
Un barrage a été installé à l’embouchure du ruisseau Haggart pour empêcher les poissons de remonter le courant et de s’approcher de la zone contaminée aux abords du site de la mine Eagle Gold.
Plus d’un an s’est écoulé depuis l’accident, mais les inquiétudes soulevées par la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun (NND) n’ont pas faibli depuis. Avec l’augmentation du niveau d’eau due à la fonte des neiges durant le printemps 2025, NND a fait part de son inquiétude. « L’équipe travaille d’arrachepied pour s’assurer que des mesures d’atténuation appropriées sont mises en œuvre afin d’éviter de nouveaux débordements qui pourraient avoir un impact environnemental significatif. C’est pourquoi la construction en cours d’un système de stockage et le traitement de l’eau sont essentiels », a indiqué le conseil dans une infolettre de juin 2025.
À ce jour, plus de 200 000 m3 d’eau contaminée ont été traités et rejetés. Cependant, l’eau traitée et rejetée ne répond pas à toutes les normes requises, ce qui signifie que des contaminants métalliques lourds sont encore présents dans le ruisseau Haggart, déplore le Conseil.
Les impacts sur les poissons
Le cyanure est extrêmement toxique et présente des dangers pour l’environnement et la santé humaine. Il est particulièrement mortel pour les poissons de la famille des salmonidés (truite, saumon, omble, ombre, etc.), car cette espèce est encore plus sensible au cyanure.
Ce dernier tue les poissons et autres organismes aquatiques en perturbant leur respiration. À des concentrations plus faibles, il peut causer des dommages à long terme sur leur croissance, leur capacité à nager, leur alimentation et leur reproduction, mais sans être fatal. Les juvéniles sont particulièrement sensibles au cyanure.
Un plan de protection des poissons est actuellement mis en œuvre par NDD afin d’empêcher les poissons, par l’installation de barrages, d’entrer dans certaines parties du ruisseau Haggart près de la mine. La capture et la relâche des poissons en amont fait aussi partie de ce plan, car la qualité de l’eau dans ces sections du ruisseau peuvent être dangereux pour la lote, le corégone rond, l’ombre arctique et le chabot visqueux. Ces deux dernières espèces sont les plus abondantes dans le ruisseau. « L’usine de traitement des eaux rejette de l’eau, mais elle n’a jamais respecté toutes les normes requises par le permis d’utilisation de l’eau », déplore Dawna Hope, cheffe de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun.
De plus, elle rappelle que les eaux souterraines contaminées sont toujours présentes en grande quantité sur le site et dans la vallée en aval, et le risque de fortes précipitations à l’automne 2025 pourrait à nouveau entrainer des débordements. « Nous continuons à travailler sans relâche avec le gouvernement du Yukon et le séquestre, afin d’atténuer autant que possible les dommages causés à l’environnement. »
La surveillance de la faune aquatique
Au début du mois d’aout 2024, le ministère des Pêches et des Océans du gouvernement fédéral (MPO) avait émis une ordonnance de mesures correctives exigeant que Victoria Gold, qui était encore responsable du site à l’époque, installe des barrages à sept endroits le long du ruisseau afin de limiter les mouvements des poissons. Le MPO avait émis cette ordonnance à la suite du rejet d’eau par l’usine de traitement de Victoria Gold, qui avait entrainé la mort d’au moins 68 poissons entre le 31 juillet et le 2 aout 2024. Le ministère avait également ordonné que Victoria Gold déplace les poissons d’une partie du ruisseau Haggart, immédiatement en aval de la mine où du cyanure avait été détecté.
Or, cet ensemble de décisions et d’ordres a été pris sans concertation avec la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun, ce qui a perturbé le programme de surveillance des poissons que NND menait conjointement avec le ministère de l’Environnement du Yukon. Plus de 1 300 poissons ont été déplacés du ruisseau Haggart vers la rivière McQuesten. Aucune trace n’indique si ces poissons ont été marqués dans le cadre du programme de surveillance initial de NDD, regrette le conseil de la Première Nation.
Même si le MPO a depuis amélioré sa façon de communiquer sur la gestion des barrages à poissons dans cette zone et consulte comme il se doit NDD avant de rendre d’autres ordonnances de mesures correctives, « il sera toutefois difficile de distinguer les effets de la défaillance du système de lixiviation en tas de la mine de ceux du sauvetage des poissons ».
Quels impacts sur les mammifères ?
Une surveillance des mammifères a été mise en place en parallèle du programme de surveillance des poissons. Ce sont les contaminants comme les métaux lourds qui sont recherchés chez les orignaux, les caribous, les castors, les loutres et les rats musqués. Les trappeurs ont été invités à soumettre des échantillons de leurs prises d’animaux à fourrure piégés au cours des mois d’hiver.
Les résultats de ces premières analyses sont en cours d’évaluation par le ministère de l’Environnement du gouvernement du Yukon et le nombre d’échantillons n’a cependant pas été révélé. « Ces premiers échantillons nous aideront à établir des données de référence sur les métaux lourds présents dans la faune sauvage de la région de la mine Eagle Gold », explique Jake Wilson du ministère de l’Environnement du gouvernement du Yukon.
Néanmoins, chaque chasseur ou trappeur ayant fourni des échantillons ne saura pas si l’animal capturé était propre à la consommation. En effet, « le programme n’a pas pour but de fournir aux chasseurs les résultats de leurs soumissions individuelles, mais plutôt d’aider à évaluer si les niveaux de ces éléments changent au fil du temps », conclut M. Wilson.
Quel avenir pour la collaboration entre Première Nation et gouvernement du Yukon ?
Le 6 aout 2025, John Streicker, ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources, a déclaré que « l’entente définitive de la Première Nation des Na-Cho Nyäk Dun confirme l’autorité législative et de gestion du gouvernement du Yukon sur les activités minières menées sur les terres non visées par un règlement. » La législation régissant l’exploitation minière continue donc de s’appliquer alors que le gouvernement du Yukon entend faire respecter l’honneur de la Couronne dans ses démarches consultatives. Un protocole d’entente a été signé avec la Première Nation pour entamer la planification régionale, même si un consensus sur une interdiction temporaire de jalonnement n’a pas été atteint.
Malgré les désaccords, le gouvernement a affirmé vouloir continuer de collaborer avec la Première Nation.
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