le Dimanche 6 juillet 2025
le Vendredi 3 novembre 2000 0:00 Divers

Halte là! L’hiver est là!

Halte là! L’hiver est là!
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Alors que les dernières semaines apportaient un certain malaise, une certaine inquiétude, pour ne pas dire une certaine angoisse, l’hiver vient faire fondre tout ça.

Quand les jours se mettent à raccourcir à vue d’oeil, que le soleil ne se pointe plus le bout du nez quand on part travailler et qu’en plus, la nature est grise, triste, dénudée, on se prend à rêver de neige. Cette grande couverture blanche viendrait égayer cette nostalgique vision. Et on rêve, jusqu’au matin où la magie s’opère, comme tous les ans depuis tant et tant de temps. La belle neige blanche est là. Et le plaisir ne se résume pas uniquement à l’oeil. En effet, tous les sens sont touchés, enfin presque. Pendant que l’oeil se réjouit, l’oreille se délecte des sons atténués par cette grande insonorisatrice qui fait son oeuvre. Le visage et les mains caressées par la douce brise n’en finissent pas de sentir le petit picotement plutôt jouissif (comme dirait Jacques Languirand). L’air sent bon. Les odeurs persistantes et nauséabondes se perdent dans la fraîcheur de l’air. J’imagine que tout comme moi, une fois de temps en temps, vous ouvrez la bouche pour avaler un gros flocon si bien campé qui vient se percher sur le coin de vos lèvres. Hop! Avalé le flocon! Et c’est bon. On en reprendrait…et on en reprend. Nous voilà bien partis. Si tout l’hiver, il faisait aussi doux que les journées où il neige, ce serait le bonheur. On en voudrait à longueur d’année, ou presque. Mais l’hiver, ce grand tyran, ne se contente pas de nous envoyer que de la neige. Il nous envoie bien d’autres choses, pas toujours évidentes à prendre. Aussitôt la neige bien étendue, l’hiver se pointe, avec ses grosses bottes, Gros Jean comme devant, et il nous assène le reste de son cortège dont on se passerait bien : grands froids, noirceur, trottoirs et rues verglacés, vents à écorner les boeufs et … et étuquer (oui, c’est un mot inventé qui signifie enlever les tuques!) les pauvres piétons qui se battent pour mettre un pied devant l’autre. Parlons-en des piétons. Ils ont la vie dure, les pauvres! J’en suis une, je sais de quoi je parle! Ils faut les voir avancer comme des pingouins, les pattes de travers, les petits pas saccadés et maladroits qui tentent de s’accrocher à un sol plutôt rébarbatif, pour ne pas dire complètement réfractaire. Chaque pas est une victoire contre les éléments hostiles. Chaque arrivée au travail est un combat remporté sur une guerre qui va durer quelques mois. Le pauvre piéton est exténuée, et la journée ne fait que débuter. À quelques reprises, au cours de la journée, il devra reprendre le bouclier et se battre à nouveau, jusqu’au dernier combat quotidien, alors qu’il vient de peiner toute la journée pour gagner sa pitance. Pauvre, pauvre piéton!

N’allez surtout pas croire que l’automobiliste est en reste, qu’il est épargné. Il aura lui aussi à livrer des combats quotidiens. Ses adversaires sont plus sournois; souvent ils sont déguisés…en autres automobilistes. En effet, fiers de leurs grosses minounes, de leurs gros quatre roues motrices ou fiers de rien, mais frustrés, des automobilistes, déguisés en automobilistes, d’ailleurs, (d’où le danger qu’ils représentent) se précipitent à l’assaut des rues enneigées, glacées, sablées, et que sais-je encore? Ils piaffent d’impatience face aux pauvres piétons, qui, bien innocemment, poursuivent leur combat, sans se prendre compte qu’une autre menace rôde. Sur les coins de rues, les automobilistes s’aiguisent les dents, se curent le nez et liment leurs chassures sur des pédales de freins qui n’obéissent plus à leur maître. Les voitures ont pris le contrôle du champ de bataille. Les conducteurs ne réussissent plus à mater leur cheval fougueux. C’est la mêlée totale. La rue et le trottoir deviennent un champ de bataille on ne peut plus chaotique. Les automobilistes jurent contre les piétons qui prennent un temps fou à traverser, en raison de la glace; les pauvres piétons pestent contre les automobilistes qui foncent sur eux sans contrôle de leur char de guerre. C’est la folie. Quel confort que de s’asseoir en sécurité derrière un écran cathodique plutôt rassurant et pépère après ces durs débuts de journée. La trève s’installe pour quelques heures. Mais ce n’est que partie remise. Les combattants fourbissent leurs armes. Tantôt, tout à l’heure, un peu plus tard, il faudra reprendre du service.

Franchement, elle exagère, vous dites-vous? C’est aussi ce que je me dis. J’aime l’hiver. Mail il comporte tout de même des impondérables avec lesquels ils faut composer. Ce que je suis en train de faire au moment même. Je compose. Là-dessus, je vais aller déneiger ma voiture et jeter un coup d’oeil sur l’état des choses. Bon hiver!

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