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le Vendredi 23 août 2002 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:35 Société

La bonne pâte Cuisiner à trois

La bonne pâte Cuisiner à trois
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La WWF de Yellowknife ne se spécialise pas dans les spectacles de gros muscles, mais dans celui des gros chaudrons.

La description est simple. Un homme dans la cinquantaine, aux cheveux grisonnants et à l’accent typique de l’Ouest de l’Île de Montréal. La description physique prévaudra sur la photographie; Wally Sheper ne veut pas étaler sa vie dans les pages d’un journal. De fil en aiguille, le restaurateur, co-propriétaire du restaurant du Centre septentrional Prince-de-Galles, se livrera tout de même un peu. Puis il ouvre toutes grandes les portes de ses cuisines. Une fois en confiance, le restaurateur ira même jusqu’à vous donner sa recette de tourtière du Lac St-Jean.

C’est un coup de dés qui a emmené Wally et sa femme France en sol ténois. La visite d’un membre de la famille s’est transformée en déménagement. Les deux montréalais se sont installés simplement, sans chichi, après avoir vendu leur restaurant de Montréal qu’ils géraient depuis une vingtaine d’années. « On a décidé qu’il était temps de faire un grand changement. La sœur de ma femme nous avait invité pour une visite à Yellowknife. On a dit OK, mais on n’a pas fait de visite. On a tout vendu », raconte le passionné, qui s’est mis aux fourneaux après vingt années passées dans le domaine du textile.

C’est un autre tour de chance qui leur a permis d’ouvrir le restaurant qui siège au deuxième étage du musée de Yellowknife. Le lendemain de leur arrivée, un avis dans le journal local annonce la recherche de restaurateurs pouvant prendre en charge le café du musée. L’occasion était parfaite. Le couple Sheper s’est mis les mains à la pâte et a tout rénové les cuisines du restaurant en trois mois. Depuis bientôt un an, les résidents de la ville peuvent s’arrêter sur l’heure du lunch pour une soupe ou un dessert fait maison.

La restauration est devenu un milieu précaire dans le Nord, où la compétition est féroce pour les employés et où les denrées fraîches et de qualité se font rares. Wally reconnaît que la gestion d’un restaurant n’est pas de tout repos ici, mais il a vite réglé le problème. Exit les fournisseurs, c’est maintenant lui qui achète directement du fabriquant. Il a ainsi éliminé les retards de livraison, les erreurs dans les commandes et peut choisir lui-même la qualité de ses produits. « Nous faisons l’importation directe d’Edmonton, de Vancouver et de Calgary, explique Wally Sheper. C’est moins compliqué. On peut savoir exactement si le produit est disponible ou non. » Seule exception à la règle, trois fournisseurs sont tombés dans les bonnes grâces du couple. La boucherie de Yellowknife, la Coop et l’Association franco-culturelle de Yellowknife. « Honnêtement, le sirop d’érable que je reçois de l’Association est meilleur que celui que je peux acheter à Montréal », affirme celui qui aurait bien aimé profiter de ce filon plus tôt.

Chez les Sheper, le pain et les desserts sont faits sur place. Le mot d’ordre est le comfort food, la nourriture qu’ils mangent à la maison. L’organisation interne de la cuisine est très structurée. Le chef cuisinier Willie est aux chaudrons, tandis que Wally s’occupe de la confection des desserts. Entre les deux trône la patronne, France, qui se spécialise dans la recherche d’ingrédients et les desserts. « Elle est au centre de nous deux », dira en riant le restaurateur. Le trio Willie, Wally et France leur a prévalu le surnom de WWF de Yellowknife. Des plats, ils en abattent !

La recette du succès pour un couple qui a transformé un passe-temps en gagne-pain ? Le sourire, la qualité et les prix raisonnables. Les Sheper offrent même sur leur menu des plats traditionnels québécois, comme les pets de sœur ou la version revue et corrigée de la tarte au sucre. « Willie préfère faire de la cuisine italienne, c’est sa spécialité. Ma femme et moi faisons une tourtière du Lac St-Jean incroyable. On utilise le sirop d’érable dans plusieurs de nos produits de boulangerie, pour donner un petit goût différent », conclu sur une note sucrée Wally, avant de relever ses manches et de reprendre le chemin des cuisines.