
La couleur du bois de caribou qu’elles intègrent dans leurs créations peut les guider vers un motif particulier ou un choix de couleurs spécifiques pour le perlage.
Il y a plus de dix ans, Montana et Delaney Prysnuk décident de fabriquer des bijoux à partir de fil de cuivre recyclé et de pièces perlées qu’elles conçoivent. Le cuivre est un matériau important dans leur histoire familiale. Leur grand-mère est née à Kugluktuk. Anciennement connue sous le nom de Coppermine (mine de cuivre), c’est une collectivité de plus de mille habitants située dans la région de Kitikmeot, à l’embouchure de la rivière Coppermine au sud-ouest de l’ile Victoria au Nunavut.
« Le cuivre est une ressource importante pour de nombreuses Premières Nations autochtones. Il est d’origine naturelle et malléable et possède des propriétés curatives et des pouvoirs de guérison pour le corps, l’esprit et l’âme », expliquent-elles.
Facile à travailler avec les mains ou avec une pince, et sans avoir à le chauffer, le fil de cuivre est un matériau merveilleux selon les sœurs Prysnuk.
Nous avons toujours eu du respect et de l’admiration pour les personnes qui travaillent les peaux. Nous sommes fascinées par les processus et les outils utilisés, le travail des peaux est inscrit dans notre ADN depuis nos ancêtres. Notre peuple a travaillé les peaux, les a respectées et les a utilisées pour survivre, car c’était le matériau principal des abris et des vêtements.

Depuis cinq ans, les sœurs Prysnuk tannent de façon traditionnelle des peaux de caribou et d’orignal.
Le « peuple du caribou »
Le bois de caribous est également au cœur de leurs créations et est un hommage à leurs racines Gwich’in. Le peuple Gwich’in est appelé le « peuple du caribou », car cet animal est central dans leur culture. La harde Porcupine est leur principale source de nourriture, d’outils et de vêtements depuis des temps immémoriaux.
Leur inspiration est sans limites et la couleur du bois qu’elles intègrent dans leurs créations peut les guider vers un motif particulier ou un choix de couleurs spécifiques pour le perlage. Leur grand-mère leur a enseigné les gestes et transmis les motifs perlés que les deux artistes utilisent aujourd’hui dans leurs réalisations.
« Il y a toujours une forme qui devient une sorte de ligne directrice et on peut s’inspirer des formes des bois de caribou. On s’inspire aussi des variations de couleurs qui se trouvent dans le bois, car elles dépendent d’un grand nombre d’éléments et donnent des couleurs et des densités différentes. En fin de compte, c’est le matériau qui nous indique quoi faire. »
Un apprentissage au long cours
Durant leur enfance, les sœurs n’étaient pas toujours concentrées lorsque leur mère leur enseignait le perlage. Des années plus tard, en 2013, elles ont dû réapprendre les gestes élémentaires auprès d’amies de la famille. Ayant un parcours au long cours, elles continuent d’apprendre d’un grand nombre de personnes et découvrent parfois des techniques plus faciles tout en développant de nouvelles compétences.
« Notre technique actuelle est vraiment une combinaison de la façon dont on nous a enseigné et de ce qui fonctionne le mieux pour nous parce qu’il y a beaucoup de techniques différentes, surtout dans une communauté comme Whitehorse ou de multiple Nations se côtoient », explique Montana Prysnuk.
Un projet familial pendant la pandémie
En mars 2020, alors que la pandémie de Covid-19 force les résidents du Yukon et de Whitehorse à l’isolation, Montana et Delaney décident de se lancer dans l’apprentissage du tannage traditionnel des peaux de caribous. Ayant conservé plusieurs peaux qui leur ont été offertes depuis 2015, elles réalisent que c’est le bon moment pour apprendre les gestes ancestraux et construire une structure dans leur jardin qui deviendra, par la suite, leur poste de tannage.
« Le travail des peaux est inscrit dans notre ADN. Notre peuple les a travaillées, respectées et utilisées pour survivre car c’était le matériau principal des abris et des vêtements. »
Contrairement aux peaux de caribous, plus petites et faciles à travailler, les peaux d’orignaux demandent beaucoup plus de temps et de patience. Margaret Douville, experte en tannage de peaux d’orignaux, a partagé son expérience et ses techniques avec Montana et Delaney en 2020. Membre de la Première Nation Tlingit de Teslin, elle a appris le tannage auprès de sa grand-mère dès son plus jeune âge. Mary Jane Moses, originaire de Fort McPherson et coordinatrice du patrimoine au sein de la Première Nation Vuntut Gwitchin de Old Crow, leur a aussi transmis son savoir. Grâce à des vidéos, « nous avons pu apprendre le langage gwitchin et les noms des différents outils et les peaux », indiquent les sœurs.
Par ailleurs, le lien familial et communautaire reste inébranlable et la connexion demeure par la transmission et le don de peaux malgré l’éloignement. Chaque fois que des membres de leur famille d’Inuvik leur rendent visite, ils leur apportent des peaux de caribous.
Transmettre les gestes, d’une génération à l’autre
Depuis cinq ans, elles n’ont jamais cessé de tanner les peaux et ressentent un immense honneur et un grand privilège à reproduire ces gestes qui sont inscrits dans leur histoire familiale. Leur grand-tante, Caroline Moses, a été la dernière des matriarches de leur lignée à tanner les peaux.
À leur tour, dans une volonté de partager leurs connaissances afin que le savoir ne se perde pas, Montana et Delaney participent à des camps traditionnels au cours desquels les jeunes des collectivités peuvent s’initier aux gestes ancestraux sur des peaux collectées par les sœurs. Cette transmission aux jeunes générations est une étape très importante dans leur parcours et elles estiment qu’il est de leur devoir de partager à leur tour ce savoir, elles qui ont tant appris auprès de plusieurs personnes ainées.
« Nous continuons à aller de l’avant, d’enseigner aux jeunes et de les faire participer, d’apprendre non seulement de nos personnes ainées, mais aussi des ainées des collectivités dans lesquelles nous vivons. »
En fournissant un espace sûr pour que les membres des différentes Premières Nations du Yukon pratiquent leurs cultures et leurs traditions, le tannage des peaux joue un rôle important sur la santé mentale. Reproduire les gestes ancestraux, au cœur du territoire traditionnel, apporte non seulement un sentiment de bienêtre, mais aussi un sentiment fort de connexion entre les communautés.