L’industrie aérienne dans le Nord serait en santé, cependant voyager coûte cher.
Nommée par le ministre fédéral des Transport pour conduire une étude sur la restructuration des lignes aériennes, Debra Ward était à Yellowknife, le 10 juin dernier, pour entendre les opinions des septentrionaux sur le sujet. Selon les intervenants, avec deux lignes aériennes et plusieurs plus petites compagnies offrant des services aériens, la compétition n’est certes pas un problème, sauf que les coûts demeurent élevés et les liens avec les grandes villes du Sud demeurent limités.
Selon Peter Archuk, co-propriétaire d’Air Tindi, le problème des coûts élevés du transport aérien est surtout le coût des assurances. « Si je veux assurer mon enfant de 16 ans sur ma voiture, il y a des statistiques qui appuient les coûts qui y sont reliés », a-t-il mentionné, faisant savoir que les statistiques en terme de réclamation d’assurances pour les compagnies aériennes n’appuient pas les coûts élevés qu’il a à payer. M. Archuk paie environ un million de dollars par année pour assurer ses 17 avions.
Au point de vue de la compétition, ce dernier ne se dit pas contre l’idée. Cependant, il ne faudrait pas la créer par simple nécessité. Faisant référence aux récentes créations de Air Jazz et de Air Tango, celui-ci a ironiquement proposé la création, en copropriété par First Air et Canadian North, d’une nouvelle ligne nommée Air Gigue.
En fait, pour plusieurs intervenants de l’aviation et de la politique aux Territoires du Nord-Ouest, le Nord ressort souvent perdant de l’ouverture à la compétition. « Puisqu’il n’y a pas de règle ou de commission, on perd toujours un peu », de faire savoir Peter Neugebauer, directeur du développement économique à la ville de Yellowknife. Tout comme d’autres intervenants, celui-ci craint les compagnies aériennes qui établiraient des liens vers le Sud pour une courte période de temps, mais qui causeraient du dommage aux deux compagnies offrant déjà le service.
Quant à la déréglementation des services aériens, les opinions sont partagées. Certaines personnes voudraient un retour de l’implication fédérale ou un statut particulier pour le Nord. Cependant, même dans le Sud, les situations varient d’une région canadienne à l’autre, de faire savoir Debra Ward. « Sur la Côte-Nord, au Québec, il n’y a pas de service du tout. Dans les Maritimes, ou sur l’Île de Vancouver, la situation est encore différente », cite-t-elle en exemple.
Pour le sous-ministre aux Transports, Peter Vician, dans le Nord, les voyages aériens « ne sont pas un luxe, mais une nécessité ». Ce dernier a profité de l’occasion qui lui était offerte pour dénoncer le financement au prorata des infrastructures aéroportuaires. « Nous avons une bonne relation avec NAV Canada, mais nous composons avec un processus de déficit, spécialement,dans les petits aéroports », a-t-il mentionné. NAV Canada est l’organisme sans but lucratif chargé, par le gouvernement fédéral, de gérer le système de transport aérien au Canada. Parmi ses mandats, NAV Canada doit fournir et entretenir des systèmes d’approches électroniques. Quant à l’entretien des infrastructure aéroportuaires, il revient, dans plusieurs cas, au gouvernement territorial.
Du côté d’Air Canada, qui éprouve des difficultés financières, les gens autour de la table ont exprimé leur mécontentement face aux prix demandés et aux services offerts. Selon Mme Ward, « Les gens pensent à ce qui était impensable. Les gens imaginent des scénarios et les communautés locales considèrent qu’elles sont les mieux placées pour comprendre leurs propres problèmes. Ce n’est plus une question de drapeau ou de nationalisme. C’est une question de besoins de services ».
Dans le rapport qu’elle remettra au ministre Collenette en juillet, Mme Ward devra trouver des pistes de réponses pour plusieurs questions. « Est-ce qu’en tant que Canadiens, nous pouvons permettre à Air Canada d’échouer et, ensuite de regarder ce qui se passe ? Comment marier le besoin de compétition avec les besoins de compagnies durables?», s’interroge-t-elle.
Bien qu’il n’en ait pas été question lors de la rencontre du 10 juin, Debra Ward s’est avancée sur le sujet des langues officielles sur les vols d’Air Canada. « C’est un autre problème pour Air Canada. Il faut que la compagnie soit en comformité avec la Loi. On m’a dit qu’il y avait des changements, mais les clients me disent que ce n’est pas encore au niveau de ce que ça devrait être. Air Canada a un plan dont j’ignore le contenu pour améliorer la situation », a-t-elle mentionné, ajoutant que le paragraphe sur le sujet sera simple dans son rapport. « Il faut absolument offrir les services en anglais et en français, partout au Canada. C’est la Loi! ».
Après avoir consulté le document préparé par Mme Ward, le ministre Collenette aura le loisir de le rendre public quand bon lui semblera. « Quant vous êtes un citoyen et non un officiel, c’est au plaisir du gouvernement de décider ce qu’il fera du rapport. J’espère que le gouvernement prendra les recommandations de la population en considération et s’il ne le fait pas, il aura ses raisons », a-t-elle lancé.