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le Vendredi 23 janvier 1998 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:35 Culture

Célébrations de la culture et de la langue inuit Retour du soleil

Célébrations de la culture et de la langue inuit Retour du soleil
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Exténués par plus d’un mois de noirceur quasi totale, les Iglulingmiut ont célébré samedi, le 10 janvier, le retour du soleil. Ce dernier a réapparu pour la première fois cette année le 14 janvier, pendant une dizaine de minutes vers 12h00. Cet événement ouvre non seulement la nouvelle année dans le calendrier traditionnel des Inuit d’Igloolik, mais symbolise également la naissance d’une nouvelle lumière et le retour de la vie.

Le retour théorique du soleil au-dessus de l’horizon est toutefois prévu pour le 18 janvier, en ne tenant pas compte des effets de distorsion causés par le phénomène de la réfraction. Ce dernier phénomène, quoi que difficile à prévoir avec justesse, peut causer une variation de l’ordre de 10 pour cent des objets apparaîssant à l’horizon et en dessous. On peut alors estimer une variation d’environ 5 jours avant le retour théorique du soleil.

Les célébrations du retour de la lumière existent depuis très longtemps chez les Inuit. La tradition se perpétue toujours à Igloolik après tauvijjuaq, « la période de la grande noirceur ». Les humains et les animaux sortent alors de la pénombre, espèrant le retour du gibier et des journées plus chaudes… C’est comme si la vie avait été pour un moment suspendue dans le temps, en danger de ne pas se renouveler… Le retour du soleil annonce une sorte de victoire de la lumière et de la vie.

Les célébrations sont une initiative de la société des anciens d’Igloolik, c’est-à-dire des inullariit, « les vrais Inuit » qui ont vécu la vie traditionnelle. Ils sont par ailleurs très actifs dans la sauvegarde de la culture et de la langue inuit.

Toute la communauté était présente lors des cérémonies qui se sont déroulées au gymnase de l’école élémentaire. Les gens en ont profité pour renouveler leurs liens avec le passé. C’est ainsi que quelques aînés se sont presentés à l’avant-scène et racontaient une petite histoire ou expliquaient les anciennes façons de faire…

Par exemple, Seporah Inuksuk expliquait que le qulliq, lampe à l’huile traditionnelle, était la seule source de lumière qu’ils avaient. Ils s’en servaient pour s’éclairer, chauffer l’iglou ou la tente, cuire la nourriture et sècher les peaux pour confectionner des vêtements.

Nathan Qamaniq racontait à son tour que le sakku, une tête de harpon, nécessitait à l’époque que les chasseurs s’approchent de l’animal pour l’attraper, exactement comme le font les ours polaires pour se nourrir. L’arrivée des armes à feux épargne désormais aux chasseurs de recevoir des blessures souvent mortelles.

Voilà quelques années, le regreté Noah Piugattuuk raconta comment il fallait avoir du courage et du sang froid pour chasser un ours. N’ayant même pas l’option de s’enfuir à toute vitesse, le chasseur devait plutôt attendre et se préparer à harponner l’ours fonçant à toute allure sur lui. Observant avec précaution avec quelle patte l’ours l’attaquera, au moment même où il peut sentir son souffle sur son visage, le chasseur se retire précitemment sur le coté de l’animal et le harponne fatalement. Il n’est pas question de manquer son coup !

Les cérémonies se sont ensuite poursuivies avec l’extinction des lampes à l’huile par des enfants. Ce geste symbolise la grande noirceur. On rallume alors le qulliq avec une nouvelle flame, marquant ainsi la nouvelle lumière du soleil.

Par la suite, des aînées ont montré comment elles jouaient pour inciter le soleil à monter plus vite dans le ciel, en jonglant avec deux balles et en chantant un ajajaa, chant inuit.

Des jeunes filles ont également fait des prestations de kattajjait , « chants de gorge ».

Les aînés ont par la suite chanté plusieurs ajajaa sur lesquels plusieurs hommes ont dansé en jouant du tambour.

Désormais une tradition chez les Inuit, quatre couples ont également effectué une danse carrée, baggage culturel qui leur fut légué par les baleiniers du 19e siècle.

Les célébrations se sont terminées avec une parade de mode de vêtements inuit traditionnels en peau de caribou et de phoque ainsi qu’en tissu moderne.

Le retour du soleil est un évènement très important pour les Inuit. C’est un moment pour se souvenir du passé, réaffirmer leur identité collective et, avec l’arrivée de la nouvelle lumière, un pont vers l’avenir…