditoriaux trouvent échos, mais les élus, trop rarement à son goût, se mettent au boulot. Il s’engage dès lors au Centre de développement des affaires de Baffin dont il devint le coordonnateur principal. Il s’est de plus investit dans différents comités telles les chambres de commerces d’Iqaluit et de Baffin ainsi que quelques autres organismes ayant comme mission la création d’emplois et la mise sur pied de différents plans d’aménagements urbains.
Sa vision politique, stimulée par une mère qui lui a longtemps répété que sans participation à la vie de la communauté il n’est pas permis de critiquer, est basée sur l’appui aux municipalités et le développement des secteurs commerciaux qui ne sont pas directement ou indirectement liés au secteur gouvernemental : «Il y a beaucoup d’argent qui est versé au Nunavut, mais ces sommes coûtent trop cher à gérer dans le secteur public», m’a-t-il déclaré.
Selon Spence, l’idée de mettre sur pied un gouvernement décentralisé, en ouvrant des bureaux satellites dans les différentes communautés, n’est pas une bonne idée : «Il faut plutôt aider les municipalités qui sont déjà en place, ne pas recréer des infrastructures et des emplois qui existent déjà et qui empêcheront d’investir dans de nouveaux secteurs économiques tel le tourisme».
En ce qui concerne la diversité ethnique d’Iqaluit, l’homme croit qu’elle est une force et reconnaît aux francophones des besoins en matière d’éducation, profitant de cette parenthèse pour saluer le dynamisme des résidants de langue française dans la future capitale. Et puis en ce qui concerne les programmes sociaux ? Spence croit qu’il faut diriger l’argent vers des créneaux qui donnent du retour, comme l’éducation par exemple.
Le souhait, l’idéal que le jeune candidat poursuit en ce qui concerne la capitale : «Participer à créer un endroit confortable, sécuritaire et joyeux !».
Motivé à participer à création d’un nouveau territoire, Spence propose un programme sans ambition mégalomaniaque que certains trouveront peut-être un peu simple mais, souvent, l’histoire, celle de tous les peuples et celle que nous poursuivons tout un chacun, enseigne qu’il faut parfois savoir prendre la simplicité au sérieux.