Deux responsables d’un projet d’Aide à l’enfance du Canada étaient de passage à Yellowknife en mai dernier pour donner une conférence sur le projet. Ce dernier, d’envergure nationale, concerne l’exploitation sexuelle de la jeunesse autochtone.
Dans les semaines à venir, la coordonnatrice du projet, Melanie Mark, voyagera dans les petites communautés des T.N.-O. Elle parcourt le Canada, dans le cadre du National Aboriginal Sexually Exploited Youth Project (NASEYP) pour recueillir les témoignages de jeunes garçons et filles autochtones qui ont été (sont) exploités sexuellement.
« Nous mettons l’accent sur les jeunes. Nous voulons également redéfinir ce qu’est l’exploitation sexuelle et la violence faite aux enfants », a indiqué Cherry Kingsley, une jeune femme qui a été dans le milieu de la prostitution pendant 8 ans.
« Beaucoup de jeunes sont exploités dans les petites communautés. Plusieurs d’entre eux se prostituent pour avoir un toit, de la nourriture, de l’alcool ou de la drogue. C’était mon cas », raconte Cherry. Élevée dans une famille où la violence et les abus étaient fréquents, elle a rencontré un couple de jeunes gens dans la vingtaine. Ils la sortaient et l’écoutaient, ce dont elle avait le plus besoin. Puis, ils l’ont invitée à venir déménager avec eux à Vancouver pour commencer une nouvelle vie (!). Dès l’arrivée dans la grande ville, le couple « d’amis » informe Cherry qu’elle devra travailler pour payer sa nourriture et son loyer. Sans éducation, elle se retrouve dans la rue.
« J’ai survécu parce que l’on m’a enseigné que la vie est sacrée », conclut Cherry qui dévoue temps et énergie afin de venir en aide à tous ceux et celles qui sont exploités sexuellement. Qu’elle est la priorité ? « L’espoir. Si tu n’as pas d’espoir Š C’est une chose quand tu perds confiance en certaines personnes, mais si tu perds confiance en toi Š », affirme Cherry.
« Il faudrait qu’il y ait un centre pour les jeunes ouvert 24 h sur 24. Les jeunes, dont les parents sont ivres et violents, pourraient s’y réfugier. Il faut aussi être patient. Ce n’est pas facile de réintégrer la société. J’ai quitté la maison à 12 ans. Je versais tout mon argent à mon proxénète. Je n’avais jamais eu de compte de banque. Je n’avais jamais versé un loyer, ni fait l’épicerie. Ce sont des petites choses de la vie qu’il faut apprendre. C’est difficile, et les gens ne le comprennent pas toujours », explique la jeune femme.
« Il faut arrêter de véhiculer la croyance que les hommes ont besoin de la présence de prostituées et que ces dernières font ce métier par choix », déclare Melanie Mark. Selon ses observations, la plupart des jeunes qui commencent à se prostituer ont entre 13 et 15 ans.
Le projet touche aussi à d’autres aspects comme l’attitude de la population, la prévention, le processus de guérison et d’aide pour se sortir de la prostitution. La coordonnatrice du projet raconte la vie d’une jeune fille de 12 ans qui habite Goose Bay, au Labrador. « Dans la communauté, cette enfant est connue comme -celle qui donne des fellations. Tous connaissent son histoire et elle n’est pas accueillie à bras ouverts. Qui souhaite voir ses enfants se lier d’amitié avec cette enfant ? Toutefois, personne ne pointe du doigt les hommes qui la fréquentent. » « Cette jeune est méprisée. Les hommes qui vont voir cette enfant, eux, ne se font pas traiter de salauds », déplore Cherry. « C’est une question d’attitude et de perception. Les jeunes gens sont blâmés pour leurs comportements négatifs, mais il faut comprendre les raisons derrière ses comportements », ajoute-t-elle. « Je souhaite vraiment que le public soit informé de la situation. Il faut changer l’attitude du public et des communautés envers l’exploitation sexuelle. »