Partout à travers le monde, mais surtout en Afrique, cette maladie fait des ravages.
La douzième semaine canadienne de sensi- bilisation sur le VIH/Sida s’est déroulée du 24 novembre au 1er décembre, culminant avec la Journée mondiale du SIDA. Chaque année, les statistiques gonflent et démontrent que la maladie s’accroît à un rythme exponentiel que les médicaments ne peuvent pas freiner. Au Canada, près de 20 000 cas de SIDA ont été déclarés depuis l’apparition du premier cas en 1982. Santé Canada estime que 15 000 Canadiens vivent avec le VIH sans le savoir.
Ces nombres sont infimes si on les compare avec ceux de l’Afrique, berceau de la maladie, qui abrite, selon le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/Sida (ONUSIDA), 800 000 enfants séropositifs. Plus de 12 millions de femmes et 10 millions d’hommes africains vivent avec la maladie, qui réduit considérablement l’espérance de vie. Jusqu’à ce jour, aucun vaccin ni médicament ne prévient ou guérit le SIDA.
Gaspard Kabanga n’est pas né au Canada, mais dans la République démocratique du Congo, ex-colonie belge de l’Afrique, troisième plus grand pays du continent, enclavé entre le Soudan au Nord et l’Angola au Sud. Jusqu’à ce jour, près de 680 000 enfants congolais ont perdu leurs parents, morts du SIDA, selon des estimations fournies par l’organisme humanitaire Save the Children. Gaspard est maintenant loin de tout ça. Il vit au Canada depuis 1997, et aux Territoires du Nord-Ouest depuis mai 2002. Avec le temps, le comptable a pris du recul par rapport à la situation de son pays. Ancien étudiant en pharmacie, puis en économie, il a vu de près les premiers balbutiements du virus, détecté sur le continent au début des années 1980, au moment même où il faisait son entrée dans les classes universitaires. « On entendait parler de la maladie dans les conférences universitaires. Il y avait un laboratoire d’immunologie dans mon université, qui commençait à faire de la recherche », explique-t-il. « Je suis sortie de l’université en 1987. J’étais abondamment renseigné sur la question. »
Pourtant, Gaspard ne peut pas dire que la maladie laisse ses traces dans la vie de tous les jours. « Tu peux vivre là-bas sans avoir l’impression que la maladie existe. Tu ne l’as pas nécessairement dans ton entourage, ou c’est possible que tu ne le saches pas », estime-t-il, racontant que la maladie n’a jamais touché ni ses amis, ni sa famille, sinon un lointain camarade de classe. Loin de lui l’idée, par contre, d’amenuiser l’impact du virus. Ce n’est rien de moins qu’un fléau pour cet homme, qui aimerait voir les pays occidentaux intervenir. « C’est un problème humanitaire. Les Occidentaux devraient avoir le cœur assez gros pour aider les pays moins bien nantis. Les Africains devraient être en mesure de se procurer les médicaments, mais ils n’en ont pas les moyens. Si on laisse aller la situation, ce sera un problème pour tout le monde. »
L’aide humanitaire est donc une solution, la prévention en est une autre. « Les campagnes de sensibilisation existaient. Des musiciens et des artistes chantaient pour faire passer le message, raconte-t-il. Mais c’est difficile de dire aux gens quoi faire. Ils ont l’impression que ça n’arrive qu’aux autres. » Une perception qui a dû refaire ses classes, lorsque le fils de l’ex-président de la République démocratique du Congo, Sese Seko Mobutu, a été emporté par la maladie.
Gaspard reconnaît que la pauvreté et la promiscuité sont des facteurs à risque. Pour que l’Afrique sorte de ce cercle vicieux, il faudrait que les médicaments soient à la portée de tous. Or, la trithérapie, seul remède qui, jusqu’à maintenant, prolonge l’espérance de vie, coûte environ 15 000 dollars canadiens par année. La prise du Zidovudine, ou AZT, diminue fortement les chances pour la femme enceinte séropositive de transmettre le virus au fœtus, mais il n’est pas administré systématiquement aux femmes contaminées. « Quand j’étais au Congo, je me demandais pourquoi les Occidentaux n’aidaient pas l’Afrique. Mais si, par exemple, le Canada versait de l’argent dans le système de santé de l’Afrique du Sud, comment les Canadiens réagiraient-t-ils ? », se questionne-t-il, faisant référence au sous-financement du système de santé canadien. L’économiste en lui ne peut oublier ses premiers amours et ne conçoit pas qu’une compagnie pharmaceutique puisse avoir une approche philanthropique. « La situation des compagnies est fragile, estime-t-il. Elles luttent pour leur survie. Il faudrait que le pays s’engage à subventionner la compagnie, qui accepterait de fournir des médicaments à prix réduits en recevant des compensations du gouvernement. »