le Lundi 21 avril 2025
le Vendredi 13 juillet 2001 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:35 Société

En avant la musique! Une francophone gère Wekwekti

En avant la musique! Une francophone gère Wekwekti
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Elle parle français, mais pas dogrib. Avant d’apprendre à chasser et pêcher, elle a vu Le Caire, Sydney et New Delhi. Maintenant, quand elle lève les yeux, c’est pour voir la région du lac Snare. Depuis près de deux ans, Nadine Neemey a délaissé le bitume de sa ville natale, Montréal, pour les chemins de terre de Wekwekti. Comme un poisson dans l’eau, mais à contre-courant, elle est gestionnaire d’un conseil de bande.

«Cela a pris plusieurs mois avant de sentir que les gens m’acceptent. Tu débarques dans une communauté, personne ne te connaît et tu viens gérer la collectivité. Les gens disaient : « Qui es-tu pour venir ici ? » C’est le va-et-vient des enfants dans les maisons qui a eu raison des craintes : ils sont devenus le fil conducteur entre Nadine et la communauté située entre le Grand lac des Esclaves et le Grand lac de l’Ours. « Les enfants sont ouverts d’une façon que les adultes ne sont pas. » La gestionnaire, dont le teint trahit ses origines nord-africaines, avait trempé dans différents milieux culturels au cours de sa vie, mais n’avait jamais foulé le sol arctique.

« J’avais quelques connaissances sur les Autochtones, sur leur histoire ; j’ai une bonne amie Mohawk qui vit à Kanawake, près de Montréal. J’avais toujours eu envie de voir comment ils vivent avec la terre. » Mais il s’en est fallu de peu pour qu’elle observe le désert égyptien au lieu de la forêt boréale. « Quand on m’a appelé pour m’offrir le poste, je partais pour l’Égypte. On m’a convaincue de venir au moins quelques jours observer les lieux. Ça a été le coup de foudre. » Depuis, elle en est à son troisième contrat.

Quand la jeune femme de 27 ans ne gère pas le budget, les programmes ou les maisons de la communauté d’environ 135 habitants, elle gratte sa guitare et participe aux « drum dance ». « En jouant de la musique, on dirait qu’on vient du même monde. » Un exutoire qui lui permet également de se retirer de la communauté. « Avec le travail que je fais, j’ai besoin de prendre du recul. Je pars pour de longues marches dans le bois avec mon chien, et les gens me disent : T’es folle! Il y a des ours partout ! Alors je reste chez moi, je coupe le téléphone et je joue de la guitare. »

Celle qui a déjà enseigné l’anglais à des moines en Inde sait que les moments présents conserveront des parfums qui n’auront rien de l’Asie ou de l’Afrique. « J’ai vécu des cycles ici, saisons après saisons. J’ai trouvé ma routine, ce que je n’avais jamais dû faire avant. Ça m’a donné une force d’être ici, seule, retirée du monde », ajoute celle qui dirige dans ses fonctions une équipe de 23 employés. Son esprit cartésien a puisé dans la terre, dans un monde physique. « Vivre dans un espace comme ça aussi longtemps, aller à la chasse, enlever la chair des caribous ; c’est autant de choses que je vais retenir. »

Celle qui « se sent chez elle partout, mais pas vraiment chez elle nulle part » cherche toujours ses racines. Son passage à Wekwekti ne lui donne pas de réponse, mais lui a ouvert la porte sur un monde qu’elle ne soupçonnait pas, au nord du soixantième parallèle.