
Représentation de la centrale Monark du projet d’énergie nucléaire de Rivière-la-Paix. Le site couvrirait environ 6,4 kilomètres carrés.
Du nucléaire en amont du Mackenzie. Energy Alberta veut ériger quatre réacteurs Candu Monark d’une puissance de 4 800 mégawatts à trente kilomètres au nord de la municipalité de Rivière-la-Paix. La rivière éponyme, qui se jette dans la rivière des Esclaves, est un affluent majeur du bassin versant du Mackenzie. Selon le promoteur privé, la centrale a pour objectif de répondre aux besoins énergétiques de l’Alberta, soutenir sa croissance économique et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Selon les données d’Energy Alberta, la préparation du site pourrait prendre trois ans et il en faudrait environ dix avant que le premier réacteur entre en fonction. L’usine devrait être opérationnelle pendant 70 ans ; deux décennies supplémentaires seraient nécessaires pour fermer le site. La centrale génèrerait 3 500 emplois durant les opérations et des recettes fiscales de 29 milliards de dollars.
Évaluation et consultation
Le 7 juillet, l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC) qui encadre le projet, annonçait que celui-ci ferait l’objet d’une évaluation d’impact approfondie, menée par une commission d’examen indépendante. En parallèle, le public a jusqu’au 23 juillet 2025 pour présenter des commentaires.
Cependant, des contacts ont déjà été établis avec des parties prenantes, notamment avec une trentaine de communautés autochtones. Des commentaires et des questions sont en ligne sur le site de l’AEIC, auxquels le promoteur a répondu le 28 juin dernier.
Un projet « inacceptable »
Lois Little, une ancienne membre du chapitre ténois du Conseil des Canadiens, a manifesté
son opposition au projet de centrale nucléaire de Rivière-la-Paix, soulignant à quel point le sous-bassin Paix-Athabasca joue un rôle prédominant pour le bassin versant du fleuve Mackenzie. « Les développements industriels et les changements climatiques payent déjà un lourd tribut sur la quantité et la qualité de l’eau, avance Mme Little. […] L’entente Alberta-TNO de 2015 sur les eaux transfrontalières exige le maintien de l’intégrité écologique des écosystèmes transfrontaliers, mais des développements industriels irresponsables ont mis cette entente de côté. Étant donné la demande pour l’eau douce et la toxicité potentielle des eaux usées, ce projet de centrale nucléaire augmente potentiellement les risques pour la qualité et la quantité de l’eau du bassin versant du Mackenzie. Ce n’est acceptable sous aucun terme. »
Mme Little estime que si le projet se réalise, il devrait être contrôlé par une agence du même type que le Comité de surveillance de la mine Giant : « Je ne suis pas rassurée par le volumineux historique de capitulations du Régulateur de l’Énergie de l’Alberta, par sa complicité avec les industries qu’il est chargé de réguler […] et son mépris flagrant pour les droits et titres autochtones. »
Impacts sur le débit d’eau
La Première Nation crie d’Ermineskin et le Regroupement pour la surveillance du nucléaire ont aussi mis de l’avant des préoccupations pour le bassin versant. Il en est de même pour le ministère de l’Environnement et des Changements climatiques Canada (ECCC), qui a de surcroit exprimé des inquiétudes pour le parc Wood Buffalo, dont une partie se situe aux Territoires du Nord-Ouest.
« Le régime de débit naturel du cours inférieur de la rivière de la Paix a déjà été modifié par les opérations de trois centrales hydroélectriques, peut-on lire dans le document de 34 pages. L’utilisation de l’eau pour le projet [de centrale nucléaire] pourrait réduire encore davantage le flot quotidien de la rivière de la Paix, qui alimente le delta Paix-Athabasca et le Grand lac des Esclaves. »
Parmi ses nombreuses recommandations, ECCC préconise qu’une mise à jour du projet reconnaisse et élabore sur le fait que la rivière de la Paix constitue le cours supérieur d’un bassin versant du fleuve Mackenzie, qui se déploie en amont en Alberta et en Saskatchewan.
Un plan exhaustif
ECCC demande à Energy Alberta de préciser les quantités d’eau qui seront utilisées et de faire une évaluation des impacts cumulatifs sur les écosystèmes, en association avec les besoins et la culture des communautés locales.
Le ministère demande aussi au promoteur de fournir des chiffres sur le transport et l’entreposage d’uranium, sur l’entreposage de combustible irradié.
Energy Alberta a répondu qu’un plan exhaustif de gestion de l’eau serait conçu, couvrant toutes les phases du projet, de la préparation du site à sa remise en état. La compagnie dit reconnaitre l’importance biophysique, culturelle et spirituelle du delta Paix-Athabasca pour les peuples autochtones et le classement du parc Wood Buffalo dans le patrimoine mondial de l’Unesco.
Des commentaires du GTNO et de la nation dénée étaient toujours attendus au moment de mettre sous presse.