Aucune législation n’existe aux Territoires du Nord-Ouest pour encadrer le travail des sages-femmes qui ¦uvrent dans l’ombre. « Nous ne pouvons travailler à l’intérieur du système de santé actuel », admet la sage-femme Lesley Paulette.
« Le problème, c’est absence de législation et le manque d’encadrement », affirme André Corriveau, en mentionnant le travail des sages-femmes aux T.N.-O. « La pratique doit s’effectuer sous supervision et des procédures doivent être mises en place pour recevoir les plaintes, et cela pour protéger autant le public que les professionnels », soutient-il.
Il n’y a pas de statistiques permettant de savoir combien de sages-femmes exercent leur profession aux Territoires. Un système de santé alternatif s’organise, et tente donc de survivre grâce aux dons et en cumulant un emploi complémentaire.
Ainsi, il ne vous en coûte rien pour accoucher avec l’aide de Gisela Becker ou de Lesley Paulette à Fort Smith. Les femmes sont libres de donner de l’argent. « Une patiente a envoyé son mari pour réparer ma maison, c’était sa façon à elle de me remercier », raconte Lesley. Dans une société où tout a un prix, cette forme de troc surprend, mais n’est pas appréciée par tous. Rien n’empêche l’instauration d’un projet conjoint avec les sages-femmes d’une communauté et l’établissement de santé local, mais il faut qu’il y ait les conditions gagnantes. « Le ministère de la Santé et des Services sociaux n’a pas de crainte en ce qui concerne les sages-femmes, mais cela bouscule d’autres professionnels », constate André Corriveau, en ajoutant qu’il y a également la peur de l’inconnu.
Les professionnels de la santé sont-ils prêts à accepter l’intégration des sages-femmes en milieu hospitalier ? « Non, on ne sent pas cela encore », soutient André Corriveau.
« Ça donnerait un élément de choix [entre l’accouchement à l’hôpital Stanton ou dans la communauté] », souligne André Corriveau, en parlant de la présence des sages-femmes dans les communautés. Selon Lesley Paulette et Gisela Becker, il s’agit non seulement d’un choix mais d’une approche complètement différente. En milieu hospitalier, la future maman doit se déplacer d’un département à l’autre. Il y a l’aile des accouchements, l’aile prénatale, la salle de travail et l’aile postnatale. « La grossesse et la naissance sont ainsi fragmentées. Pourtant, la grossesse n’est pas seulement une expérience physique, c’est également une expérience émotionnelle et spirituelle », ajoute-elle.
Briser les mythes
Le manque de formation est une crainte exprimée par plusieurs pour rejeter du revers de la main le travail des sages-femmes. « Dans les temps anciens, il n’y avait pas de formation spécifique, mais aujourd’hui nous pouvons étudier », souligne Gisela Becker.
Il existe, notamment dans les provinces du Québec et de la Colombie-Britannique, des programmes pour sages-femmes autorisées, une voie qui gagne en popularité. Les sages-femmes peuvent effectuer la plupart des examens de routine, sauf les examens spécialisés, puisqu’elles ne peuvent acheter l’équipement.
« C’est viable à long terme [intégration des sages-femmes], mais ça ne peut pas fonctionner en vase clos », soutient André Corriveau, en ajoutant qu’il faut accélérer le dialogue entre les établissements de santé, les professionnels et les sages-femmes. Selon lui, l’attitude consistant à repousser les sages-femmes car les assurances ne les couvrent pas, ne constitue qu’un prétexte. « L’établissement de santé assure son personnel », constate André Corriveau.
À quand une législation pour régir la profession ? « Nous travaillons actuellement pour légaliser le travail des infirmières praticiennes. Il faut établir des priorités. Jusqu’à présent, le dossier des sages-femmes n’est jamais monté à la surface », indique André Corriveau.