Sans doute pour souligner la semaine de la francophonie au Manitoba, la ministre de l’Education a envoyé une lettre dans toutes les écoles de la province pour rappeler aux administrations scolaires l’obligation prescrite par la loi de faire chanter aux étudiant(e)s le God Save the Quenn à tous les jours… Le premier ministre Gary Filmon a même défendu le geste de sa ministre avec une profonde conviction à l’assemblée législative manitobaine…
Le principal problème du Canada anglais c’est d’être pas très différent des américains. Comme dirait l’autre, si tu as la couleur d’un canard, que tu marches comme un canard, que tu danses même comme un canard et que tu fais coin, coin en plus, c’est que t’es probablement un canard! Amusez vous à regarder la télévision canadienne en anglais, presque toute la programmation provient des États-Unis, sans parler du cinéma en salle ou encore de la musique populaire qui tourne à la radio.
Au Canada, on ne gommera pas la tête de la reine sur les billets de banque. Parce qu’il n’y a rien en dessous. La croûte identitaire canadienne est très mince. C’est pour ça que les députés du Reform Party arborent leur drapeau canadien à la Chambre des Communes. Pour ne pas oublier leur identité canadienne.
L’autre bout de clôture qui retient l’âme canadienne anglaise, c’est l’interminable visite chez le dentiste qu’a promis Jacques Parizeau au ROC (Rest of Canada). Paradoxalement la volonté d’indépendance du Québec attise l’unité canadienne. C’est la planche de salut d’un pays anxieux qui aimerait tellement mieux exister que pour le profit et les jobs.
Les francophones sont dans un tout autre bateau. Ils se différencient sans peine à cause de leur langue et de leur culture. La différence est claire. Les émissions à succès produites au Québec ramassent 3 ou 4 millions de téléspectateurs. Presque tous les francophones regardent. Contrairement aux stations anglophones, près de 50% de la programmation télévisée francophone est produite au Québec.
Les francophones du Canada tiennent en quelque part dans leur froc la clé identitaire du pays. Sans trop le savoir! Personne ne veut leur dire! C’est pour ça qu’il n’y a pas de bleu sur le drapeau canadien. Les Canadiens anglais ne veulent absolument pas reconnaître cet étonnant paradoxe, parce que leur identité nationale à eux tient pour une large part à la menace que représente constamment les francophones pour leur hégémonie canadienne coast to coast.
Pendant que le Devoir publie un cahier spécial sur la semaine de la francophonie, le Globe and Mail reste silencieux.
Bozo les culottes est un homme rompu à l’humiliation et sait se réfugier dans ses rêves. Félix Leclerc disait aussi, dans le sport et le sexe. Minoritaire face à la « wild bunch ». Comment relever la tête? La France? Notre mère la France va revenir nous chercher pour nous envelopper dans son drapeau et nous offrir une statue de la liberté?
La France ne reviendra pas. Nous ne chanterons jamais la Marseillaise dans nos écoles. Ça fait plus de 200 ans qu’on sait ça. Québécois, Acadiens ou Canadiens français, nous avons nettement coupé avec la source de notre culture. Pire. Nous avons été abandonné historiquement par la France. Elle n’a jamais vraiment cru à la Nouvelle France. Radisson a compris ça très rapidement. Petit peuple sur le continent, mais petit peuple aussi sur la planète, sans mère patrie.
Mais alors…ça veut dire quoi appartenir à la francophonie?
C’est à croire que le Québec participe à la francophonie pour se faire reconnaître comme Etat-nation. C’est l’enfant illégitime qui revient à la maison en disant « Maman te souviens tu? Moi, je me souviens! » Le Canada, de son côté s’implique pour ne pas laisser le Québec briller seul sur une scène internationale importante. Le Sommet francophone de 1999 aura lieu à Moncton au Nouveau-Brunswick et les prochains jeux de la francophonie se tiendront dans la région de Hull-Ottawa sans que le Québec ait été jusqu’ici invité à s’impliquer dans l’organisation. Le Canada veut montrer que c’est lui qui porte les culottes.
De l’autre côté de l’océan, là-bas, la France a d’autres chats à fouetter. Faire le gendarme dans ses anciennes colonies d’Afrique par exemple, aujourd’hui affamées, dépendantes et exclues du grand jeu de la modernité. Un peu comme le Québec dans le bon vieux temps du régime français! Aussi, en tant que 4ième puissance économique du monde la France cherche par tous les moyens à accroître son poids politique international.
C’est ce qui a été décidé au dernier Sommet de la francophonie au Vietnam. La nomination de l’ancien secrétaire général de l’ONU, Boutros Boutros-Ghali au poste de secrétaire de la Francophonie est un pas en ce sens. L’absence de consultation des pays africains sur cette question a soulevé la colère de leurs dirigeants. Ils crient à une manipulation de Paris.
La croisade francophone va se porter à la défense de la démocratie et de la paix dans le monde. Position paradoxale pour la France qui reprenait il n’y a pas si longtemps une série d’essais nucléaires dans le Pacifique et qui détient depuis cette année le titre de plus grand vendeur d’armement aux pays du Tiers-monde.
Mais qu’allions nous donc faire dans cette galère?
En plus d’avoir à inventer le ciment du Canada, les francophones canadiens semblent aussi avoir la tâche urgente de repenser la francophonie!