Pour ceux qui s’en souviennent, j’avais, il y a quelques semaines, écrit un article où je faisais l’apologie des grands mots. C’est vrai, je suis pour le mot juste, si long soit-il. La semaine dernière, Daniel Lamoureux, le directeur de la FFT m’avait lancé quelques fleurs, que j’ai attrapées avec plaisir. Cependant, sans vouloir offusquer qui que ce soit, je ne suis pas d’accord à 100 % avec l’article de M. Lamoureux.
Oui, je crois qu’il est essentiel d’enrichir sa langue. Je crois que le mot juste est toujours apprécié, même s’il faut l’expliquer. Je crois que l’usage d’adjectifs pertinents et explicatifs est essentiel. Cependant, je crois aussi qu’il existe des niveaux de langues qu’il faut respecter. Je m’explique.
Dans le cadre de la créativité, point de restriction, mais alors là, aucune. Le niveau de langue utilisé dans un roman, des nouvelles, des poèmes, etc., est ad lib, selon les fantaisies de son auteur. Qui se plaindra des longues phrases et du vocabulaire recherché de Marcel Proust? Bien sûr, il y a certaines règles à respecter si vous voulez vous engager dans un genre particulier. Si vous écrivez des alexandrins, vos vers doivent avoir douze pieds. Donc, certains règles s’appliquent, selon le genre que vous choisissez.
Là où je m’objecte, c’est dans la langue administrative. Cette langue de bois a aussi ses règles qui ne gagne rien à l’usage des fioritures. La langue administrative se doit d’être concise et simple, sinon le propos y perd en clarté. Le but de la langue administrative n’est pas de faire de la poésie. Elle ne laisse aucune place à l’élan créateur d’un auteur en mal de s’exprimer. Bien au contraire. Elle a pour but de préciser des idées. Plus ces idées sont exprimées succintement, plus le lecteur percevra le but du propos. Je ne veux pas dire par là que la langue administrative doive être malmenée. Bien au contraire. Mais comme son but premier est la clarté, plus le style en sera épuré, plus le propos y gagnera.
Lorsque vous lisez un projet, ou un rapport, si vous devez relire deux ou trois fois la même phrase, c’est que l’auteur du document est peut-être à côté de la plaque. En principe, une seule lecture suffit. Il ne s’agit pas d’un essai ou d’une thèse philosophique. Certains sujets sont destinés à n’être lus que par des spécialistes de certains domaines précis. Si vous lisez un article d’astrophysique, à moins qu’il ne soit vulgarisé, je vous donne en mille que vous n’y comprendrez pas grand-chose, et vous n’êtes pas le seul. Ce n’est pas parce que vous êtes nul, c’est simplement que le sujet est destiné à des spécialistes du domaine. Si on décide de publier l’article dans l’Actualité, par exemple, on devra vulgariser le propos pour que les gens du commun, comme vous et moi, puissions le comprendre.
Pour résumer en quelques mots, je crois que les niveaux de langue existent et qu’il est important de les respecter. Quand on écrit, n’est-ce pas pour être lu? Et quand on veut être lu, et surtout compris, il faut absolument identifier le lecteur. Une fois le lecteur identifié (scientifique, public en général, religieux, spécialiste d’un domaine donné), le choix du niveau de langue s’impose. Et il arrive que le mauvais choix de ce niveau de langue crée la confusion : mauvaise perception du lecteur, propos incompris, etc.
Je ne veux pas me faire l’avocate du diable. Je suis d’accord avec M. Lamoureux en ce qui concerne une bonne connaissance de sa langue, mais là où je crois que nos opinions divergent, c’est ce fameux niveau de langue. Et il ne faut pas non plus oublier que la simplicité et la clarté constituent aussi de grandes qualités chez toute personne qui doit pondre un texte.
Non, je ne veux pas susciter de polémique avec mon propos, mais je ne pouvais rester silencieuse face à un sujet qui me touche de si près. Vous avez des commentaires? [email protected]