le Lundi 5 mai 2025
le Vendredi 11 octobre 2002 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:35 Société

Semaine de sensibilisation à la violence familiale Le visage caché de la violence

Semaine de sensibilisation à la violence familiale Le visage caché de la violence
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« Mon mari était très violent. Tout le monde croyait qu’il était merveilleux parce qu’il était très gentil et poli en public. Personne n’aurait cru qu’en privé, il était un monstre. »

Cette histoire, comme toutes les autres histoires du livre Untold stories 2, a été racontée par une femme des Territoires du Nord-Ouest sous le couvert de l’anonymat. Le Conseil sur la condition de la femme des T.N.-O., de concert avec la Coalition contre la violence familiale, ont publié ce livre à l’occasion de la Semaine de sensibilisation à la violence familiale des T.N.-O., qui s’est tenue du 7 au 11 octobre dernier.

Aux Territoires du Nord-Ouest, selon une étude réalisée par le ministère de la Santé et des Services sociaux en 2000-2001, 257 femmes ont été admises dans un refuge pour femmes violentées. Au total, 8 343 nuits ont été passées dans l’un des cinq refuges des T.N.-O. Selon Marsha Argue, coordonnatrice de la recherche au Conseil sur la condition de la femme, ces chiffres sont probablement les plus élevés au Canada. C’est d’ailleurs cette affirmation qu’a repris en écho le premier ministre, Stephen Kakfwi, qui, à l’occasion du lancement de la semaine, a partagé des souvenirs douloureux avec le public. « Quand j’étais petit, nous étions chez des amis et j’ai remarqué qu’il y avait du sang sur le mur. J’ai demandé au mari pourquoi il y avait du sang sur le mur. Il m’a répondu, placidement, qu’il venait de son épouse. »

Pour les intervenants de première ligne, tout le comportement des hommes envers les femmes est à revoir. « Les femmes ne sont toujours pas égales aux hommes, même aujourd’hui. À cause de cela, les femmes ne sont pas aussi respectées et leurs droits non plus », affirme Marsha Argue. Personne n’estime que les changements se feront du jour au lendemain, mais la venue de la semaine de sensibilisation a, semble-t-il, brisé le silence. « Nous voyons davantage de gens qui cherchent de l’aide dans les communautés, qui veulent sortir de leur situation. » Comme l’a mentionné le premier ministre : « Il y a eu une diminution de la violence; une diminution du malaise associé à la violence familiale. »

C’est du bout des lèvres que les intervenants décrivent la violence comme un phénomène culturel. Selon le Conseil sur la condition de la femme, plusieurs facteurs ont encouragé le développement de comportements violents auprès des groupes autochtones. « La violence existe dans toutes les sociétés. Ici, au Nord, il y a eu l’oppression culturelle et les écoles résidentielles, qui ont peut-être contribué à augmenter le niveau de violence. C’est plus ouvert ici, ça se voit un peu plus, alors qu’au Sud, ça ne se voit pas aussi clairement », soutient la coordonnatrice. Pourtant, selon une étude réalisée en 1991 par l’Association des infirmiers et infirmières autochtones, entre 75 et 90% des femmes de certaines communautés du Nord sont battues et environ 40 % des enfants ont été maltraités par des membres de leur famille.

La chanteuse d’Inuvik, Anne Kasook, a souligné le facteur intergénérationnel, qui favorise la transmission de la violence chez les enfants ayant grandi dans un milieu dysfonctionnel. « Je n’avais jamais réalisé que j’avais autant de douleur quand j’étais enfant, ce qui a façonné mon comportement dans ma vie. J’ai de petits-enfants qui ont toujours la violence familiale sous les yeux. » « Les enfants apprennent de ce qu’ils voient. Ça prend beaucoup de temps pour changer les comportements », renchérie Marsha Argue.

La première édition du livre Untold stories avait été publié en 1990 au Nunavut. C’est la troisième fois que la Semaine de sensibilisation à la violence familiale est organisée aux T.N.-O.