le Vendredi 9 mai 2025
le Vendredi 9 mai 2025 10:28 Autochtones

Le Denendeh et le Japon, sur un même rythme

Le groupe Tokara, Dean Havixbeck, Art Lee et Yukari Ichise en spectacle à l’école secondaire de Fort Simpson. — Photo Nancy Mullick
Le groupe Tokara, Dean Havixbeck, Art Lee et Yukari Ichise en spectacle à l’école secondaire de Fort Simpson.
Photo Nancy Mullick
Le temps d’un spectacle à Fort Simpson, le 5 mai, les tambours du Denendeh et du Japon ont battu à l’unisson, par-delà les cultures et les traditions.
Le Denendeh et le Japon, sur un même rythme
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« Il y a beaucoup de similitudes dans l’histoire, dans notre croyance que les ancêtres font partie des tambours », dit le directeur du groupe Tokara, en tournée dans les Territoires du Nord-Ouest. Art Lee est le premier et le seul non japonais à avoir remporté une prestigieuse compétition de Taïko, la musique de tambour japonaise. Tokara fait une tournée dans les écoles et les communautés de Łı́ı́dlı̨ı̨ Kų́ę́, Hay River, Fort Smith et sera à Yellowknife le 10 mai, avec, en première partie, le groupe ténois Skyfire Taiko.

« Le taiko a été utilisé pendant des siècles […] pour prier pour de bonnes récoltes, pour de la pluie, explique M. Lee. […] Comme art de performance, c’est assez récent, environ 70 ans. »

« Chaque personne laisse une partie d’elle-même dans un tambour, ajoute-t-il. […] Alors, la personne qui en joue joue aussi avec les personnes qui l’ont précédée sur ce tambour. Plus vieux est le tambour, plus il a été joué par différentes personnes, plus il y a de gens qui partagent la musique, qu’ils se soient rencontrés ou non. C’est une des choses que nous croyons. […] Nous ne pouvons simplement frapper le tambour comme un instrument ou juste avoir du plaisir. Nous devons donner 100 % de nous-même, de tout ce que nous sommes, de tout ce que nous pouvons mettre dans le tambour. »

Cette dimension spirituelle n’est pas nécessairement perceptible en spectacle, mais l’audience en a plein la vue.

« Le Taïko, c’est aussi de la danse et des arts martiaux. Tout notre corps est à l’œuvre. On met tout ce qu’on a dans le spectacle et, à la fin, on voit des étoiles. »

Je crois qu’il est juste de dire que c’est la première fois dans l’histoire du tambour qu’il y aura une collaboration entre les joueurs de tambour dénés et du taïko.

— Nancy Mullick, cofondatrice de Skyfire Taiko

Le diapason

Les traditions japonaise et dénée de tambour se sont croisées à Łı́ı́dlı̨ı̨ Kų́ę́ les 4 et 5 mai derniers. 

« Je n’avais jamais vraiment écouté leur musique, mais Art est venu nous rencontrer, raconte le joueur de tambour Gilbert Cazon. […], il a écouté nos chansons. Nous avons pu faire une cérémonie de la fumée et lui raconter un peu l’histoire de la culture dénée. Il a vraiment apprécié, et il a réalisé que nous sommes au diapason sur certaines choses. »

Pour M. Cazon, l’instrument qu’ils partagent les unit. « N’importe quel tambour est l’écho de la nature, énonce-t-il. Quand tu bats et que tu crées une vibration, elle va à la vie et s’ajoute à l’acoustique de la nature. Elle va à la Terre et à tous les gens qui y dorment. Alors c’est une façon naturelle de se connecter à travers les vibrations. »

Le joueur de tambour précise qu’il est dans la tradition de son peuple d’accueillir les gens des autres cultures. « Parce que quand tu t’en vas, tu ne sais pas dans quel territoire tu reviendras. Alors, c’est une façon de se connecter naturellement aux choses qui sont inconnues. »

Un message des ancêtres

Pour Gilbert Cazon, cette rencontre du Nord et de l’Orient est aussi la réalisation d’un rêve oublié, celui de réunir des joueurs de tambours pour « calmer les cœurs et les ramener dans le bon chemin », en lien avec les impacts des pensionnats indiens et des femmes autochtones disparues ou assassinées.

« Mais ensuite, j’ai été très occupé et j’ai oublié cette histoire, raconte M. Cazon. Mais tout d’un coup, j’ai eu un appel de Marie [Coderre, directrice du Northern Art & Cultural Centre]; elle m’a expliqué l’évènement qu’elle organisait, et je me suis souvenu. J’avais oublié, mais je suppose que mes ancêtres n’avaient pas oublié, alors ils ont envoyé ce groupe dans notre communauté. Je suppose qu’ils veulent que quelque chose arrive. Je pense que c’était un cadeau du ciel. »

 

Une première

La rencontre avec les joueurs de tambour dénés s’est également avérée fertile pour le directeur du groupe Tokara. 

« Ils parlaient beaucoup de leurs croyances, de la fabrication des tambours et de leur culture, révèle Art Lee. […] C’était quelque chose que j’ai vraiment aimé écouter et j’ai été surpris de constater de telles similitudes entre deux cultures si différentes. C’était très proche de ce que nous croyons avec le taïko […]. C’était très important et puissant pour moi. »

Art Lee concède qu’il n’avait aucune idée de la manière dont les deux groupes allaient pouvoir jouer ensemble. « Évidemment, nous sommes tous des joueurs de tambour, dit-il […], mais il y a des façons de jouer très très différentes. Mais tout s’est mis en place doucement. »

La cofondatrice de Skyfire Taiko, Nancy Mullick, a participé à la rencontre et au spectacle de Fort Simpson.

« Je vais faire écho à Art sur la puissance de la rencontre, dit-elle. Et le partage était sincère. Je crois qu’il est juste de dire que c’est la première fois dans l’histoire du tambour qu’il y aura une collaboration entre les joueurs de tambour dénés et du taiko. Nous allons jouer une chanson ensemble ce soir. Nous avons discuté hier de comment ça sonnerait, de quoi ça aurait l’air. Je crois que ce soir sera un moment très spécial à partager. »

Skyfire Taiko, qui coproduit la tournée de Tokara, donnera des ateliers de taïko à Yellowknife du 12 au 15 mai.

À Fort Simpson, ce sont des ateliers de tambour et de chant déné, ouverts à tous, qui se donnent jusqu’au 24 mai, pour les novices et les plus avancés.