
Entre évacuations, critiques et solidarité sur le terrain, la gestion des feux de forêt soulève des débats.
Pour la première fois depuis son arrivée à la tête du gouvernement, le premier ministre RJ Simpson a été directement pris à partie pour sa gestion des feux de forêt. La scène s’est déroulée la semaine dernière au centre d’évacuation de Hay River et a rapidement circulé dans une vidéo sur les réseaux sociaux : l’ancien député fédéral Michael McLeod, résident de Fort Providence et lui-même évacué, n’a pas mâché ses mots.
« Allez-vous envisager de redonner la responsabilité de la lutte contre les incendies au gouvernement fédéral pour qu’il nous aide ? » a-t-il lancé. Devant une salle attentive, M. McLeod a accusé le GTNO d’inaction : « Vous ne nous fournissez rien pour prévenir les feux, rien. Pas une goutte de retardant dans ma communauté, pas un seul largage de bombardier d’eau. C’est une honte. Vous n’êtes pas capables. C’est évident que vous n’êtes pas capables. »
Il conclut en réitérant sa demande : « Allez-vous envisager de redonner l’argent et de renvoyer cette responsabilité au gouvernement fédéral pour qu’il assure notre sécurité ? »
La réponse de RJ Simpson
Dans une déclaration écrite envoyée à Médias ténois, RJ Simpson a reconnu entendre la colère des évacués, mais a défendu l’action de ses équipes.
Il souligne que « les évacués à travers les Territoires du Nord-Ouest vivent un stress immense » et que « la frustration exprimée par certains résidents de Fort Providence est compréhensible ». Difficile, dit-il, de trouver du réconfort quand « sa maison et sa communauté sont menacées ».
Le premier ministre rappelle toutefois sa confiance envers pompiers et intervenants : « J’ai une pleine confiance envers nos pompiers forestiers et urbains, nos intervenants d’urgence et nos employés de soutien. Ils ont travaillé sans relâche dans des conditions extrêmement difficiles et ont réussi à contrôler ou éteindre plus d’une centaine de feux cette saison. Leur professionnalisme et leur dévouement ont protégé nos communautés. »
Il assure enfin que toutes les ressources continueront d’être mobilisées et promet qu’« une fois la saison terminée, nous tirerons les leçons pour renforcer notre programme ».
C’est une honte. Vous n’êtes pas capables. C’est évident que vous n’êtes pas capables.
Ministre Macdonald insiste sur la sécurité
Le ministre de l’Environnement, Jay Macdonald, a, lui aussi, transmis une réponse écrite. Selon lui, les pompiers et les équipes d’urgence « travaillent jour et nuit » et leur action a permis de contenir ou de maîtriser plus de cent feux, tout en gérant des dizaines d’incidents sur le plus vaste territoire de réponse au pays.
Il explique que les opérations vont bien au-delà de simples mesures ponctuelles : il s’agit d’une lutte « professionnelle et coordonnée à grande échelle », incluant la protection des maisons et des infrastructures.
M. Macdonald comprend l’impatience des évacués, notamment à Fort Providence, Whatì et Jean Marie River, mais insiste : « Chaque occasion sécuritaire pour déployer des ressources a été saisie. » Les bombardiers d’eau, rappelle-t-il, ne peuvent intervenir que si les conditions de sécurité et de visibilité le permettent. Pour lui, la gestion des feux relève d’abord du territoire, qui dispose de l’expertise et des partenariats nécessaires, tout en sollicitant du soutien national si besoin.
Députée Yakeleya critique la lenteur
Sheryl Yakeleya, députée du Dehcho élue à Fort Providence, a passé plusieurs jours aux côtés des évacués à Hay River. Elle partage en partie la colère de Michael McLeod et estime que l’évacuation aurait pu être évitée si la réaction avait été plus rapide. « Le feu était encore loin de la communauté pendant un bon moment, mais on aurait pu agir plus vite », a-t-elle confié à Médias ténois par téléphone.
Elle décrit le départ comme confus et angoissant : beaucoup de résidents ne savaient pas où dormir ni comment se nourrir. « C’était presque le chaos au début », résume-t-elle, ajoutant que les plus vulnérables n’ont pas reçu assez d’aide dans les premières heures. Les conditions dans l’aréna, froid et inconfortable, ont été particulièrement dures pour les aînés.
La députée tient néanmoins à souligner la solidarité : des jeunes bénévoles se sont mobilisés pour aider les personnes âgées et les familles, tandis que des résidents distribuaient couvertures et denrées. Elle salue aussi l’appui de la Première Nation de Kátł’odeeche et de la Ville de Hay River. « Les gens se sont mobilisés, et les évacués sont reconnaissants de ces gestes », dit-elle.
Plus de clarté réclamée
Pour Kieron Testart, député de Frame Lake, la gestion des urgences doit être repensée en profondeur : « Tout le système doit être revu avec des déclencheurs clairs. »
Selon lui, les dirigeants locaux doivent être mieux outillés pour décider, mais le GTNO doit aussi assumer son autorité pour garantir de bonnes décisions. Il critique le « yoyo des alertes », souvent annoncées trop tard, et réclame un remboursement intégral des évacués ainsi qu’un hébergement adapté pour les aînés, familles et personnes handicapées. « Les gens demandent mieux à leur gouvernement », conclut-il.
Shauna Morgan, députée de Great Slave, appelle de son côté à distinguer la lutte technique contre les feux de la gestion des évacuations, qui concerne plutôt la communication et la logistique. « Il faut séparer ces deux évaluations », insiste-t-elle.
Elle rappelle que des bilans indépendants sont réalisés après chaque saison et souligne l’importance de vérifier combien des recommandations de 2023 ont été mises en œuvre cette année.