le Dimanche 29 juin 2025
le Samedi 28 juin 2025 19:07 Francophonie

Services en français : les trois défis majeurs

Le directeur du Secrétariat aux affaires francophones, Antoine Gagnon (bas droite) et les membres de son équipe, au service de la communauté franco-ténoise. — Photo Cristiano Peirera
Le directeur du Secrétariat aux affaires francophones, Antoine Gagnon (bas droite) et les membres de son équipe, au service de la communauté franco-ténoise.
Photo Cristiano Peirera
Malgré des avancées, l’offre de services en français au GTNO demeure inégale. Antoine Gagnon, directeur du Secrétariat aux affaires francophones, identifie trois obstacles majeurs : le manque de personnel bilingue, la formation insuffisante et la coordination fragmentée. Il appelle à des efforts ciblés pour garantir ce droit.
Services en français : les trois défis majeurs
00:00 00:00

Malgré les progrès réalisés au fil des années, l’offre active de services en français aux Territoires du Nord-Ouest demeure un défi pour le gouvernement territorial. Antoine Gagnon, directeur général du Secrétariat aux affaires francophones, dresse un portrait lucide des embuches qui freinent une mise en œuvre systématique de ces services.

Recrutement incertain et mal ciblé

« Le premier obstacle, c’est le recrutement », souligne-t-il d’emblée. Si environ 175 employés du GTNO reçoivent actuellement une prime au bilinguisme pour le français, leur répartition dans les différents ministères reste inégale, et parfois inconnue. « On ne sait pas nécessairement où ces gens-là sont », note M. Gagnon. Cette incertitude complique la planification et la disponibilité réelle des services – et dans certains ministères, les capacités sont plus grandes que dans d’autres, ce qui crée des écarts importants.

La formation constitue un deuxième chantier majeur. Les employés changent de postes, les équipes se renouvèlent, et les standards de communication doivent constamment être réexpliqués. « C’est la formation des employés, puis le fait que les employés, ils bougent, ils changent et ils ne seront pas habitués à offrir ce service », raconte le directeur du Secrétariat. Or, les formations ne sont pas offertes avec une fréquence suffisante pour garantir un niveau uniforme de compétence dans l’offre de services. 

Quant à la stratégie de recrutement, elle reste générale et n’est pas spécifiquement adaptée aux francophones. Le responsable au Secrétariat aux affaires francophones explique que, « en ce moment, il n’y a rien de spécifique qui est fait pour les francophones plus que pour les autres personnes » et que le gouvernement mise sur la promotion d’offres d’emploi sur son site web et des partenariats avec des organismes comme le CDÉTNO. Des efforts plus ciblés seraient néanmoins souhaitables, reconnait M. Gagnon.

Ce n’est pas une question de nombre, c’est une question de droit. 

— Antoine Gagnon, directeur du Secrétariat aux affaires francophones

Des efforts inégaux entre ministères

Certains ministères s’en sortent mieux que d’autres, notamment celui de la Santé. Ce secteur a mis en place des mécanismes de recrutement spécifiques, en réponse à une pénurie de main-d’œuvre criante. « Dans le système de santé, ils ont leurs propres gens qui font du recrutement, le PracticeNWT, avec l’équivalent en français [ExercezauxTNO] », indique-t-il. La concurrence accrue pour les professionnels de la santé à travers le Canada explique aussi pourquoi des campagnes ciblées y ont été déployées. « Quand les besoins sont plus grands, on en fait plus pour recruter. Et s’il y a plus de compétition, on doit se distinguer, se démarquer. »

Dans ce contexte, le rôle des coordonnateurs des services en français dans chaque ministère est crucial. Le modèle est décentralisé, chaque ministère conservant la responsabilité de ses services. Le Secrétariat agit comme instance de coordination avec Lorne Gushue comme conseiller principal aux communications et aux services en français. C’est lui qui centralise les demandes et les questions, notamment en ce qui concerne les « zones grises » comme l’identification d’un document destiné ou non au public. « Toutes ces demandes vont être centralisées à Lorne », dit Antoine Gagnon.

Faire valoir ses droits

Mais offrir un service n’est rien sans usagers pour en bénéficier. Et encore faut-il que ces derniers osent le demander. Interrogé sur les hésitations que certains francophones peuvent ressentir – par crainte d’un délai ou d’un refus – Antoine Gagnon rappelle que son rôle est de garantir la disponibilité des services : « Mon rôle de Secrétariat des affaires francophones est de m’assurer que la disponibilité est là. L’important, c’est afficher que le service est disponible ». Il insiste sur le fait que le choix d’en faire la demande revient à chaque citoyen.

Et si certains francophones hésitent encore, il les encourage à franchir le pas. « Faites la demande quand même, notre système est assez mature, puis vous serez surpris aussi de voir la quantité de personnes qui ont la capacité de vous répondre en français directement. » 

En cas de mauvaise expérience, un système de rétroaction est en place. M. Gagnon rappelle que ce système de rétroaction, accessible toute l’année sous le nom Votre avis GTNO, permet au public de transmettre des commentaires anonymes ou nominatifs, qui sont ensuite pris en compte par les ministères concernés. Rien n’y reste lettre morte, assure-t-il. 

Enfin, à ceux qui estiment que le gouvernement en fait trop pour la minorité francophone, Antoine Gagnon répond avec fermeté. « Ce n’est pas une question de nombre, c’est une question de droit », affirme-t-il, rappelant l’héritage bilingue du Canada et des TNO, ainsi que les obligations légales issues de décisions judiciaires. « Le Secrétariat aux affaires francophones est né dans le cadre de cours. Il y a eu la communauté qui a amené le gouvernement en cour et la cour a clairement statué que le gouvernement doit offrir les communications et les services en français. »

Offrir des services de qualité en français n’est pas seulement une exigence, c’est aussi une occasion de renforcer l’attractivité du territoire. « C’est une opportunité pour les TNO, de soutenir la vitalité de la communauté francophone en offrant des services de qualité », conclut Antoine Gagnon.