le Samedi 2 août 2025
le Vendredi 1 août 2025 11:15 Arctique

La cheffe Dawna Hope réclame des comptes après l’accident de la mine Eagle Gold

Dawna Hope, cheffe de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun reste sceptique quant à la portée limitée du rapport de l’IRB qui ne pointe pas directement la responsabilité du gouvernement du Yukon dans l’accident de la mine Eagle Gold. 
 — Photo Andrew Serack & FNNND
Dawna Hope, cheffe de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun reste sceptique quant à la portée limitée du rapport de l’IRB qui ne pointe pas directement la responsabilité du gouvernement du Yukon dans l’accident de la mine Eagle Gold.
Photo Andrew Serack & FNNND
La mine Eagle Gold, où le glissement de terrain s’est produit le 24 juin 2024, se trouve sur le territoire traditionnel de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun (NND) à plus de 400 km au nord de Whitehorse. 13 mois après l’accident et à la suite à la publication du rapport indépendant sur les causes de l’accident, Dawna Hope exprime sa colère.
La cheffe Dawna Hope réclame des comptes après l’accident de la mine Eagle Gold
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La Première Nation Na-Cho Nyäk Dun demande l’interdiction du procédé de lixiviation en tas et de l’exploitation minière à ciel ouvert sur son territoire traditionnel. 

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Plus d’un an après l’accident décrit par Dawna Hope comme la catastrophe minière la plus grave de l’histoire du Yukon, la cheffe de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun et son conseil ont exprimé leur colère dans une infolettre de juin 2025. 

« Cette année a été marquée par le chagrin, la frustration et la trahison envers les systèmes et les acteurs responsables des dommages causés à nos terres, ainsi que par l’héritage des promesses non tenues qui ont continué avec cette catastrophe. »

Un rapport au gout amer

Le 30 juin dernier, un rapport indépendant, commandité par le gouvernement du Yukon, a mis en lumière les circonstances et les causes du glissement de minerai survenu à la mine. NND qui attendait avec impatience ce rapport, est cependant restée sceptique quant à la portée limitée de ce rapport qui ne pointe pas la responsabilité du gouvernement du Yukon. 

Dans la gestion de cette situation de crise qui dure depuis 13 mois maintenant, Dawna Hope estime que le gouvernement a fait preuve d’inefficacité et de négligence. De plus, leur approche s’est avérée « dangereuse pour l’environnement en matière de gouvernance minérale » et les impacts sont disproportionnés pour les peuples autochtones du Nord. 

Dans un courriel adressé à Médias ténois le 28 juillet 2025, Dawna Hope rappelle qu’aucun incident particulier n’est à l’origine de cette défaillance catastrophique, mais bien plusieurs mécanismes de défaillance qui ont entrainé l’accident. « Cette défaillance est due à l’effet cumulatif d’une série de problèmes évitables, résultant d’une culture qui a permis à VGC de “s’en tirer à bon compte” pendant plus de cinq ans d’activité. VGC a commis de nombreuses erreurs qui ont toutes contribué à cette défaillance majeure », déclare-t-elle. 

Cette année a été marquée par le chagrin, la frustration et la trahison envers les systèmes et les acteurs responsables des dommages causés à nos terres, ainsi que par l’héritage des promesses non tenues qui ont continué avec cette catastrophe.

— Dawna Hope, cheffe de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun

La Première Nation craint qu’une autre catastrophe environnementale ne se reproduise au site minier Eagle Gold. Environ 4 millions de tonnes de minerai concassé ont glissé le 24 juin 2024, soit environ 10 % du tas.

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La culture de l’industrie minière en cause

De plus, ce rapport a révélé la culture de l’industrie minière du Yukon qui perdure « en coulisses », selon Mme Hope. Comment le gouvernement du Yukon peut-il continuer à promouvoir la réputation de sécurité et de responsabilité de l’industrie minière du Yukon alors qu’il permet que ce niveau de négligence et de mépris pour l’environnement et la sécurité continue de se produire en ne demandant pas de comptes en tant qu’organisme de règlementation, se demande-t-elle. 

Par ailleurs, l’IRB a recommandé que le gouvernement du Yukon fasse appel à des experts supplémentaires afin de pouvoir règlementer efficacement les installations de ce type et de cette envergure. « Si le gouvernement du Yukon s’engage à empêcher qu’une telle catastrophe ne se reproduise, nous ne pourrons atteindre ce niveau de sécurité et de responsabilité dans l’exploitation minière au Yukon tant que l’organisme de règlementation ne sera pas prêt à tenir les exploitants responsables », estime Dawna Hope. 

Une enquête publique demandée

Le 9 décembre 2024, Dawna Hope a fait parvenir une demande d’audit à la vérificatrice générale du Canada (BVG), Karen Hogan. L’un de ses rôles est d’auditer les opérations du gouvernement fédéral et des gouvernements territoriaux. 

Claire Baudry, conseillère principale en communications du Bureau du vérificateur général du Canada, a indiqué que le BVG est au courant de la publication du rapport établi par le comité d’examen indépendant et continue de suivre la situation afin d’informer la sélection d’audits futurs. 

Aucune date d’échéance n’a cependant été indiquée par le BVG, car les demandes reçues ne font pas l’objet d’un processus formel d’acceptation ou de refus. « Si le sujet est retenu, il sera intégré dans notre plan de travail officiel. À cette étape, l’équipe d’audit communiquera avec les parties concernées afin de définir l’étendue de l’audit », a indiqué Mme Baudry.  

La Première Nation Na-Cho Nyäk Dun pense qu’une enquête publique approfondie permettra d’examiner les problèmes systémiques qui ont pu contribuer à l’effondrement, y compris le rôle de la surveillance règlementaire du gouvernement du Yukon.

Une déclaration du gouvernement du Yukon en attente 

John Thompson, agent des communications du ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources, a déclaré le 29 juillet 2025, que le gouvernement du Yukon était encore en train de déterminer si une enquête publique serait appropriée, à la lumière des conclusions du comité d’examen indépendant. Concernant les recommandations du rapport, aucun délai n’a été donné et le ministre John Streicker a simplement indiqué qu’une mise à jour serait faite dans quelques semaines.

Le 30 juillet 2025, la Première Nation de Na-Cho Nyäk Dun a informé par voie de communiqué le premier ministre du Yukon, Mike Pemberton, qu’elle rejetait la nouvelle législation sur les minéraux proposée le 27 juin par le gouvernement. Rappelant son implication pour participer activement et de manière réfléchie aux efforts visant à moderniser le régime minier du Yukon, la Première Nation a fait part de sa grande déception et estime que ses efforts se sont avérés infructueux. « Le gouvernement du Yukon a refusé d’apporter les changements systémiques nécessaires pour garantir que l’exploitation minière se fasse de manière durable, respecte les droits des Premières Nations et favorise une gestion responsable de l’environnement. Ce cadre n’est au mieux qu’une modeste amélioration par rapport au statuquo, a déclaré Dawna Hope. Le gouvernement du Yukon a permis à l’exploitation minière non durable de se poursuivre pendant des générations. Il est resté les bras croisés et a laissé une mine dangereuse continuer à fonctionner sur notre territoire, et notre peuple paiera le prix de la catastrophe de la mine Eagle Gold durant des générations. »

La Première Nation de Na-Cho Nyäk Dun n’est pas disposée à accepter moins qu’une refonte complète du régime minier du Yukon. Malheureusement, le gouvernement du Yukon n’était tout simplement pas disposé à apporter les changements fondamentaux nécessaires, a déploré Mme Hope.

Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des trois territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, L’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.